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BILANS (FESTIVAL DU CINEMA AMERICAIN )

  • Bilan du Festival du Cinéma Américain de Deauville 2021

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    L’ouverture au son des Moulins de mon cœur de Michel Legrand (ré)interprétés au piano par Steve Nieve, à l'image de l'affiche de cette édition, nous invitait à embrasser la vie, à nous étourdir de cinéma, pour nous éloigner de l'âpreté de l'actualité. Les films, toujours un instantané de l'Amérique contemporaine, nous y ramenaient cependant aussi, déconstruisant le rêve américain, explorant le besoin de (re)pères d’êtres désorientés, traquant le mensonge. Le portrait d’une Amérique déboussolée, en quête de vérité, se raccrochant aux liens familiaux souvent dépeints comme instables. Plus que jamais, le cinéma et ce festival se révèlent indispensables. Pour braquer la lumière sur les ombres du monde. Pour essayer de les éclairer. Mais aussi pour s’en évader.

    Stillwaterde Tom McCarthy a ouvert cette foisonnante 47ème édition.
    Stillwater, c'est le nom de la ville d'Oklahoma de Bill Baker (Matt Damon) dont la fille emprisonnée à Marseille est condamnée pour meurtre. Polar, drame social, romance ce film est aussi le parcours initiatique d'un homme pétri de foi, religieuse et en l'innocence de sa fille, qui, d'Américain trumpiste et rustre, va peu à peu s'ouvrir à d'autres horizons. Un remarquable scénario pour une quête poignante et haletante.

    Le festival a également ouvert une nouvelle page avec sa Fenêtre sur le cinéma français. 6 films dont 5 avant-premières mondiales, qui s'ajoutaient à la cinquantaine de films américains sélectionnés. L’occasion de découvrir le dernier Lelouch, L’amour c’est mieux que la vie.  « La vie est le plus grand cinéaste du monde » a coutume de dire ce dernier. En 50 films, il n’a en effet eu de cesse de la célébrer. Celui-ci ne déroge pas à la règle. On retrouve ses « fragments de vérité », ses aphorismes, sa naïveté irrévérencieuse, les hasards et coïncidences et leur beauté parfois cruelle. Et des personnages toujours passionnément vivants dont celui incarné par Sandrine Bonnaire, lumineuse comme elle ne l’a jamais été.  

    C’est sur la musique de Morricone qu’a eu lieu l’hommage sobre à Belmondo le jour de sa disparition, devant une assistance bouleversée. Comment ne pas penser à un autre film de Lelouch, Itinéraire d’un enfant gâté dans lequel Belmondo incarne Sam Lion, un de ses plus beaux rôles ? Une magnifique métaphore du cinéma qui nous conduit croire à l’impossible, y compris le retour des êtres disparus et l'immortalité des héros de notre enfance.

    Comme chaque année, le prix d’Ornano-Valenti était un gage de talent, dévolu au film de Vincent Maël Cardona. Les Magnétiques. Titre qui sied magnifiquement à ce film enfiévré de sons et de musiques qui suinte la fougue, l’énergie, le désir, les certitudes folles, l’urgence ardente, la fragilité, le charme et la déraison de la jeunesse. Un vertige fascinant d’ondes et de lueurs stroboscopiques. Une expérience sensorielle qui vous donne envie d’empoigner et danser la vie, l’avenir et la liberté.

    Dans la section L’heure de la Croisette initiée l’an passé sont regroupés les films du Festival de Cannes projetés à Deauville. L’occasion de découvrir notamment La Fracture de Catherine Corsini, tragicomédie sociale ébouriffante, dans laquelle elle marie avec brio les genres pour faire retentir ce cri d’alerte retentissant à la fois drôle et désespéré sur la fracture et les maux d’une époque. Mais aussi le prix du jury à Cannes, Un héros de Farhadi, histoire kafkaïenne sur les dérives des réseaux sociaux mais aussi sur les affres d’un pays, l’Iran.

    C’est aussi dans ce cadre que fut projeté le documentaire Jane par Charlotte de Charlotte Gainsbourg, présidente du jury 2021. Un dialogue intime mais jamais impudique entre Gainsbourg et Birkin. Fantasque. Empathique. Mais aussi seule et tourmentée. Par les deuils et leurs chagrins inconsolables. Le temps insatiable et carnassier qui altère la beauté et emporte les êtres chers. Un bijou de tendresse et d’émotion portée par une judicieuse BO, de Bach aux interludes électroniques de Sebastian. D’humour aussi grâce au regard décalé, espiègle et clairvoyant que Jane Birkin porte sur elle-même, la vie, les autres, mais aussi celui que sa fille porte sur sa mère. Un documentaire qui, en capturant le présent et sa fragilité, nous donne une envie folle d’étreindre chaque seconde de notre vie.

    Parmi les autres documentaires remarquables, dans la section Docs de l’Oncle Sam, L'État du Texas contre Melissa de Sabrina van Tassel. Melissa est la première femme hispano-américaine condamnée à mort au Texas. Depuis dix longues années, elle attend en prison l'application de l'implacable sentence. Ce documentaire, avec une remarquable rigueur, réalise le travail de défense qui a manqué à l'accusé et met en lumière les failles criantes du système judiciaire américain, véritable machine à broyer les individus. Un plaidoyer contre la peine de mort sur le point de changer le destin qu'il relate.

    Blue bayou de Justin Chon (compétition, prix du public) et Flag day de Sean Penn mettent en lumière la noirceur de destins tragiques, éblouis et terrassés par l'American dream. Le deuxième, se penche sur la relation chaotique d'une fille (Dylan Penn honorée d'un Deauville Talent Award) avec son père John (Sean Penn), escroc et menteur pathologique. La mise en scène et le montage sont à l'image de leur relation : chaotiques, morcelés, poétiques.  Le tout porté par une bo remarquable entre compositions de Joseph Vitarelli, standards rock-folk et Chopin, et une voix off qui instillent l'émotion.

    Parmi les petits bijoux ce la compétition, John and the hole (prix de la révélation) de Pascual Sisto. Un premier long métrage d’une étrangeté fascinante. Des plans étirés et des dialogues sporadiques instillent le malaise accru par l’interprétation du Charlie Shotwell, mutique et inquiétant.

    Cette édition 2021 ne fut pas avare d’évènements avec les « conversations ». Des rencontres avec Michael Shannon (récipiendaire d’un Deauville Talent Award), Johnny Depp, Oliver Stone. Des voix singulières qui clament et revendiquent leur indépendance et leur liberté, ne manquant pas de critiquer Hollywood et les médias.

    La Première évènementielle fut cette année Dune dont le principal mérite de sa projection à Deauville fut de nous permettre de mesurer l’impressionnant son immersif du Centre International de Deauville.

    Cette 47ème édition s’est terminée avec Les choses humaines d’Yvan Attal, prenant de la première à la dernière seconde. La première, c’est Alexandre qui débarque à l’aéroport et qui, plein de sollicitude apparente, aide une femme avec sa valise. La dernière, c’est le visage face caméra de la victime qui l’accuse de viol. Entre les deux, 2h18 captivantes. Parce que les « choses humaines » ne sont ni manichéennes ni simples, l’intérêt du film est de les disséquer dans toute leur complexité et les restituer dans leur ambivalence. Tableau passionnant et nuancé de notre société dans laquelle, là encore, des mondes se côtoient sans se comprendre.

    Selon Truffaut « Le cinéma est un mélange parfait de vérité et de spectacle ». Le Festival du Cinéma Américain de Deauville plus que jamais en 2021 incarnait ce mélange parfait !

     

     

  • Bilan du Festival du Cinéma Américain de Deauville 2020

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    La célébration du cinéma à Deauville : une fenêtre ouverte sur le monde, sur l’espoir et sur Cannes

    Que serait le 7ème art sans salle de cinéma, projecteur de mystères qui en exalte la puissance évocatrice ? Des rêves bridés. Une fenêtre sur le monde entrebâillée. Une étreinte avec l'imaginaire bâclée. Cette édition, qui nous a permis de retrouver le frisson de la salle dans l’écrin du CID, était à l’image de ce film incontournable dans lequel figure sa Présidente du Jury, Vanessa Paradis, La fille sur le pont de Patrice Leconte. Un entrelacement subtil de gravité et légèreté.

    « Le festival du cinéma américain devient le festival du cinéma tout court » a déclaré le Maire de Deauville lors de l’ouverture. Une édition « humble et généreuse » qui a en effet accueilli dix films du Festival de Cannes et trois du Festival du Film d’Animation d’Annecy. La « fenêtre ouverte sur le monde », pour la première fois depuis 1895, s'était refermée. Alors, le premier soir, c'est non sans émotion qu'elle s'est à nouveau ouverte. L’émotion de Michael Douglas lors de son discours (enregistré) pour l'hommage vibrant à son père Kirk. L’émotion provoquée par les notes d'Ennio Morricone interprétées au piano par Steve Nieve, suscitant les réminiscences de chefs-d’œuvre, eux, grâce à cela, immortels.

    Au programme : secrets, solitudes, et maux (deuil, harcèlement) de personnages condamnés au silence, souvent englués dans des difficultés économiques les conduisant au bord du gouffre. En proie à des questionnements identitaires, aussi. Des films qui font voler les apparences en éclat. À l’image du savamment haletant et féroce The Nest de Sean Durkin (Grand Prix, Prix Roederer, Prix de la critique) qui, empruntant les codes du thriller, dissèque le délitement d’une famille causé par la soif de réussite sociale du père. La musique et la mise en scène, d’une élégante précision, épousent l’angoisse qui s’empare de chacun des membres de la famille, isolés dans leurs problèmes comme dans leur manoir britannique d’inspiration hitchcockienne. Noirceur et nuit s’emparent des âmes et des décors. Jusqu’à ce que le jour se lève et que le nid recueille ses occupants. Un scénario ciselé au service du suspense et d’un dénouement d’une logique à la fois surprenante et implacable.

     

    Un autre film claquemurait ses protagonistes dans une situation inextricable : The Assistant de Kitty Green (Prix de la mise en scène). Au fil d’une journée, cette jeune diplômée engagée comme assistante d’un producteur de cinéma réalise à quel point il abuse de son pouvoir. Comme dans Les Ensorcelés de Minnelli projeté dans le cadre de l'hommage à Kirk Douglas, si le fond est une critique acerbe d’un milieu, la forme est un hommage au cinéma. Par l'utilisation judicieuse de toutes ses ressources. Les bureaux sont une sorte de dédale arachnéen, décor clinique dans les fils duquel elle semble prise et sous emprise, absurde comme dans un film de Tati auquel font penser l’utilisation du son, des silences et des espaces, oppressants. La réalisation apporte toute sa force à cette démonstration sans appel et nous invite, au contraire de l’assistante, abattue, à ne plus fermer les yeux.

    Des films s’achevaient cependant par une lueur d’espoir. Nous laissant avec une image apaisante. La mer, souvent. Un départ salvateur. Une révolte. Comme le retentissant « non » du remarquable Slalom de Charlène Favier (prix d’Ornano-Valenti, label Cannes 2020). La réalisatrice s’est inspirée de sa propre vie pour raconter avec force et délicatesse l’emprise mentale et physique d’un entraîneur sur une jeune sportive (Noée Abita, époustouflante !). Un film percutant et nécessaire.

