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Compte rendu et palmarès du 13ème Festival du Film Asiatique de Deauville

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C’est, exceptionnellement, seulement de retour  du Festival du Film Asiatique de Deauville 2011 que je vous livre mon compte rendu, un 13ème festival qui, cette année plus que n’importe quelle autre édition, a témoigné de la richesse et de la diversité du cinéma asiatique et de la sélection deauvillaise d’une qualité qui m’a particulièrement impressionnée. Diversité de styles donc, en revanche j’ai constaté, comme souvent, une résonance thématique entre ces différents films, une réelle noirceur et un pessimisme qui faisaient involontairement écho à l’actualité tragique dont l’ombre a évidemment plané sur Deauville, plusieurs équipes japonaises ayant de surcroît fait le déplacement. Le festival n’a d’ailleurs pas tardé à réagir mettant en place une page destinée à recueillir les témoignages de soutien.

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Revenons au cinéma (même si cette effroyable réalité en est déjà pour certains qui peut-être planchent sur le scénario d’un blockbuster). Deuil, kidnapping, suicide, violence familiale ou sociale : les thèmes de cette édition 2011 (du moins de la compétition longs-métrages à laquelle je me suis cantonnée)  étaient d’une édifiante noirceur mettant constamment en exergue la solitude des personnages, en quête d’échappatoires et d’ailleurs. Paradoxalement, le film lauréat du grand prix « Eternity » de Sivaroj Kongsakul parlait aussi de deuil mais était sans doute aussi le film le plus lumineux de cette sélection 2011.

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La 13ème édition du Festival du Film Asiatique de Deauville a débuté par une cérémonie sobre, et un peu mélancolique, à l’image du film d’ouverture « La ballade de l’impossible » de Tran Anh Hung. Ce sont le président du festival, Lionel Chouchan, et le maire de Deauville, Philippe Augier, qui ont déclaré ce Festival du Film Asiatique de Deauville 2011 ouvert, le premier insistant sur le voyage que constitue ce festival, a fortiori cette année puisque pas moins de 7 nationalités étaient représentées par les films sélectionnés, le second insistant sur l’ouverture sur l’extérieur de Deauville qui recevra ainsi très prochainement le G8.

Le premier de ces voyages nous emmenait donc au Japon avec « La ballade de l’impossible » (Norwegian wood) de Tran Anh Hung (« L’odeur de la papaye verte », « A la verticale de l’été »), une adaptation du roman éponyme de Haruki Murakami, vendu à 10 millions d’exemplaires au Japon et à trois millions à l’international. Premier des films en compétition, ce nouveau film du réalisateur de nationalité française (né dans l’ancien royaume du Laos) nous embarque dans une ballade qui en plus d’être impossible, est particulièrement mélancolique et monotone et non moins jalonnée de fulgurances poétiques visuelles.

Synopsis: Tokyo, fin des années 60. Kizuki, le meilleur ami de Watanabe, s’est suicidé. Watanabe quitte alors Kobe et s’installe à Tokyo pour commencer ses études universitaires. Alors qu’un peu partout, les étudiants se révoltent contre les institutions, la vie de Watanabe est, elle aussi, bouleversée quand il retrouve Naoko, ancienne petite amie de Kizuki. Fragile et repliée sur elle-même, Naoko n’a pas encore surmonté la mort de Kizuki. Watanabe et Naoko passent les dimanches ensemble et le soir de l’anniversaire des 20 ans de Naoko, ils font l’amour. Mais le lendemain, elle disparaît sans laisser de traces. Watanabe semble alors mettre sa vie en suspension depuis la perte inexplicable de ce premier amour. Lorsqu’enfin il reçoit une lettre de Naoko, il vient à peine de rencontrer Midori, belle, drôle et vive qui ne demande qu’à lui offrir son amour.

Un film dans lequel s’entrelacent amour, deuil et sexualité. Un film d’une mélancolie poignante et éprouvante à l’image de celle qui accompagne parfois le passage à l’âge adulte, celui vécu en tout cas par les personnages. Un film qui oscille entre la douceur de l’enfance et la violence de  la fin de l’adolescence avec ses personnages qui se heurtent à une nature incontrôlable face à laquelle ils sont impuissants et minuscules, incontrôlable à l’image des démons qui les habitent et des tempêtes (au propre comme au figuré) qu’ils devront surmonter. La caméra de Tran Anh Hung flotte, fragile, perturbée, instable comme l’existence. A cela s’ajoute la complainte mélancolique des violons et la bande originale très réussie de Jonny Greenwood. « La ballade de l’impossible » sortira en salles le 4 mai 2011.

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Ensuite, à nouveau direction le Japon pour le second film en compétition, « Sketches of Kaitan city » de Kazugoshi Kumakari  qui relate cinq évènements en apparence sans importance  qui se déroulent à Kaitan City, une ville du Nord du Japon. Les tramways filent à travers la vie des personnes liées à ces évènements et la neige finit par recouvrir chacune d’entre elles. Chaque protagoniste continue à vivre tout en sachant ce qu’il a perdu, regretté et pleuré. En adaptant des nouvelles de Yasushi Sato, Kumakari nous fait passer subtilement, parfois subrepticement, d’une histoire à l’autre les faisant s’entrecroiser, parfois se répondre et, chacune criant la détresse, la solitude, la pauvreté des différents personnages mais ne forçant jamais l’émotion. Le ciel étoilé ou  ensoleillé, seul ailleurs accessible et gratuit, vers lequel se tournent la plupart des personnages reflète cette autre envie d’ailleurs, elle inaccessible. Le plan de la fin d’une vieille femme égarée au milieu de pelleteuses destructrices se rattachant à sa dernière béquille, son chat qu’elle caresse, des caresses que la caméra accompagne longuement, résonne longtemps  comme un cri déchirant de douleur.  

 « Sketches of Kaitan city » est (déjà) le huitième film du (jeune) réalisateur  Kazuyoshi Kumakari, un film produit avec l’aide de la population, souvent interprété par des comédiens amateurs et qui pourtant relève de tout sauf de l’amateurisme et dans lequel le jeu et les situations sont d’une justesse étonnante.

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"Sketches of Kaitan city" est mon premier coup de cœur qui a été récompensé du prix du jury ex-aequo, un prix qu’il a partagé avec un film sud-coréen « The journals of Musan » (déjà lauréat de l’Etoile d’or au Festival de Marrakech), le premier film de Park Jungbum qui y interprète d’ailleurs le rôle principal, celui d’un homme d’origine nord-coréenne handicapé par le numéro de sa carte d'identité qui révèle son origine nord-coréenne. Jeon Seungchul peine ainsi à trouver du travail et à créer des liens avec les personnes qu'il croise à l'église. Il subit de nombreuses discriminations à l'image du chien errant qu'il a recueilli.  Jeon Seungchul est un marginal au sein de la société capitaliste sud-coréenne. Emane de ce film, là encore, un profond pessimisme, un désarroi même. Même si la nationalité du protagoniste n’est évoquée en apparence que de manière presque secondaire, les drames que cela engendre pour lui n’en sont que plus palpables, enfermé dans cette identité à laquelle il se trouve réduit, enfermé dans sa solitude, enfermé sans cette ville dans laquelle son seul ami est un chien condamné à la même errance, et sans doute au même triste sort. Ce personnage incarné par le réalisateur est bouleversant et semble trimballer avec lui toute la détresse d’un peuple. Mon deuxième coup de cœur du festival.

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Mon troisième coup de cœur c’est « Eternity » dont je vous parlais précédemment, qui a reçu le grand prix de cette 13ème édition du Festival du Film Asiatique de Deauville.

Synopsis : Dans un petit village à la campagne, un fantôme revient hanter les lieux de sa jeunesse. Il s'appelle Wit et il est mort trois jours auparavant. Il se souvient des jours où il était tombé amoureux de Koi, sa future épouse. Il l'avait ramenée chez lui afin qu'elle rencontre ses parents. Bien qu'elle était au départ peu encline à une vie rurale, elle accepta peu après d'y passer le restant de ses jours auprès de l'homme qu'elle aimait…