    Parmi les autres films de la sélection Cannes 2020, Last words de Jonathan Nossiter. Juin 2086. Un homme déclare être le dernier humain sur la Terre qui n’est alors plus qu’un immense désert. Dans ce monde apocalyptique, le cinéma, ultime joie, devient plus « vivant » que la réalité, désormais un champ de ruines dénué de plaisirs et d’émotions, permettant à ceux qui y évoluent de redevenir des hommes dotés d’humanité. « Rêver la beauté du cinéma avant de mourir » y entend-on. De cette fable grinçante résultent la conscience accrue de la menace, imminente, et l’envie de s’abreuver plus que jamais à cette source de joie et de rires, bref d’émotions et de vie : le cinéma !

    Dans Les deux Alfred de Bruno Podalydès (label Cannes 2020), là aussi il est question de déshumanisation d’un monde qui aurait encore pu être inventé par Jacques Tati : les mots (anglicismes, acronymes) et l’uberisation de la société font courir à l’égarement ceux qui s’y débattent. La première scène donne le ton de cette comédie : tendre, mordante, décalée, attachante, aux dialogues admirables. Un film porté par un trio d’acteurs désopilants, Sandrine Kiberlain en tête, qui donne envie de croquer la vie sur un air de Ferrat, et dans lequel la magie du cinéma nous fait croire qu’un slow peut surgir d’une voiture en pleine rue et rapprocher deux êtres en apparence si dissemblables. Une fantaisie réconfortante qui porte un regard à la fois doux et acéré sur les incongruités de notre société.

     

    Même sans Américains et avec un seul hommage (à Barbet Schroeder) cette édition fut foisonnante. Il faudrait encore citer :   

    -Minari de Lee Isaac Chung, qui distille son charme dépourvu de cynisme en nous racontant le rêve américain d'une famille coréenne. Pour que leurs cœurs blessés guérissent, il faudra que tout s'embrase, réellement et symboliquement.

     

    - Resistance de Jonathan Jakubowicz, sur le rôle du Mime Marceau pendant la Résistance qui, à 19 ans, contribua à sauver la vie de centaines d’enfants orphelins juifs.

    -Sons of Philadelphia de Jérémie Guez, histoire de famille dans la mafia de Philadelphie, très influencée par Scorsese et James Gray, portée par un scénario brillamment retors.

    -Kajillionaire de Miranda July, bijou d’inventivité et de burlesque, surprenant de la première à la dernière seconde.

    -ADN de Maïwen : film choral qui oscille entre drame et comédie, sur la quête des origines, à voir pour Fanny Ardant, exceptionnelle en mère toxique et une scène de deuil, âprement drôle, d’une ravageuse clairvoyance.

    Résultat : 38000 spectateurs malgré plus d'un tiers de sièges en moins ! Une esquisse de respiration pour le cinéma, en miroir de celle mise en scène par les films en compétition. Comme dans La fille sur le pont, encore :  
    « Peut-être qu’on a rêvé[...]et que c’était pas si mal
     » pouvait-on se dire au dénouement de ce festival.  Alors si « L'art dérange comme les films de cette année » comme nous l’avait annoncé le Directeur du Festival Bruno Barde, il demeure aussi un générateur de rêves. Plus que jamais indispensable !

     

  • Bilan du Festival du Cinéma Américain de Deauville 2019

     Entre glamour et engagement. Entre rêves fragiles, âpres réalités et espoirs tenaces.

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    « Ni le feu ni la glace ne sauraient atteindre en intensité ce qu’enferme un homme dans les illusions de son cœur. »

    « Ces rêveries servirent un temps d'exutoire à son imagination ; elles étaient une allusion satisfaisante à l'irréalité de la réalité, l'assurance que ce rocher, le Monde, solidement reposait sur l'aile d'une fée. »

    Ces deux citations sont extraites de « Gatsby le magnifique » de Francis Scott Fitzgerald. Pourquoi Gatsby pour commencer cet article sur le Festival du Cinéma Américain de Deauville, me direz-vous ! Sans doute parce que c’était le prénom du personnage principal du film d’ouverture de ce 45ème Festival du Cinéma Américain de Deauville, l’ensorcelant « Un jour de pluie à New York » et sans doute parce que ces citations font écho à une de celles du film en question : « C’est la vraie vie. Laisse-la à ceux qui ne trouvent pas mieux ».

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     Certainement aussi parce que les rêveries et les illusions sont indissociables du cinéma, et de la mélancolie de Gatsby et de Deauville. Le cinéma que nous a donné à voir ce Festival du Cinéma Américain de Deauville, aussi passionnant fut-il, nous a pourtant néanmoins ancrés dans la réalité même si le rêve et le glamour étaient incarnés par la présidente du jury, l’interprète des chefs-d’œuvre que sont « Les parapluies de Cherbourg », « Le Dernier Métro », « Le choix des armes », « Hôtel des Amériques », « Les Demoiselles de Rochefort », « Indochine », « Belle de jour », « Fort Saganne », « Drôle d'endroit pour une rencontre », « Un conte de noël »,« Elle s’en va », « Ma saison préférée, » « La tête haute », « La Sirène du Mississipi », « Je veux voir »… Avec elle, c’est une partie de la mythologie du cinéma qui était présente chaque jour dans la salle du CID. Les hommages (notamment à Geena Davis, Pierce Brosnan, Johnny Depp) étaient aussi des fenêtres ouvertes sur les rêves car l’occasion à chaque fois de la diffusion d’un montage des films dans lesquels ils jouèrent, réminiscences de tant d’émotions de cinéphiles.

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     La réalité donc. Celle des Etats-Unis de Trump. Celle d’une époque impatiente et carnassière aussi. Comme ce plan du retentissant « American skin » de Nate Parker l’illustrait si bien, ces quelques mots lapidaires au journal télévisé pour traduire et trahir la complexité d'un drame humain, la mort d’un jeune garçon noir suite à un contrôle de police. Mots auxquels succèdent les louanges sur les performances d'un sportif noir énoncées par un présentateur guilleret. « Cachez ces crimes racistes que je ne saurais voir » semble nous dire Nate Parker du moment que l'apparence et les clichés soient saufs. Je vais y revenir. Telle est l'Amérique de Trump reflétée par les films de cette édition.  En proie à la paranoïa, la violence, éprise de liberté, de résistance. Des films militants. Des films qui brandissent le poing. Des films coups de poing. Des films qui mettent en scène des personnages enfermés, des femmes surtout, souvent prisonnières d’un carcan social ou familial, d’un drame, avides de vérité, d’émancipation, de liberté. Quand il s’agit d’hommes, ils sont aussi prisonniers d’atmosphères claustrophobiques, que ce soit d’un phare, d’un foyer, d’un milieu ou d’une amitié étouffante. Comme vous le verrez dans les extraits vidéos, les propos des cinéastes, acteurs et actrices étaient souvent salutairement engagés, voire militants à l'image des films projetés.

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    « De nombreux films de ce Deauville 2019 défient Trump » avait ainsi annoncé le directeur du festival, Bruno Barde, lors de la conférence de presse d’annonce de sélection du festival du 22 août. Le tableau de l’Amérique, vue à travers ces films, n’est pas glorieux entre résurgences d’idéologies nazies et populations abandonnées. Le portrait d’une Amérique qui broie les plus fragiles. « Il est important de reconnaître que nous avons à la Maison-Blanche quelqu'un de raciste et de sexiste, dont il faut essayer d'éviter qu'il soit réélu », a ainsi déclaré Carlo Mirabella-Davis le réalisateur de « Swallow » en recevant son prix. 

     L’année 2018, celle de l’après #MeToo, si la noirceur était aussi au rendez-vous dans les films présentés à Deauville, le pouvoir était déjà pris par les femmes. Deux titres des films de la compétition étaient ainsi des prénoms féminins (Nancy et Diane) et six d’entre eux avaient pour personnages principaux des protagonistes féminines. Des femmes souvent condamnées par l’existence, engluées ou même enfermées dans leur quotidien, leur passé, confrontées à la solitude, à la maladie, à la mort, aux traumatismes et même enfermées au sens propre et condamnées à mort dans le douloureux « Dead women walking ». Des femmes fortes et combattives qui s’emparaient néanmoins de leurs destins. Les films s’achevaient ainsi souvent par un nouveau départ (au sens propre). En route vers un lendemain peut-être plus joyeux. Une note d’espoir malgré tout. « Une Amérique où règne le désenchantement et la mélancolie, où l'espoir est tenace », comme l’avait très bien résumé la regrettée présidente du jury de la critique 2018, l’enthousiaste Danièle Heymann (à laquelle le festival a eu la louable idée de rendre hommage lors de l’ouverture de cette édition 2019). Le jury de la critique de l'édition 2018, lors de la cérémonie du palmarès, avait d’ailleurs également tenu à saluer « la quasi-parité de la compétition avec 6 films de femmes. » Ce fut a fortiori le cas cette année avec des films de femmes, des thématiques féminines, voire féministes, des portraits de femmes qui s’émancipent, prennent leurs destins en main, contre vents et marées et qui, là aussi, souvent, au dénouement prennent la route pour un nouveau départ.

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    Les titres des films nous en disaient déjà long : « Skin », « American Skin », « Knives and skin », « American woman », « Seberg », « Waiting for the Barbarians », « Tout peut changer, et si les femmes comptaient à Hollywood ». La barbarie. Les femmes. Et cette peau qui souvent condamne aux préjugés iniques ou à un destin tragique. Le festival dans sa programmation était ouvertement féministe. Même si aujourd’hui il semble y avoir une sorte de surenchère pour savoir qui s’autoproclamera le plus féministe (ou quel festival présentera le plus de film de femmes), ce festival avait le mérite, plus que dans le choix de ses invités, de nous donner à voir d’autres visages féminins, des personnages de femmes plus nuancés ou moins caricaturaux. Quatorze films « ambitieux et réussis » (selon la présidente du jury Catherine Deneuve) étaient ainsi en compétition, dont neuf premiers films et six réalisés par des femmes. Par ailleurs, dix mettaient en scène des héroïnes souvent broyées par l’existence ou par les hommes mais des héroïnes combattives, et trouvant seules le chemin de la liberté.

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    Cette année 2019, Bruno Barde avait d’emblée annoncé un festival féminin, non seulement dans les thématiques des films présentés mais aussi dans les deux jurys. Deux femmes les présidaient en effet, Catherine Deneuve et Anna Mouglalis. Catherine Deneuve succédait ainsi dans ce rôle à une autre actrice de grand talent, Sandrine Kiberlain. Le festival avait par ailleurs choisi cette année d’attribuer des prix spéciaux à quatre actrices : Kristen Stewart (venue présenter « Seberg », de Benedict Andrews), Geena Davis (venue quant à elle présenter le documentaire « This Changes Everything », de Tom Donahue), Sienna Miller (venue avec « American Woman », de Jake Scott, dans lequel elle incarne le rôle principal) et Sophie Turner (l’héroïne de « Game of Thrones » dont l’Intégrale était projetée à Deauville).

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    Cette édition 2019 était aussi nostalgique avec la soirée des 25 ans de la compétition et les formidables petits films de l’INA diffusés chaque soir, l’occasion d’entendre Kirk Douglas dire qu’il aimerait tourner avec Truffaut, Lelouch, Sautet ou encore d’entendre De Palma dire avec malice que personne n'est incorruptible et de se rappeler que toutes les stars du cinéma américain ou presque foulèrent un jour les planches de Deauville, en pleine gloire, ou à leurs débuts. L'INA, à l'occasion de cette soirée anniversaire, a également remis à Catherine Deneuve une distinction numérique (l'ensemble de sa carrière sur support numérique, distinction reçue auparavant notamment par De Niro ou Depardieu).