Ce film est sans doute celui qui a découragé le plus grand nombre de festivaliers non pas à cause de sa violence dont il ne fait nullement preuve (ce qui, à mes yeux auraient été plus logique) mais de sa lenteur. Réaction sans doute symptomatique d’une époque où l’ennui est la pire des souffrances, où tout doit aller très vite, où tout doit être immédiatement traduisible en un sms ou un twitt,  où il faut aller directement à l’essentiel. Si cette lenteur a été  pour beaucoup visiblement synonyme d’ennui, elle est pour moi ici synonyme de sérénité, de poésie, de sensibilité, de confiance en la patience et l’intelligence du spectateur (quand tant cherchent à l’infantiliser). Il fallait en effet accepter de se laisser (em)porter par ce film thaïlandais qui, à l’image de la palme d’or du Festival de Cannes 2010 signée Apichatpong Weerasethakul (la ressemblance s’arrête là, car autant j’ai été charmée par « Eternity », autant je suis restée hermétique à « Oncle Bonmee » , vu après 12 jours de Festival de Cannes néanmoins, ceci expliquant peut-être cela), évoquait également le réincarnation et qui débute par de longs plans séquences au cours desquels un homme traverse des paysages à moto, prisonnier du cadre cinématographique comme de l’éternité.  Sibaroj Kongsakul a réalisé ce film pour rendre hommage à ses parents et à leur histoire d’amour. Amos Gitaï en lui remettant le grand prix a défini ce film comme un “film de challenge, à la limite du projet artistique abstrait qui fait preuve d’ironie et de tendresse dans sa description d’un couple”.  Très beau film d’amour aussi où tout se déroule en douceur, en gestes esquissés ou maladroits comme deux mains qui se rejoignent presque imperceptiblement à travers une moustiquaire, où la nature impassible et radieuse semble être un troublant pied de nez à la mort , où tout dit la douleur de l’absence dans un présent simple et évanescent, une absence qui tisse sa toile avant de se révéler, poignante. Un film plein de délicatesse qui imprègne peu à peu, ne cherche jamais la facilité ou l’émotion mais finit par conquérir la seconde.

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Poursuite du voyage avec le seul film dont je regrette qu’il ne figure pas au palmarès : « Birth right », premier film  du Japonais Naoki Hashimoto qui commence comme un film contemplatif, se poursuit comme un thriller, lorgne vers un huis-clos pour se terminer en tragédie.

Synopsis : Depuis quelques jours Mika observe à distance un couple marié et leur fille Ayano. elle décide alors de prendre une décision irrévocable. En chemin vers l'école, Mika parle à Ayano, gagne sa confiance et la kidnappe. Elle l'emmène ensuite dans un bâtiment désaffecté et l'enferme à double tour…

Mika apparaît d’abord comme une ombre fantomatique, irréelle, peut-être là aussi une réincarnation, invisible en tout cas aux yeux de tous comme elle l’est depuis toujours. Elle observe cette vie familiale, heureuse, paisible, une vie qui lui est étrangère. La composition de chaque plan est d’une intelligence et d’une épure remarquables et nous dit à chaque fois quelque chose (parfois a posteriori) du personnage observateur ou observé. Les scènes dans la quasi-obscurité du bâtiment désaffecté sont d’une intensité suffocante. Hashimoto ne juge pas ses personnages mais donne une explication à leurs actes horribles. Sans doute un flashback très explicatif mais non moins réussi avec une belle économie de mots, et  le symbolisme exacerbé, en irriteront-ils certains comme cette fin où la mère accouche et avorte symboliquement d’une fille qui se retrouve dans la mer, mère symbolique, enfin rassurante. La tension va crescendo et vous fait passer de la tranquillité à « l’intranquillité », du calme et la douceur du giron familial( qui s’avèrera fallacieux) à la violence et vous donnera envie de revoir le film comme dans les meilleurs thrillers.  A noter également les performances des deux actrices principales dont la plus jeune a dit avoir été beaucoup malmené par le réalisateur pour parvenir à ce résultat. (photo ci-dessous)

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 Dans « Donor », film philippin de Mark Meily qui a ironiquement annoncé que c’était le « feel good movie de l’année »  Lizette vend des DVD pirates dans les rues de Manille. Devant la recrudescence des descentes de police elle cherche désespérément un moyen de gagner sa vie. Elle décide de vendre un de ses reins au marché noir afin d’avoir suffisamment d’argent pour quitter le pays et s’installer à Dubaï.

 Moins abouti que d’autres films de la compétition, sa démonstration comme une addition de malheurs dont le résultat tragique semble inéluctable, là encore dans la solitude et la tragédie, est d’une logique et d’une force aussi implacables que dramatiques.