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    Cette année, Deauville célébrait ains les 25 ans de la compétition de films indépendants, une compétition qui a révélé tant de cinéastes et de films devenus cultes : Chloé Zhao (« The Rider », 2017) Spike Jonze («Dans la peau de John Malkovich», 1999), Jeff Nichols («Take Shelter», 2011)  Damien Chazelle («Whiplash »), Joshua Marston (« Maria, pleine de grâce », 2004), Paul Haggis (« Collision », 2005), Benh Zeitlin (« Les bêtes du sud sauvage », 2012)…

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    Quelques films néanmoins nous parlaient de rêves, ceux qu’il faut se construire. Le générique de ce festival renouant avec le glamour d’antan, nous y invitait d’ailleurs : Kristen Stewart, Sienna Miller, Geena Davis, Sophie Turner, Pierce Brosnan, Catherine Deneuve, Anna Mouglalis, Johnny Depp sans oublier les anciens présidents de jurys présents pour l’anniversaire des 25 ans de la compétition.

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    Comme chaque année la compétition (mais aussi une partie des Premières) nous proposait d’ausculter l’Amérique contemporaine, ses meurtrissures et ses élans. S’il est soucieux de vérité, ce festival protéiforme n’oublie pas non plus le glamour de ses origines. Cette année plus que jamais, flamboyance et noirceur, glamour et actualité, engagement et festivités s’entrelaçaient.

    LA COMPETITION ET LE PALMARES

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    Le jury présidé par Catherine Deneuve a attribué le Grand Prix à « Bull », le premier film de la réalisatrice Annie Silverstein (qui fut lauréate de la Cinéfondation, toujours un vivier de talents), un gros plan sur l’âpre réalité de l'Amérique de Donald Trump (déjà en lice à Cannes dans la section « Un Certain Regard »).

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     Ce premier film a d’ailleurs fait l’unanimité des trois jurys puisqu’il a également reçu le prix de la Révélation Louis Roederer et celui de la Critique. « Ce premier film « dresse un tableau extrêmement juste et troublant de l'Amérique de Donald Trump, cette Amérique abandonnée par ses politiques que ce soit dans l'école ou dans la santé », a ainsi ajouté Anna Mouglalis, la présidente du jury Révélation Louis Roederer. « C'est un film politique sans jamais être dogmatique », a-t-elle également précisé. Gérard Lefort, président du jury de la critique a évoqué « une histoire captivante, une actrice sidérante de maturité malgré son jeune âge, des situations dérangeantes et imprévisibles » spécifiant que ce film « invente un territoire tant par son cadrage, son montage, son scénario, sa façon d'entremêler le documentaire à la fiction ».  « Bull », c’est l’histoire de la rédemption de Kris, une adolescente de 14 ans qui vit dans la banlieue pauvre de Houston et qui donne l'impression de suivre le chemin de sa mère, qui purge une peine de prison. Après avoir saccagé la maison de son voisin dans un acte purement gratuit, elle doit faire amende honorable, et prêter main-forte au propriétaire de la maison vandalisée qui est une ancienne gloire du rodéo. Elle se découvre alors une passion pour l'art de monter les taureaux à cru. Mais les mauvaises fréquentations ne sont jamais bien loin. La réalisatrice a choisi de montrer l’Amérique des laissés-pour-compte, celle des citoyens en colère mais qui n'ont parfois comme la jeune Kris que la violence ou la rébellion pour l'exprimer  parce qu’on n’a pas même pris le temps de leur poser une main, consolatrice et apaisante sur leur front, comme le taciturne Abe le fait avec les taureaux.  La rencontre de ces deux solitudes qui s’apprivoisent comme ils apprivoisent les taureaux, c’est celle de deux visages de l’Amérique, deux figures que l’Amérique a abandonnées. Bien sûr, « Bull » n’est pas sans rappeler « The Rider » de Chloé Zhao, vainqueur du Grand Prix à Deauville en 2017.

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     Là aussi l’animal en furie sur lequel il fallait tenir était une métaphore de cette vie chaotique, de ces âmes tourmentées qui devaient trouver leur équilibre malgré l’âpreté et les secousses de l’existence.  Brady, un jeune cow-boy, entraîneur de chevaux et étoile montante du rodéo, voyait sa vie basculer après un tragique accident de rodéo. On lui annonçait alors qu’il ne pourrait plus jamais faire d’équitation. De retour chez lui, il était confronté au vide qu’était devenue sa vie : celle d’un cow-boy qui ne peut désormais ni faire de rodéo ni même monter à cheval. Pour reprendre son destin en mains, Brady se lançait alors dans une quête identitaire en cherchant à comprendre ce que c’est vraiment qu’être un homme au cœur même de l’Amérique. Brady Jandreau, qui jouait son propre rôle aux côtés de sa famille et de ses amis est vraiment une jeune star du rodéo qui a vu sa vie basculer suite à un accident et cette véracité renforçait bien sûr l’émotion qui émane de chacun des plans. Brady devait faire face à un avenir sans espoir, à un parent immature, et lui aussi incarne de nombreux contrastes à l’image de cette Amérique pétrie de contradictions. La violence de l’arène dans laquelle il évoluait contrastait avec la tendresse dont il faisait preuve avec sa jeune sœur handicapée ou son ami victime d’un accident de rodéo. Les immenses plaines évocatrices de liberté contrastaient avec la blessure et l’arène qui l’enfermaient. Et c’est en renonçant au rodéo que le cowboy devenait un homme. On retrouve ce même contraste dans « Bull ». Le jury qui avait attribué le grand prix à « The Rider » avait salué sa poésie et son humanité. Sans doute, pour ces raisons, avais-je préféré ce film à « Bull » qui n’en dresse pas moins un portrait édifiant et sensible de cette Amérique des oubliés à travers cette amitié improbable, porteuse d’espoir malgré l’âpreté du quotidien qui en a permis l’éclosion.

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    Le jury présidé par Catherine Deneuve a également décerné un Prix spécial du 45ème anniversaire du Festival à « Swallow » (qui signifie « avale »), de Carlo Mirabella-Davis. Le film raconte l’histoire d’Hunter qui mène une vie parfaite (en apparence, seulement en apparence) aux côtés de son mari qui vient de reprendre l’entreprise familiale. Mais dès lors qu’elle tombe enceinte, elle développe un trouble compulsif du comportement alimentaire, le Pica, caractérisé par l’ingestion d’objets dangereux. Son époux et sa belle-famille décident alors de contrôler ses moindres faits et gestes pour éviter le pire : qu’elle ne porte atteinte à la lignée des Conrad… Mais cette inquiétante et incontrôlable obsession ne cacherait-elle pas un secret plus terrible encore ?

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    « Swallow », c’est le portrait d’une femme enfermée dans ses douleurs enfouies, dans son carcan social, dans son mariage illusoirement parfait et sa maison même, sorte de prison de verre aseptisée tout autour de laquelle la nature semble l'épier, comme un musée dont elle serait une pièce, condamnée à n'être qu'un objet que l'on admire mais à qui on refuse le droit de penser. La mise en scène épouse judicieusement les états d'âme de cette femme qui peu à peu s'émancipe et se découvre. Pour garder le contrôle sur cette vie qu'elle ne maîtrise pas et qui l'étouffe, elle va s'enfermer dans des troubles compulsifs alimentaires qui lui procurent la trompeuse sensation de maitriser son existence. Un moyen de se réapproprier son corps aussi, ce à quoi la réduit son mari, lui niant toute capacité à penser. « Je vois vraiment ce film comme un film féministe. Le film a été inspiré de la vie de ma grand-mère qui a vécu dans les années 50, alors femme au foyer. Pour essayer de s'accrocher, elle avait des rituels comme se laver les mains de manière compulsive. Elle a été internée et a perdu le sens du goût et de l'odorat. Elle a été punie car elle ne rentrait pas dans le carcan des femmes au foyer dans les années 50 », a ainsi déclaré le réalisateur en conférence de presse. Il s'est également dit « fasciné par Malick et la manière dont il nous introduit dans l'esprit des personnages par le paysage ». « J'aime beaucoup ses films et je les ai tous vus de nombreuses fois. Son travail sur la nature est fascinant. J'ai essayé d'approcher cela dans le film notamment par la relation presque mystique entre Hunter et les objets » a-t-il ajouté. En tentant d'organiser son monde chaotique, d'enfouir en elle ces objets comme son traumatisme l'est, le monde d’Hunter va peu à peu s'ébranler et le visage de chacun se révéler. Son monde parfait va se fissurer. Les couleurs chatoyantes de ses tenues vont se ternir pour se fondre dans le décor et elle va presque être absorbée par celui-ci. Le monde réel, la vie même, vont peu à peu reprendre leurs droits. Le cinéaste peut revendiquer sans rougir ses références citées en conférence de presse : Chantal Akerman, Todd Haynes, Douglas Sirk et Alfred Hitchcock pour ce film passionnant du premier du dernier plan, brillamment pensé, mis en scène et interprété (par une actrice magnétique, Haley Bennett). Un beau portrait de femme qui s'émancipe. Intemporel et universel.

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    Le Prix du public de la Ville de Deauville a été attribué à « The Peanut Butter Falcon » de Tyler Nilson et Michael Schwartz. Ce premier film raconte l'histoire de Zak, un jeune homme de 22 ans atteint de trisomie qui s’enfuit de son foyer de personnes âgées pour réaliser enfin son rêve : rejoindre l’école de catch de Salt-Walter Redneck, une vieille gloire de ce sport, et devenir catcheur professionnel répondant au nom du « faucon au beurre de cacahuète ». Il rencontre Tyler, un petit voyou en cavale, qui va devenir son improbable coach et compagnon de route. Ils vont remonter ensemble les rivières, échapper à leurs poursuivants. Ils vont aussi convaincre Eleanor, une aide-soignante dévouée trimballant ses propres démons, de les accompagner en chemin.  Ce film jubilatoire, à la fois tendre et drôle, est d’abord remarquable par sa distribution : Shia LaBeouf, Dakota Johnson, John Hawkes, Thomas Haden Church, Bruce Dern. « Nous avons écrit ce film pour un ami trisomique, qui rêvait de jouer dans un long métrage », a ainsi expliqué le coréalisateur Michael Schwartz. Tyler, dont on découvre par bribes qu’il a tragiquement perdu son frère, trouve en Zack un frère de substitution et avec lui va renouer avec les plaisirs simples auxquels cette épopée en pleine nature les confronte. Une ode à l’amitié, la fraternité, la nature, comme pansements sur les âmes blessées. Un prix du public mérité pour ce film rempli de bons sentiments (au sens noble) et de bienveillance.

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    Également au palmarès, couronné du  prix du jury, une autre histoire d’hommes, beaucoup plus conflictuelle celle-ci, celle de « The Lighthouse » de Robert Eggers, « l’histoire hypnotique et hallucinatoire de deux gardiens de phare sur une île mystérieuse et reculée de la Nouvelle-Angleterre dans les années 1890 » nous dit ainsi le synopsis officiel. Là aussi, il s’agit d’un monde oppressant et âpre dont on ne peut s’échapper. Oppressante, l’expérience l’est aussi pour le spectateur qui a l’impression de sombrer peu à peu dans la folie avec les protagonistes de ce huis-clos incarnés par Willem Dafoe (en vieux marin irascible) et Robert Pattinson (son nouveau collègue qui semble dissimulé un lourd secret), isolés sur ce phare et dans ce format carré qui nous enserre et enterre avec eux dans cet enfer maritime. C’est sans doute la performance des deux acteurs et la forme qui ont séduit le jury, quoique le terme de séduction convienne mal à ce film qui ne cherche justement jamais à séduire mais plutôt à nous confronter, à heurter.  Entre « les Oiseaux » d’Hitchcock et « Nosferatu » de Murnau, le réalisateur rend un hommage appuyé au cinéma muet, au noir et blanc et à l’expressionisme jouant constamment avec les ombres et la lumière, les plongées et contre plongées et les gros plans très expressifs. Un voyage effroyable aux confins de la folie, aux frontières des légendes et des mythes, après lequel on retrouve la sérénité et la lueur du jour avec soulagement.

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    Dans « The Climb » de Michael Angelo Covino, l’autre prix du jury, il s’agit aussi de l’histoire de deux hommes. Cette fois, ce n’est pas un phare mais une amitié qui les enferme dans une relation singulière. Là aussi, l’originalité de la forme n’est certainement pas pour rien dans le prix obtenu par ce film. Dans ce premier film, Kyle et Mike sont deux meilleurs amis aux tempéraments très différents, cependant leur amitié a toujours résisté aux épreuves de la vie. Jusqu’au jour où Mike avoue à Kyle avoir eu une relation avec la femme que ce dernier s’apprête à épouser. « Presque un film de Claude Sautet » avait dit Bruno Barde en conférence de presse pour qualifier ce film, sans doute en référence à l’amitié au cœur de chefs-d’œuvre du cinéaste français comme « Vincent, François, Paul et les autres », néanmoins ici il s’agit d’une amitié plus toxique, de personnages plus pathétiques, une tragi-comédie cruelle sur deux amis qui ne se séparent jamais réellement. Les deux acteurs qui les incarnent ont coscénarisé le film dont le réalisateur Michael Angelo Covino. Le début de la première séquence qui nous laisse voir deux cyclistes deviser au loin en plein effort sur les routes escarpées françaises donne le ton. Après quelques boutades, l’un des deux avoue à l’autre avoir eu une relation avec sa future épouse (incarnée par Judith Godrèche). Le récit est divisé en 8 chapitres et autant de plans-séquence (d’où la prouesse technique) que séparent de judicieuses ellipses qui permettent de suivre la relation entre Kyle et Mike sur une quinzaine d’années. « The Climb» avait déjà été récompensé du prix de la mise en scène de la section Un Certain Regard à Cannes.

    44ème Festival du Cinéma Américain de Deauville 91

    Ce film n’est pas sans rappeler le Grand prix de l’édition 2018, « Thunder road » de Jim Cummings qui était aussi l’œuvre d’un réalisateur auteur (avec fantaisie et énergie débordantes) qui incarnait le rôle principal, un personnage englué dans une quotidienneté étouffante. Tout commençait d’ailleurs là aussi par un sidérant plan-séquence de plus de dix minutes qui était au départ le sujet d’un court-métrage de Jim Cummings qui lui valut une récompense à Sundance en 2016. La caméra passe fugacement sur l’assemblée d’un enterrement avant de s’attarder sur le fils de la défunte vêtu de son uniforme de policier. Il commence alors un long monologue tandis qu’un lent travelling avant nous rapproche doucement comme pour mieux débusquer les fêlures de plus en plus apparentes au fur et à mesure que le discours fantasque se déroule. Et comme tout le reste du film, autant dans son montage que dans les réactions de son personnage, « Thunder road » nous embarque toujours là où on ne l’attend pas. Tenter de danser devant un cercueil, quelle belle et déchirante métaphore de l'existence, non ? Cette digression pour vous recommander à nouveau ce bouleversant et fantasque portrait d’un homme désorienté et, au-delà, d’une Amérique déboussolée de laquelle une évasion semble possible, ou en tout cas un lendemain plus joyeux comme nous le dit cette ultime scène et ce regard final dans lequel passe une multitude d’émotions.

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    Je regrette l’absence au palmarès de ce Festival de Deauville 2019 de « The wolf hour » d’Alistair Banks Griffin.New York. Juillet 1977.  Naomi Watts incarne June Leigh, une ancienne romancière à succès en panne d’inspiration, retranchée dans son appartement du Bronx. Alors qu’un tueur en séries sévit dans la ville et que de violentes émeutes et des pillages plongent la ville dans le chaos, June est harcelée par un mystérieux individu. A nouveau il est question d’enfermement, d’une femme prisonnière, cette fois de ses propres démons. A l’inverse de « Swallow » ce n’est pas sa famille mais elle-même qui l’enferme. Dans les deux cas pourtant un drame est à l’origine de cette pathologie, ici la paranoïa. Là où l’une « avalera » (des objets, ses émotions), l’autre devra au contraire retrouver le désir pour « recracher » ses émotions. Le film s’ouvre sur le regard de June et l’enferme comme elle le sera dans cet environnement, son appartement dans nous ne sortirons qu’à la fin, ne voyant le monde extérieur que par sa fenêtre ou par le truchement d’informations anxiogènes, cet extérieur qui ne semble représenter que menaces comme cette sonnerie intempestive de l’interphone. L’angoisse ne cessera de croître après ses rencontres avec un policier inquiétant et immoral, un jeune livreur dont on ne sait s’il représente une aide ou une menace, une amie réprobatrice… mais de l’une de ces rencontres naitra aussi le désir de reprendre le pouvoir sur son existence et sur ses mots (et ses maux). La menace est-elle existante ou le fruit du cerveau perturbé de June, menace qui semble exacerbée par cette chaleur suintante qui plonge même la ville dans le noir ?  Peu importe, « The wolf hour », grâce au jeu habité de Naomi Watts est palpitant de la première à la dernière seconde et est une habile réflexion sur le processus, douloureux et libératoire, de création.

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    « Skin » de Guy Nattiv était annoncé comme le film choc de cette compétition. C’est encore d’une autre forme d’enfermement que doit se sortir le protagoniste dont le corps porte les marques. Les marques d’un passé ultraviolent.  « Skin » relate l’histoire vraie d’un jeune homme désorienté, élevé par un groupe de skinheads suprémacistes blancs, qui décide de renoncer à toute haine et violence pour une nouvelle vie. Bien que soutenu par un activiste noir et la femme qu’il aime, trahir ceux qui lui ont tout donné, y compris la colère, le mènera dans une situation inextricable. Guy Nattiv avait reçu l’Oscar du court métrage pour un film s’intitulant déjà « Skin », sur un sujet similaire. Dans la peau du skinhead repenti, Jamie Bell, dans un rôle aux antipodes de Billy Eliott qui le fit connaître. Le film est dédié à la mémoire du grand-père du réalisateur, survivant des camps de concentration.  Ou quand les barbaries d’hier résonnent tristement avec celles d’aujourd’hui, avec la résurgence des groupes suprémacistes blancs et de groupuscules nazis. Dès les premiers plans, nous est montrée la douleur que suscite l’effacement des tatouages sur son corps, douleur à laquelle fait écho la douleur infligée aux populations que les skinheads persécutent. Il faut effacer ce passé. A tout prix. Le film  décortique en parallèle les mécanismes de la déshumanisation, puis de sa rédemption et de son retour à un visage humain (et à une humanité). Embrigadé dès son plus jeune âge dans un camp dirigé par un couple qui ne répond qu’aux noms de « Ma » et « Pa » il n’a eu d’autre perspective que cette violence dévastatrice, à l’image de l’adolescent isolé Gavin (Russell Posner), qui revit les mêmes étapes de ce terrible embrigadement quasiment sectaire. C’est par l’amour et en fondant sa propre famille qu’il trouvera la voie de la rédemption. Malgré la force du propos et de cette plongée presque documentaire au milieu des suprémacistes, dommage que cette rédemption nous apparaisse presque artificielle et trop soudaine, sans réelle explication (si ce n’est la rencontre amoureuse), un comble pour une histoire vraie dont le cinéaste s’est peut-être senti prisonnier, de crainte de la trahir.

    LES PREMIERES

    C’est par l’hommage à Pierce Brosnan et par la nouvelle pépite de Woody Allen, « Un jour de pluie à New York » qu’avait débuté ce 45ème Festival du Cinéma Américain de Deauville.

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    En 2016 avec, « Café Society » (également diffusé cette année à Deauville dans le cadre de l’hommage à Kristen Stewart), Woody Allen nous avait emmenés dans les années 30, et nous avait laissés à la joie factice du réveillon dans ce fameux café. Le film éponyme, empreint d’une féroce nostalgie, était ainsi une chronique acide sur Hollywood, son vain orgueil et sa superficialité, et un nouvel hommage à la beauté incendiaire de New York mais c’était aussi un hymne aux amours impossibles qui auréolent l’existence d’une lumineuse mélancolie. Ensuite avec « Wonder wheel » il nous avait transportés deux décennies plus tard dans un lieu d’évasion qui s’apparente aussi à une prison, Coney Island, parc d’attraction, péninsule située à l'extrême sud de Brooklyn au centre de laquelle trône une grande roue qui tourne irrémédiablement sur elle-même, métaphore des destinées des personnages de « Wonder Wheel » et surtout de celle de Ginny (Kate Winslet). Comme avec, Cate Banchett dans « Blue Jasmine », la réussite de ce film devait beaucoup à l’écriture de ce personnage féminin et à sa remarquable interprétation. Cate Blanchett était parvenue à nous faire aimer son personnage horripilant, snob, condescendant, inquiétant même parfois mais surtout très seul, perdu, et finalement touchant, comme l’est Ginny. Jasmine maquillait ses failles derrière un culte de l’apparence, Ginny par un culte du passé. Dans « Un jour de pluie à New York » c’est Elle Fanning qui crève l’écran dans ce nouveau film de Woody Allen dont la sortie américaine n’a pourtant jamais eu lieu. Mars Films a en revanche choisi de sortir ce film qu’il aurait été dommage de ne pas découvrir.  C’est l’histoire de deux étudiants, Gatsby et Ashleigh, qui envisagent de passer un week-end en amoureux à New York. Pas le New York de Coney island, non, plutôt le New York idyllique et mythique de « Manhattan ». Mais le projet tourne court, aussi vite que la pluie succède au beau temps. Bientôt séparés, les deux tourtereaux enchainent chacun de leur côté les rencontres fortuites et situations insolites. Comme d’habitude, ce nouveau Woody Allen débute par une brillante scène d’exposition qui nous présente les protagonistes : l’étudiant décalé, surdoué, romantique Gatsby Welles le bien nommé (Timothée Chalamet) – Gatsby pour le romantisme et la mélancolie, Welles peut-être pour le pouvoir de création - , sorte de double de Woody Allen, et sa petite amie, Ashleigh Enright (Elle Fanning), étudiante naïve, apprentie journaliste en cinéma, qui va interviewer le grand cinéaste Roland Pollard (Liev Schreiber) pour son journal universitaire sauf que ce dépressif va s’échapper et conduire Ashley à travers New York tandis que Gatsby l’attend pour leur virée romantique et déambule dans New York où il fera une rencontre qui modifiera le cours de son destin, celle de Chan (Selena Gomez). « Un jour de pluie à New York ». Un titre à la Claude Sautet, qui affectionnait tant les scènes de pluie pour rapprocher les êtres.  Une promenade romantique à New York, pleine de charme, avec des personnages « pittoresques » comme toujours remarquablement brossés. Oui, « Laissons la réalité à ceux qui n'ont rien d'autre ». Alors osons rêver nos vies comme nous y invite cette escapade mélancolique dans New York, teintée d'humour cinglant et de dialogues ciselés. Une promenade à l’image des personnages, pleine de charme (décidément, mais le charme est vraiment ce qui définit ce film qui vous envoûte et enlace progressivement de son voile de mélancolie), riche de scènes marquantes comme celle lors de laquelle la mère de Gatsby (Cherry Jones) part dans un monologue inattendu qui est un film en soi, dévoilant un autre visage de cette mère possessive, ou comme lorsque Gatsby se met au piano. Soudain, la magie opère. Un film empreint de nostalgie, étonnamment jeune aussi, qui nous donne envie de déambuler sous la pluie, d’observer la beauté captivante de la ville, de croire aux rencontres impromptues, bref à la magie du cinéma. Une fable savoureuse qui nous donne envie de croire à ce qui arrive « dans les films, pas dans la vraie vie ». 