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Dans « Buddha Mountain » de la Chinoise Li Yu, là encore il s’agit de faire face au deuil et à la solitude et surtout du chemin vers leur acceptation qui mènera à Buddha Mountain…

Synopsis : Trois amis, ding bo, nan feng et fatso, ont terminé leur dernière année de lycée. Malgré la pression parentale, ils préfèrent arrêter leurs études et refusent de s'inscrire aux examens d'entrée à l'université. Impatients de voler de leurs propres ailes et de trouver du travail, ils se rendent dans la ville de Chengdu où ils louent plusieurs chambres dans la maison d'une ancienne chanteuse de l'opéra de pékin…

 

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Enfin dans « Udaan », Vikramaditya Motwane montre qu’il existe une alternative à Bollywood même si le film s’y réfère par de petites touches musicales et entraînantes. C’est surtout l’unique film de la compétition qui s’achève par une belle note d’espoir qui faisait cruellement défaut à cette compétition (même si, ici aussi, le personnage principal rêve d’un ailleurs, mais qui contrairement aux autres réussit à y accéder), le lauréat de l’applaudimètre et sans aucun doute le prix du public s’il y en avait eu un cette année à nouveau. Là encore un réalisateur à suivre et une belle découverte de cette édition 2011.

Synopsis : Après avoir passé huit ans dans un pensionnat, Rohan revient dans la petite ville industrielle de Jamshedpur. Il se retrouve à l'étroit entre un père autoritaire et un jeune demi-frère, dont il ne connaissait pas l'existence. Contraint à travailler dans l'usine sidérurgique de son père ainsi qu'à poursuivre des études d'ingénieur, il tente malgré tout de forger sa propre vie en réalisant son rêve : devenir écrivain.

J’ai manqué « The old donkey » du Chinois Li Ruijun et « Cold fish » de Sion Sono qui a reçu le prix de la critique internationale.

Malgré la noirceur et le pessimisme des films présentés cette année qui mettaient presque tous en scène une réalité accablante, je n’ai pas moins été éblouie par ces films qui, chaque fois, m’ont embarquée dans un univers et ailleurs même si les personnages ne rêvaient, eux, que d’y échapper. Le Festival du Film Asiatique de Deauville qui en était déjà et seulement à sa 13ème édition a donc de beaux jours devant lui.  Comme à chaque fois, la douce, réjouissante et incomparable mélancolie de Deauville m’a ensorcelée, revigorée et je reviens avec des projets pleins la tête et l’envie d’y revenir, une fois de plus, pour le prochain Festival du Cinéma Américain de Deauville que vous pourrez donc suivre sur inthemoodforcinema.com et sur inthemoodfordeauville.com, du 2 au 11 septembre.

Prochain festival à suivre en attendant : le Festival de Cannes que je vous commenterai en direct du 11 au 23 mai sur Inthemoodforcinema.com et sur Inthemoodforcannes.com mais en attendant d’autres évènements à découvrir sur ce blog : ma critique des « Yeux de sa mère » de Thierry Klifa et ma rencontre avec l’équipe du film notamment une certaine Catherine Deneuve, l’inauguration du Salon du livre, les Etoiles d’or et de nouveaux concours…

Je vous laisse découvrir le palmarès ci-dessous et au préalable mes photos et ma vidéo de l’hommage à Hong Sangsoo.

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PALMARES

Le Jury Longs Métrages présidé par Amos Gitaï, entouré de Jacques Fieschi, Mia Hansen-Love, Reda Kateb, Pavel Lounguine, Noémie Lvovsky, Catherine Mouchet, Anne Parillaud et Marc Weitzmann a décerné les prix suivants:

LOTUS DU MEILLEUR FILM - Grand Prix

ETERNITY de  Sivaroj KONGSAKUL (Thaïlande )

LOTUS DU JURY - Prix du Jury ex-aequo

SKETCHES OF KAITAN CITY de Kazuyochi KUMAKIRI (Japon )

et THE JOURNALS OF MUSAN de PARK Jungbum (Corée du Sud )

Le jury composé de journalistes internationaux a décerné le prix suivant:

LOTUS AIR FRANCE - Prix de la Critique Internationale

COLD FISH de Sion SONO (Japon )

 Le Jury Action Asia présidé par Pierre Morel, entouré de Yannick Dahan, Lola Doillon, Lika Minamoto, Yves Montmayeur et Jules Pélissier a décerné son prix au film:

 LOTUS ACTION ASIA - Grand Prix Action Asia

TRUE LEGEND de/by YuenWOO-PING (Chine)

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