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    Autre invitation au rêve avec « Music of my life » de Gurinder Chadha à qui l’on doit notamment le réjouissant « Joue-la comme Beckham ». 1987. Angleterre.  Javed, adolescent d’origine pakistanaise, grandit à Luton, une petite ville qui n’échappe pas à un difficile climat social. Il se réfugie dans l’écriture pour échapper au racisme et au destin que son père, très conservateur, imagine pour lui.  Mais sa vie va être bouleversée le jour où l’un de ses camarades lui fait découvrir l’univers de Bruce Springsteen. Il est frappé par les paroles des chansons qui décrivent exactement ce qu’il ressent. Javed va alors apprendre à comprendre sa famille et trouver sa propre voie. Un film porté par la musique du « Boss » et dont le sujet tourne en plus autour de celle-ci pouvait difficilement être mauvais. A l’image de ses musiques, la légèreté n’est qu’apparente et on évoque ici aussi bien le décalage culturel, la résistance et l’intégration qui donnent lieu à des situations savoureuses. Le film est d’abord et avant tout un hymne à la création. Javed écrit. Mais c’est cette rencontre avec l’œuvre de Springsteen qui va le porter et l’aider dans l’Angleterre nationaliste et raciste de Thatcher, gangrénée par le chômage. A la fois feel good movie et chronique sociale, cette adaptation du roman autobiographique « Greetings from Bury Park : Race, Religion and Rock’n’Roll » du journaliste britannique Sarfraz Manzoor raconte comment ce jeune homme d’origine pakistanaise mal dans sa peau va s’émanciper grâce à la musique et l’écriture. Il veut en effet devenir écrivain mais sa « famille est coincée dans une autre époque ». Cela va lui permettre de « bâtir un pont » vers ses « ambitions » parce que ce que raconte le Boss de sa vie dans le New Jersey fait écho à la vie de ce jeune homme d’origine pakistanaise dans une ville anglaise, Bruce est pour lui « le lien direct vers la vérité ». Les paroles, universelles, dépassent les frontières, et vont l’aider à affronter son père. Vous quitterez le film avec en tête les musiques de Bruce Springsteen, l’envie de chanter (certaines chansons sont joliment mises en scène sous forme de comédie musicale) et cette phrase : « Ecris un rêve Fais en sorte qu’il se réalise ». Tout un programme. Une bulle d’optimisme non dénuée de fond, voilà qui fait beaucoup de bien.

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    Parmi les premières marquantes de cette 45ème édition il y eut indéniablement « Waiting for the barbarians » de Ciro Guerra, une première précédée de l'hommage à Johnny Depp, l’occasion de revoir des extraits de films inoubliables : « Edward aux mains d’argent », « Arizona dream », « Gilbert grape », « Dead man », « Las Vegas parano », « Sleepy hollow » … « Waiting for the barbarians » pourrait s’ajouter à cette liste. Une fois de plus, Johnny Depp est là où on ne l’attend pas, dans un rôle antipathique au possible. Dans un désert sans nom à une époque incertaine, un magistrat (Mark Rylance) gère un fort qui marque la frontière de l’Empire. Le pouvoir central s’inquiète d’une invasion barbare et dépêche sur les lieux le colonel Joll (Johnny Depp), un tortionnaire de la pire espèce (qui nomme sa méthode « patience »). Parmi les hommes et les femmes ramenés au fort et torturés, une jeune fille blessée attire l’attention du magistrat qui finit par contester les méthodes employées par le colonel et prendre fait et causes pour les soi-disant barbares. « Waiting for the barbarians » est une passionnante réflexion sur les mécanismes de l'abus de pouvoir, l'oppression, une métaphore à petite échelle des totalitarismes qui traversent les lieux et les époques, qu'ils soient dans le cadre d'une entreprise (ou même d'un cercle plus restreint social ou familial) ou étatiques. Évidemment il était judicieux pour incarner « le mal » de choisir un acteur plutôt habitué à des rôles de héros pour montrer que la monstruosité peut avoir tous les visages, que le masque arboré n'est pas forcément celui du Rhinocéros comme dans la pièce éponyme de Ionesco. La monstruosité n’en est pas moins là.  Adaptée du roman éponyme de l’écrivain sud-africain J. M. Coetzee, lauréat du prix Nobel de littérature en 2003, cette fable terrifiante à l'image de la pièce de Ionesco précitée est un vibrant plaidoyer pour la résistance. Pour s’agrandir, l’Empire paranoïaque (voilà qui rappelle les thématiques de films précédemment évoqués) va vouloir soumettre les peuples nomades considérés comme barbares et va aussi transformer les foules en masses grégaires et haineuses.  Ce fort qui pourrait faire songer à ceux du Far west avec certains plans (notamment d’embrasures de portes) à la John Ford et l’intemporalité de l’histoire la rendent d’autant plus universelle, forte et terrifiante.

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    Johnny Depp a ainsi évoqué son personnage qui, à l'image de son interprète tout au long de la conférence de presse, porte en permanence des lunettes, manière sans doute de se préserver des regards inquisiteurs. et de garder « la communication profonde » pour ceux à qui il souhaite lui aussi montrer son vrai visage ». « La vraie communication, la communication profonde se fait à travers les yeux. Il a construit des murs vraiment très forts. Il est juste une armure, stratégie. Il ne sera jamais rien d'autre que ce qu'il est. Cela vient d'une enfance cassée. Il se sert de sa colère pour faire mal aux autres », a ainsi déclaré Johnny Depp à propos de son personnage. Notons la délicatesse de Mark Rylance qui a pris soin de poser des questions aux deux producteurs du film pendant la conférence de presse à défaut de questions posées à ces derniers par les journalistes. Qui mieux que cet acteur élégant pouvait incarner ce magistrat qui s'élève contre la barbarie ? Cette barbarie aux mille visages et qui prend parfois celui fallacieux de la bonté.

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    Mark Rylance a ainsi expliqué à propos de son personnage et la réaction de rejet que lui témoigne la jeune femme à qui il vient pourtant en aide : « nous victimisons les femmes chacun à notre manière. »  Dans l’absence de manichéisme de ce personnage (au contraire de celui de Depp qui est l’archétype du « méchant », archétype qui n’est pas ici un défaut mais une nécessité pour appuyer le propos) réside tout l’intérêt de ce film marquant d’une force et d’une originalité incontestables.

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    La plus longue standing ovation à Deauville cette année fut néanmoins celle à l’issue de la projection d’ « American skin » de Nate Parker. Produit par Spike Lee, ce film est de ceux de ce festival annoncés comme « défiant Trump » ou en tout cas l'Amérique de Trump, une Amérique enfermée dans des préjugés par définition étriqués, dans la peur et ses conséquences, l'oppression de l'autre. Lincoln est un ancien combattant de la Marine. Aujourd'hui, il travaille comme concierge au sein d'une école et tente d’améliorer ses relations avec son fils. Un jour, lors d'un contrôle de police de routine, le jeune garçon est tué. Cependant, l'officier coupable d'avoir tiré sur lui est déclaré innocent. Lincoln (incarné par Nate Parker lui-même) choisit alors de faire justice lui-même.  L'enfermement, l'aspiration à la liberté, à pouvoir être soi-même sans entraves était décidément le thème récurrent de cette édition. Là encore en effet il est question d’enfermement. D’enfermement dans une société de préjugés qui conduit à ce que certains hommes se sentent moins libres que d’autres. D’enfermement pour faire surgir la vérité. Paradoxalement, les multiples moyens de communication (sous leurs nombreuses formes) et de filmer et donc supposément de s'ouvrir à l'autre sont aussi omniprésents et servent aussi le style faux documentaire du film mais également à montrer que dans nos sociétés ultra connectées tout est filmé constamment sans pour autant permettre de faire éclater la vérité ou de s'ouvrir l'autre et de communiquer posément. Vérité glaçante. Cela permet bien sûr aussi d'impliquer le spectateur, de susciter son empathie. Le film fait d’ailleurs l’éloge du documentaire comme moyen d’éveil des consciences, limité d’ailleurs puisqu’il est ici au service de la vérité mais peut tout aussi bien la trahir et non la traduire. Prenant de la première seconde (début sur le vif lors d'un contrôle de police tragique) au dénouement (qui rappelle cette première scène comme si tout cela n'était qu'un cycle infernal, condamnant tout espoir d'un lendemain meilleur où chacun s'écouterait et se libérerait de la peur dictée par les préjugés), ce faux documentaire fourmille d'idées brillantes. Comme de s'inspirer de « 12 hommes en colère », le face à face auquel ce « procès » improvisé donne lieu n’est d’ailleurs pas sans rappeler certaines scènes des « Misérables » (Prix d’Ornano-Valenti de cette édition dont je vous parle plus bas) en ce que l’un et l’autre de ces deux films montrent que la violence, dictée par la peur, exacerbe les tensions. Comme encore ces quelques mots lapidaires au journal télévisé pour traduire et trahir la complexité d'un drame humain. Mots auxquels succèdent les louanges sur les performances d'un sportif noir énoncées par un présentateur guilleret. « Cachez ces crimes racistes que je ne saurais voir », semble nous dire Nate Parker du moment que l'apparence et les clichés soient saufs. Telle est l'Amérique de Trump. Résultat : un film poignant, bouleversant, un coup de poing et un coup au cœur. Un plaidoyer aussi convaincant que nécessaire qui a bouleversé les festivaliers.

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    Parmi les évènements de cette édition, il y eut également l’hommage à Geena Davis venue présenter « Tout peut changer, et si les femmes comptaient à Hollywood » de Tom Donahue. Tout peut changer est un documentaire qui révèle ce qui se cache derrière l'une des aberrations de l'industrie du cinéma américain : la sous-représentation des femmes à Hollywood. Le réalisateur Tom Donahue met en avant des décennies de discrimination à l'égard des femmes derrière et devant la caméra, grâce notamment à une méthode inédite d’étude des données chiffrées, avec, à l’appui, des centaines de témoignages accablants.  Plus important encore, le film cherche et propose des solutions qui vont au-delà de l'industrie du cinéma et bien au-delà des frontières américaines, à travers les témoignages de nombreuses voix d'Hollywood, dont Meryl Streep, Cate Blanchett, Natalie Portman, Reese Witherspoon,  Jessica Chastain, Chloë Grace Moretz ou encore, Geena Davis, également productrice exécutive du film ; pour mettre en exergue ce qui peut et doit changer. Dommage que le message soit noyé parmi une floppée de chiffres et d’énonciations didactiques, une manière d’infantiliser le spectateur (en surlignant bien certaines données au cas où il n’aurait pas compris), un ton vindicatif voire guerrier en totale contradiction avec le propos, et une dispersion des sujets qui méritaient pourtant d’être traités. Il était cependant intéressant de voir le rôle majeur occupé par les femmes au temps du muet et comment celles-ci ont peu à peu été évincées de l’industrie cinématographique ou encore comment ces dernières sont enfermées (encore l’enfermement) dans des personnages stéréotypés. L’intention était donc louable même si le résultat n’est pas à la hauteur de l’enjeu. Geena Davis, qui a fondé un institut d'études sur la représentation des femmes à l'écran, l'Institute of gender in media, démontre que la discrimination est toujours d’actualité pour les femmes, qu’elles se trouvent devant ou derrière la caméra, que ce soit dans la manière dont elles sont représentées sur l’écran ou traitées sur les tournages. Ainsi, « En Amérique, seuls 4% des films produits sont réalisés par des femmes » alors que ce « chiffre est de 24% en France. »

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    Finalement plus parlant, militant, efficace était le film « American Woman » de Jake Scott, projeté après la remise du Deauville Talent Award à Sienna Miller, sans aucun doute le rôle de sa carrière, « le plus beau rôle de ma carrière » a-t-elle d’ailleurs elle-même déclaré, suite logique de judicieux choix pour celle qui a notamment tourné pour Clint Eastwood dans « American sniper »,  James Gray dans « The lost city of Z » ou encore Bennett Miller dans « Foxcatcher ». Un rôle beaucoup plus nuancé que ce qu’il paraît être dans les premières minutes du film où elle incarne une sorte de caricature de bimbo frivole, mère aimante d’une fille mère, laquelle adolescente disparaît mystérieusement. Le tout dans une ville rurale de Pennsylvanie. Deb Callahan (Sienna Miller donc), est ainsi une mère de 31 ans qui travaille comme caissière dans un supermarché. Elle se retrouve alors seule à élever son petit-fils encore bébé. Elle va devoir affronter ses errements passés pour se construire une nouvelle vie d'adulte. Mais sa quête est remise en question le jour où la vérité sur la disparition de sa fille éclate. Philippe Augier, le maire de Deauville, a ainsi rendu l’hommage à l’actrice : « Les femmes sont beaucoup représentées dans le cinéma, particulièrement à Deauville cette année, et c’est notre volonté d’affirmer leur émancipation de tous les carcans qui leurs sont imposés, souvent par erreur, par méconnaissance, par incompréhension de la beauté du genre qu’elles incarnent. »  « American Woman » est un film remarquable en ce qu’il déjoue et démonte les clichés qu’il semble de prime abord mettre en scène. Il évite aussi tous les écueils. Plutôt que de dresser un portrait larmoyant d’une mère éplorée qui a perdu sa fille ou de s’axer sur l’enquête, il se concentre sur la reconstruction de cette femme qui passe par son émancipation. Au fur et à mesure que son visage se démaquille, elle devient elle-même, prend peu à peu son destin en main. Le film n’a rien du thriller contrairement à ce que pourraient laisser entendre son pitch et son affiche. Ou alors un thriller de l’intime, une enquête sur la profondeur d’un être en apparence superficiel.  Cette disparition est finalement le prétexte à dresser le portrait de cette femme dans la tourmente. « La parole s’est libérée et s’il y a un problème, on peut le signaler en moins de cinq minutes. Aujourd’hui, je n’accepterais pas certaines choses que j’ai pu accepter par le passé, et je me félicite de l’égalité salariale entre les hommes et les femmes », a ainsi déclaré Sienna Miller en conférence de presse.

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    Autre femme forte et de conviction, Jean Seberg incarnée par une autre femme forte et de conviction Kristen Stewart dans le film éponyme de Benedict Andrews qu’elle est venue présenter à l’occasion de l’hommage que lui a rendu le Festival de Deauville qui lui a décerné un Deauville Talent Award. Ce film qui oscille entre thriller, film politique et histoire d’amour est surtout là aussi un magnifique portrait de femme auquel Kristen Stewart apporte à la fois force, fragilité, et une palette d’expressions et d’émotions d’une rare diversité. Ce film, qui n’est pas un biopic mais inspiré de faits réels, relate une période de la vie de l’actrice emblématique de la Nouvelle Vague et d’« A bout de souffle », épouse de Romain Gary (Yvan Attal) et éclaire certaines ombres de sa vie (et mort). L’actrice américaine  vit à Paris et se rend à Los Angeles pour un tournage. Dans l’avion, elle rencontre Hakim Jamal, activiste américain défenseur de la cause noire (ou plutôt ce dernier semble s’être arrangé pour qu’ils s’y rencontrent). Ils vont commencer une relation secrète tandis que Jean soutient publiquement la cause de Jamal. Seberg devient alors un des sujets de la surveillance du FBI qui surveillait déjà les agissements de Jamal et de son entourage. Cette surveillance va peu à peu se transformer en véritable harcèlement et détruire la jeune femme. Tout aussi intéressant est le personnage d’un jeune membre du FBI qui commence à douter de ses méthodes. Le film commence par la scène du bûcher de « Sainte Jeanne » d’Otto Preminger au cours de laquelle l’actrice fut blessée. Comme une marque indélébile présageant les souffrances morales à venir. Jean Seberg va peu à peu sombrer dans la paranoïa.  Kristen Stewart prouve une nouvelle fois qu’elle peut tout jouer après notamment « Sils Maria » d’Olivier Assayas (c’est d’ailleurs ce dernier qui lui a rendu hommage avant de recevoir le lendemain le prix du 45ème festival pour "Cuban network", j’en profite pour vous recommander vivement ce film dans lequel Kristen Stewart est d’une justesse remarquable, un film sur l'étanchéité des frontières entre l'art et la vie, et l'implacable violence du temps qui passe) et « Café Society » de Woody Allen (elle est éblouissante dans ce film dans lequel en un instant son regard s’évade et se voile de tristesse), deux films dans lesquels elle incarnait des rôles très différents et dans lesquels elle excellait déjà. Avec ce rôle, elle donne une nouvelle fois raison à Olivier Assayas qui lui a rendu hommage par ces mots : « Kristen est une artiste qui possède ce don rare d’être à la fois hors du temps et d’incarner son époque au meilleur sens de ce terme. Son âme est dans ses films et elle donne aussi une âme à tout ce qu’elle approche. Si je suis si heureux de lui donner ce prix ce soir c’est parce que Kristen incarne spontanément, avec sincérité et pureté, ce que le cinéma peut susciter de meilleur, donnant chair à l’idée même d’indépendance et de liberté. Et que je lui suis infiniment reconnaissant de porter avec autant de courage ces valeurs, à la fois si fragiles et si précieuses, et de le faire non seulement pour elle mais pour chacun et pour chacune. » Le film « Seberg », passionnant et bouleversant est basé sur « des faits, et des documents du FBI ». Le destin tragique d’une actrice si lumineuse comme l’histoire du cinéma en connut tant. Et s’il se concentre sur la période de 1968 à 1971, difficile de ne pas établir de lien avec la résurgence du racisme aux Etats-Unis.

    Enfin, j’ai délibérément choisi de terminer ce bilan du festival par deux films qui, chacun à leur manière, défendent des messages forts, l’un pour dresser le portrait d’un héros, l’autre pour nous raconter l’histoire de Misérables du 21ème siècle, empruntant pour cela à Victor Hugo certaines de ses figures emblématiques du chef-d’œuvre éponyme.

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    Il s’agit d’abord d’« Une vie cachée » de Terrence Malick, présenté en mai dernier en compétition dans le cadre du Festival de Cannes (8 ans après sa palme d’or pour « The tree of life ») et en Première à Deauville. Dans ce film inspiré de faits réels, Franz Jägerstätter, paysan autrichien, refuse de se battre aux côtés des nazis. Reconnu coupable de trahison par le régime hitlérien, il est passible de la peine capitale. Mais porté par sa foi inébranlable et son amour pour sa femme, Fani, et ses enfants, Franz reste un homme libre. Une vie cachée raconte l'histoire de ce héros qui vit dans le Tyrol autrichien, au milieu d’une nature que la caméra de Malick effleure et caresse délicatement, amoureusement, une nature idyllique où vivent Franz et sa famille.  C’est le parcours christique de cet homme follement courageux que nous raconte Malick, filmant ce parcours avec le lyrisme qui le caractérise par d’amples travellings et des contre-plongées inspirées. C’est fascinant, beau et envoûtant, comme un poème tragique, comme un éloge funèbre. Son lyrisme grandiloquent rend le plus vibrant et flamboyant des hommages à ce fiévreux résistant. Enfiévré de son amour pour sa femme, porté par leurs souvenirs communs. De sa foi. De son combat qu’il sait juste et que seuls dieu et son épouse semblent pouvoir comprendre et accompagner. Un film méditatif sidérant d’éclat, de force. Une symphonie visuelle captivante qui rend un hommage bouleversant à cet homme qui trouve la lumière en combattant l’obscurantisme et dont la fin à la fois tragique, poignante et sublime nous laisse KO. Je vous reparlerai de ce film qui mérite plus que ces quelques lignes.

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    Terminons ce bilan subjectif et sélectif du Festival de Deauville 2019 par un film dont la fin m’a également laissée KO : « Les Misérables » de Ladj Ly dont nous venons d’apprendre qu’il représentera la France dans la course aux Oscars. C’est en tant que lauréat du prix d’Ornano-Valenti (qui récompense chaque année un film français dans le but d'aider à sa promotion et son exportation) qu’il était présenté à Deauville, succédant aux « Chatouilles » et recevant le même accueil enthousiaste auprès du public du festival.  Stéphane, tout juste arrivé de Cherbourg, intègre la Brigade Anti-Criminalité de Montfermeil, dans le 93. Il va faire la rencontre de ses nouveaux coéquipiers, Chris et Gwada, deux « Bacqueux » d’expérience. Il découvre rapidement les tensions entre les différents groupes du quartier. Alors qu’ils se trouvent débordés lors d’une interpellation, un drone filme leurs moindres faits et gestes. Ladj Ly nous plonge d’emblée dans le quotidien de ces policiers, et suscite notre empathie en nous mettant à la place de la nouvelle recrue qui, comme nous, découvre cet univers dans lequel la tension est palpable, constante et la réalité complexe. Loin de tout manichéisme, Ladj Ly filme  en effet la réalité qu’il connait dans toute sa complexité, ses rouages, la perversité que cela engrange, obligeant la police à traiter avec les voyous pour solutionner certaines situations (ou parfois employant leurs méthodes, et franchissant allègrement la ligne rouge). La caméra à l’épaule nous donne la sensation d’être immergés dans cet enfer urbain dans lequel la corruption règne. Jamais le rythme ne faiblit. La tension est constante. Personne n’est idéalisé ou épargné et, dans leur intimité, les policiers apparaissent tout aussi misérables que ceux qu’ils poursuivent. Le titre qui se réfère à la ville de Montfermeil (où se situent des passages des « Misérables ») fait ainsi le lien et les réunit dans une même réalité après un début sur ce qui les réunit aussi, le drapeau, la coupe du monde. « Sans cohésion pas d’équipe et sans équipe on est seul », entend-on ainsi, ce qui s’applique alors à l’un et l’autre des deux « camps ».  Avec Laurent nous découvrons cet équilibre précaire qu’un rien pour conduire à s’embraser jusqu’au chaos final, un final explosif, un piège qui se referme inexorablement. L’enfermement, encore. Une scène couper le souffle. Un final terrible et d’une logique implacable après un crescendo éreintant. Un final après lequel il était apaisant retrouver la douceur des planches, la mélancolie charmante de Deauville qui n’a rien à envier à celle de « Un jour de pluie à New York » dont la phrase me revient aujourd’hui encore comme un leitmotiv : « C’est la vraie vie. Laisse-la à ceux qui ne trouvent pas mieux » et me donne l’envie de m’installer à une terrasse sur les planches. D’y observer le film de la vie. Ou d’y relire « Gatsby le magnifique ». Alors, en attendant de me replonger dans les livres de Francis Scott Fitzgerald, un peu de Victor Hugo : 

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    Après cette édition 2019 qui a su allier glamour et exigence artistique, mythes et engagement (films, femmes et cinéastes engagés étaient à l'honneur cette année) et révéler de nouveaux talents, je vous donne rendez-vous en 2020 pour la 46ème édition du Festival du Cinéma Américain de Deauville qui aura lieu du 4 au 13 septembre et, en attendant, dès vendredi au Festival du Film Britannique de Dinard. 

    Ci-dessous, quelques photos complémentaires de Deauville aux couleurs du Festival du Cinéma Américain.

    Je suis l'auteure de toutes les vidéos et photos de cet article. Merci au photographe Dominique Saint pour les photos de tapis rouge à retrouver sur mon compte instagram @Sandra_Meziere. Merci au CID, au magazine Normandie Prestige 2019 (dans lequel vous pourrez notamment retrouver mon article bilan de l'édition 2018 du festival), et à la radio France Bleu Normandie pour l'interview rituelle en direct du festival. Je continue à vous parler de Deauville, en fiction cette fois, puisque, après mon recueil "Les illusions parallèles" (Editions du 38) qui comprend deux nouvelles se déroulant dans le cadre du festival, Short Edition vient de sortir cette semaine un recueil dans lequel figure une de mes nouvelles, lauréate d'un de leurs concours d'écriture dont l'intrigue se déroule à... Deauville.

     

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  • 44ème Festival du Cinéma Américain de Deauville : bilan détaillé et compte rendu

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    Un festival est un film en soi. Un condensé d’émotions. Avec un début plein d’espoir et d’illusions. Un dénouement avec une sensation d’euphorie, quelques désillusions parfois aussi car un festival exacerbe les sentiments, plus ou moins nobles. Entre les deux, des rebondissements, des rencontres, des découvertes, des dialogues, une parenthèse enchantée (à Deauville, toujours) ou désenchantée. Et des images qui ne reflètent qu’un aspect parcellaire de ce tourbillon, un kaléidoscope d’instants.

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    S’il fallait choisir la musique qui constituerait la bande originale de ce 44ème Festival du Cinéma Américain de Deauville, ce serait indéniablement celle jouée par Renaud Capuçon lors de la clôture. Non pas que ce festival fut triste (bien au contraire, malgré la noirceur des films en compétition et même souvent de ceux projetés en Premières, j’y reviendrai plus bas) mais parce que ce moment fut magique, d’une intensité inouïe et bouleversante. Hors du temps. A suspendre son souffle, sa mélancolie, l’angoisse de l’après. Je ne l’ai filmé que quelques secondes pour en profiter pleinement mais je tenais à le partager ici avec vous.

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    Des instants magiques, il y en eut d’autre : le discours lyrique et inspiré en hommage à Morgan Freeman par Vincent Lindon, le président à vie du festival (les habitués comprendront), les standing ovations à la fin de certaines projections (Puzzle, Les Chatouilles…) et une clôture qui s’est achevée dans la bonne humeur (cf vidéo ci-dessous) comme celle qui a régné pendant ces dix jours sans un soleil irréel et étincelant.

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    Mais avant de vous parler de tout cela. Petit flashback.

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    Chaque année, le vendredi de l’ouverture, la fébrilité est à son comble. Lorsque dans la majestueuse salle du CID retentit la flamboyante musique du festival, c’est toujours une réminiscence qui fait palpiter le cœur à mille à l’heure. Depuis 26 ans pour moi. Débute alors un exaltant voyage immobile auquel invite la devise du festival : un moment unique pour tous les amoureux du cinéma. Deauville se pare alors des couleurs de la bannière étoilée. Les planches s’auréolent de mélancolie joyeuse. La ville vit soudain au rythme trépidant du 7ème art. Deauville est le festival du public. De tous les publics. De ceux qui veulent découvrir l’état de l’Amérique à travers les Docs de l’Oncle Sam et les films indépendants de la compétition. De ceux qui veulent frissonner ou rêver en découvrant les Premières (cette année, notamment les films de Jacques Audiard, Mélanie Laurent, John Curran…) et en assistant aux hommages (une légende était sur les planches, Morgan Freeman).

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    A Deauville se côtoient la tonitruance et la discrétion, les stars d’aujourd’hui (avec les Deauville Talent Awards, cette année Kate Beckinsale, Sarah Jessica Parker, Jason Clarke) et celles en devenir (avec le nouvel Hollywood : Shailen Woodley, Elle Fanning). Une alliance subtile avec un générique à faire pâlir d’envie les plus grands cinéastes avec même la présence de John Grisham dont tant de livres ont été adaptés (ce qui sera certainement le cas de celui-ci, très cinématographique qui cette fois ne se situe plus dans le milieu juridique -qui lui seyait tant et mieux à mon goût- mais dans celui des éditeurs et des librairies).

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    A Deauville plus qu’ailleurs, bien que le cinéma y soit une fenêtre ouverte sur l’âpre présent des Etats-Unis, la réalité fait une pause pour vous transporter dans une parenthèse enchantée qui exhale le parfum de l’enfance, celui de l’insouciance, où la vie se vit au rythme du cinéma. Un soupçon d’éternité.

    affiche du 44ème Festival du Cinéma Américain de Deauville 2018

    Comme chaque année, sur la magnifique affiche, nous retrouvons les codes habituels que sont les couleurs de la bannière étoilée, pont ici au sens figuré et au sens propre entre la Normandie et les Etats-Unis, l’évocation des planches, le voyage immobile auquel invite le festival. En émane une belle sensation d’ailleurs, de légèreté, de liberté, d’envol. La légèreté n’était pourtant guère au programme. Et pour cause. Les films en compétition sont en effet chaque année le reflet des Etats d’Amérique et surtout de l’état de l’Amérique. L’an passé, le Festival du Cinéma Américain de Deauville nous dressait ainsi le portrait d’une Amérique déboussolée, sans doute a fortiori après l’élection à sa tête d’un personnage déroutant (quel euphémisme au regard de cette année écoulée !). Au programme, ainsi, l’an passé, la violence subie par les différentes communautés ou entre communautés qui se replient sur elles-mêmes. Une Amérique communautaire en proie à la violence. Ce sujet était d'ailleurs à nouveau au cœur des films en compétition cette année (notamment dans le remarquable Monsters and men, oublié du palmarès).

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    Plus que jamais, en 2017, le cinéma nous dévoilait l’envers du décor de l’American dream, et même son échec. Une Amérique qui n’est pas un Eldorado mais au contraire une prison de violence dont les personnages (souvent attachants mais broyés par l’existence) ne rêvent que de s’échapper. Une Amérique pétrie de contrastes et contradictions dont les enfants doivent bien souvent renoncer à leurs rêves pour continuer à avancer. Des enfants confrontés très tôt à des responsabilités d’adultes, délaissés par des parents immatures, à l’image de cette Amérique qui abandonne ceux qu’elle a enfantés, ces rêveurs d’hier confrontés à la rude réalité, à leurs châteaux de verre qui ne sont que mirages ou qui s’écroulent pour reprendre le titre du splendide film de clôture du festival l’an passé.

    Le Maire de Deauville, lors de la conférence de presse de ce 44ème Festival du Cinéma Américain, avait ainsi tenu à insister sur l'« inflexion du festival dans sa dimension culturelle en choisissant de faire du cinéma indépendant le cœur du festival ». 15 premiers films ont ainsi projetés dont 8 dans la compétition. 62 films au total ont ainsi été présentés dans le cadre du festival : compétition, premières, Docs de l’Oncle Sam étaient ainsi au programme comme chaque année et même un prix exceptionnel du 44ème Festival du Cinéma Américain de Deauville pour Les Frères Sisters.

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    La couleur de la sélection sera « sombre » avait ainsi annoncé Bruno Barde lors de cette même conférence, « la couleur de l’Amérique » avait-il ajouté. Le Maire de Deauville, lors de l’ouverture, a également déclaré que « bien sûr le cinéma est là pour nous distraire, nous faire rêver, mais plus que jamais pour décrypter et témoigner de l’évolution de la société. »

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    Cette année, celle de l’après #MeToo, si la noirceur était effectivement aussi au rendez-vous, le pouvoir était pris par les femmes, deux titres des films de la compétition étaient ainsi des prénoms féminins (Nancy et Diane) et six d’entre eux avaient pour personnages principaux des protagonistes féminines. Des femmes souvent condamnées par l’existence, engluées ou même enfermées dans leur quotidien, leur passé, confrontées à la solitude, à la maladie, à la mort, aux traumatismes…et même enfermées au sens propre et condamnées à mort dans le douloureux Dead women walking. Des femmes fortes et combattives qui s’emparaient néanmoins de leurs destins. Les films s’achevaient ainsi souvent par un nouveau départ (au sens propre). En route vers un lendemain peut-être plus joyeux. Une note d’espoir malgré tout. L’envol finalement. Dans chaque film aussi ou presque, la religion était aussi (omni)présente. « Une Amérique où règne le désenchantement et la mélancolie, où l'espoir est tenace », comme l’a très bien résumé la présidente du jury de la critique, l’enthousiaste Danièle Heymann. Le jury de la critique, lors de la cérémonie du palmarès, a d’ailleurs également tenu à saluer « la quasi parité de la compétition avec 6 films de femmes. »

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    Cette année, le festival avait par ailleurs choisi de mettre en avant le talent de quatre femmes qui, "toutes, par leurs choix exigeants et leurs parcours, témoignent d’une audace et d’une liberté qui font la force du cinéma indépendant contemporain dans toute sa diversité et sous toutes ses formes: Kate Beckinsale (Deauville Talent Award), Elle Fanning (Nouvel Hollywood); Mélanie Laurent; et Shailene Woodley (Nouvel Hollywood)." Et c’était aussi une femme (amoureuse de Deauville, elle aussi), Sandrine Kiberlain, qui présidait cette année le jury. Il y eut aussi Sarah Jessica Parker, si lumineuse avec son « énergie unique et transgressive » comme l’a souligné le Maire de Deauville. Les femmes étaient aussi à l’honneur dans les documentaires (dont je vous parlerai ultérieurement). En attendant, petit résumé de cette sélection 2018. Cette compétition, comme chaque année, était une fenêtre ouverte sur les tourments de l’Amérique contemporaine dans laquelle ses citoyens courent après la liberté, l’émancipation, le droit d’exister simplement sans être discriminé, bien loin de l’American dream. Les films primés sont pourtant pour la plupart parsemés de notes de poésie et de fantaisie, s’achevant le plus souvent par un regard ou un départ, bref un espoir opiniâtre…

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    Pour être parfaitement exhaustive, il m’aurait fallu évoquer aussi les documentaires (que je n’ai pas eu le temps de voir pendant le festival et que je rattraperai après celui-ci) et toutes les premières. J’ai fait le choix d’évoquer ici mes coups de cœur. A la fin de cet article, avec les remerciements d’usage, vous trouverez aussi quelques photos de ma rencontre dédicace à la librairie de Deauville Jusqu’aux lueurs de l’aube (que je remercie à nouveau ici).

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    LA COMPETITION

    FRIDAY’S CHILD de A.j. Edwards

    affiche de friday's child

    Synopsis : Richie, dix-huit ans, quitte sa famille d'accueil et se heurte à la dure réalité d'une vie marginale semée d'embûches et de tentations. Alors qu'il devient le principal suspect d'un cambriolage raté, il fait une rencontre improbable et découvre un amour impossible. Avec la police à ses trousses et un mystérieux individu menaçant de révéler son passé, il ne reste à Richie que peu de temps pour prendre les bonnes décisions et revenir dans le droit chemin.

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    La compétition a commencé très fort avec Friday’s child de A.J. Edwards, aussi beau et déchirant qu’un poème (un chef-d’œuvre de la littérature a inspiré le réalisateur, Crime et châtiment de Dostoïevski). Cela débute par la fenêtre d’une sinistre maison qui s’éclaire, symbole du fragile espoir qui brille dans la nuit de l’existence du personnage principal, Richie. Y errent des enfants en difficulté, abandonnés, des ombres fantomatiques à l’image de Richie, dix-huit ans et le visage encore enfantin incarné par Tye Sheridan (Ready Player One, Mud), qui quitte sa famille d’accueil pour se heurter à l’âpre réalité d’une vie d’adulte esseulé. Sur sa route : une propriétaire sans scrupules, une jeune femme endeuillée et divorcée, Joan, et un mauvais génie. C’est le deuxième long métrage du réalisateur qui a travaillé avec Terrence Malick comme monteur et comme consultant artistique. Cela se ressent dans chaque plan qui exhale la même magnificence lyrique. Certains diront qu’il ne fait là que le singer, pourtant se dégage de ce film une personnalité singulière qui, dès le premier plan, vous happe. Quelle virtuosité dans la mise en scène ! Ainsi, les personnages sont souvent enfermés dans un cadre et un univers déshumanisés (un carré suffocant, des couloirs sans fin, ou dans l’embrasure d’une porte comme un hommage aux célèbres plans de John Ford) comme ils le sont par leur existence d’emblée placée sous le sceau de la tragédie. C’est un film de contrastes. Entre les décors gris et les lignes carcérales (qui m’évoquent ceux de Playtime de Jacques Tati) et les plans éblouissants baignés de lumière du soleil. Entre l’horizon apaisant filmé au format 16/9ème lorsque Richie est en compagnie de Joan et que son avenir s’éclaire. Et le format 4/3 qui l’enserre lorsque son futur s’obscurcit et qu’il semble sans espoir. Entre la poésie qui émane de ce couple d’âmes blessées et la dureté de la vie qui les broie telles ces machines carnassières sur lesquelles travaille Richie. Ajoutez à cela une musique lancinante, obsédante, hypnotique qui reflète judicieusement l’état d’esprit de Richie et vous obtiendrez un film dont la dernière scène, magistrale, vous hante longtemps après la fin. Le portrait d’une Amérique impitoyable avec les plus fragiles. A l’image des films de cette compétition.

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    AMERICAN ANIMALS de Bart Layton

    American animals a reçu le Prix du jury ex-aequo « pour sa construction brillante et originale, pour l'envie de suivre ce cinéaste », selon les propos de la présidente du jury, Sandrine Kiberlain.

    affiche du film american animals

    Synopsis : Quatre étudiants abhorrent l'idée d'avoir une vie ordinaire et décident crânement de réaliser le plus audacieux vol d'œuvre d'art de l'histoire des États-Unis. Alors qu'ils préparent minutieusement leur coup, ces apprentis voleurs se demandent si leur recherche de sensations fortes va vraiment donner un sens à leur existence. Lorsqu'ils ont enfin un semblant de réponse, le point de non-retour est franchi et ils ne peuvent plus faire marche arrière...

    Alors que, cette année, la compétition dresse principalement des portraits de femmes qui s’emparent de leurs destins, dans American animals, ce sont en revanche 4 étudiants avides de sensations fortes qui, pour échapper à une vie qu’ils estiment trop ordinaire, décident de réaliser un vol d’œuvres d’art. Dès les premiers plans, notre attention est happée par la savante maitrise de la réalisation et du montage, et par un rythme et une musique, d’emblée haletants. Le film débute sur l’image en gros plans de leurs visages qu’ils maquillent tout comme ils masquent la vérité dans leurs propos. American animals est en effet inspiré d’une histoire vraie et le réalisateur alterne entre la fiction et les témoignages des protagonistes qui parfois se contredisent, ayant visiblement une vision tronquée de leurs méfaits. Ces animaux, ce sont ceux qui figurent sur les dessins qu’ils souhaitent dérober. Ce sont aussi ce qu’ils deviennent, perdant peu à peu leur humanité, hypnotisés par la volonté de briller qui, malgré quelques scrupules, leur fait occulter la gravité de leurs actes. Ces American animals, c’est aussi ce que nous fait devenir une société qui, si tristement, érige en héros ceux qui sont simplement célèbres, souvent pour de mauvaises raisons, si éloignées de celles qui ont conduit les œuvres que les quatre étudiants convoitent et leurs auteurs à être reconnus. American animals est certes un hommage savoureux et jouissif aux films de braquage avec des clins-d ‘œil aux cinéastes qui les ont sublimés, le réalisateur jouant avec les codes du genre pour mieux les réinventer, mais il dépasse le simple film de genre pour nous interroger sur le rapport à l’image et à la vérité. Les quatre garçons vont atteindre le point de non-retour en séquestrant la bibliothécaire qui s’occupait de ces œuvres. Le film n’atteint-il pas alors ses limites en ce qu’il glorifie d’une certaine manière ce qu’il dénonce, donnant la parole aux coupables, leur permettant de s’enorgueillir publiquement de ce qu’ils considèrent toujours comme leur « exploit extraordinaire » même si leurs propos et leur « exploit » ainsi mis en lumière sont certes contrebalancés par ceux de la victime, qui apparaît à la fin, dans toute son humilité et sa souffrance, elle qui, dans l’ombre a consacré sa vie à protéger le laborieux travail des artistes ? A vous de juger.

    NIGHT COMES ON de Jordana Spiro et MONSTERS AND MEN de Reinaldo Marcus Green

    Night comes on a reçu le deuxième prix du jury, aussi simple (mais ne nous touchant pas moins droit au cœur et non moins remarquable) que le premier prix du jury est sophistiqué. Monsters and men est un oublié du palmarès et néanmoins un film coup de poing à voir absolument.

    Synopsis de Night comes on : Après plusieurs années passées dans une prison pour mineurs, Angel, dix-huit ans, peut enfin reprendre le cours de sa vie. Son désir : reconstruire une famille avec sa jeune sœur. Mais lui avouera-t-elle le sombre projet qu'elle nourrit en secret ?

    night comes on

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    Synopsis de Monsters and men : Un jeune homme noir est abattu par la police. Trois témoins du crime – un passant qui a filmé la scène avec son téléphone, un policier afro-américain et un lycéen – se retrouvent face à un dilemme : garder le silence pour s'éviter des ennuis ou s'impliquer personnellement pour réparer une terrible injustice.

    affiche Monsters and men

    Ces deux films remarquables sont à l’image de leurs titres et de leurs débuts : poétique pour l’un et plus revendicatif pour l’autre. Dans les deux pourtant, la même tension et la même légitime colère, palpables, et la même violence qui broie et tue la communauté afro-américaine. Dans Night comes on, après plusieurs années passées dans une prison pour mineurs, la bien nommée Angel, dix-huit ans, est écartelée entre le rêve de la reconstruction d’une famille avec sa jeune sœur et celui de se venger de son père, responsable de la mort de sa mère. Dans Monsters and men un jeune homme noir est abattu par la police. Trois témoins du crime (un passant qui a filmé la scène, un policier afro-américain et un lycéen) sont confrontés à un terrible dilemme : garder le silence pour s'éviter des ennuis ou s'impliquer personnellement pour réparer cette effroyable injustice. Le premier commence en effet par la douce voix de la mère d’Angel sur une musique qui l’est tout autant : « Peu importe où on est, il suffit d’écouter le bruit pour être sur la plage et pour affronter le soleil » dit-elle tandis que dans le second, un jeune homme noir, écoute de la musique dans sa voiture jusqu’à ce qu’il aperçoive la police dans son rétroviseur. Il est alors arrêté et contrôlé. La musique et un semblant d’insouciance se taisent brusquement. La menace est là qui plane. Constamment. En filmant avec une empathie et une bienveillance infinies ses deux jeunes actrices, Jordana Spiro ose croire en des lendemains plus joyeux grâce au pardon et à l’entraide. Reinaldo Marcus Green dresse en revanche un constat beaucoup plus pessimiste : celui d’une communauté abattue, résignée, désarçonnée face à cette violence inique et omniprésente dont elle est victime. Les dénouements des deux films nous procurent pareillement des frissons, Monsters and men pour un geste magnifique et grandiose de révolte silencieuse qui, à lui seul, mérite que le film soit vu. Résonnent encore dans ma tête les voix qui scandent le prénom du jeune homme tué. Et le bruit du flux et du reflux des vagues de Night comes on. Deux « musiques » entêtantes et une colère à entendre absolument.

    DEAD WOMEN WALKING de Hagar Ben-asher

    Synopsis : Neuf histoires courtes décrivent les derniers moments de plusieurs femmes condamnées à la peine capitale. A travers leur parole et leur regard, mais aussi ceux des personnes qu'elles rencontrent quelques heures avant leur exécution, se dessine le destin tragique de chacune d'entre elles ou comment la violence faite aux femmes, la pauvreté, les tensions raciales et l'injustice engendrent des vies brisées.

    Le jury de ce 44ème Festival du Cinéma Américain de Deauville a sans doute été confronté à des choix cornéliens pour élire le Grand Prix de cette édition tant les films en lice marquent les esprits avec pour thématique récurrente des portraits de femmes confrontées, seules le plus souvent, aux vicissitudes de l’existence. C’est aussi le cas dans Dead women walking constitué de neuf histoires courtes qui décrivent les ultimes instants de plusieurs femmes condamnées à la peine capitale. La réalisatrice les cadre au plus près, de leurs visages, de leurs âmes, de leurs émotions, dans un décor glacial, presque immaculé. C’est à leurs regards qu’elle s’intéresse. Elle débusque leur humanité derrière l’atrocité de leurs actes, reconstitue par leurs témoignages le terrible parcours qui les a conduites là, dans l’antichambre de la mort : violence, pauvreté, drogue, tensions raciales… Des vies brisées. Chaque portrait, bouleversant, relate une étape avant l’exécution, ce qui exacerbe la cruauté de ce temps à la fois bref et interminable qui nous rapproche de son effroyable application. Evitant intelligemment l’écueil du manichéisme, elle montre ainsi des gardiens touchés par ces femmes ou d’autres au contraire impitoyables (les appelant par leurs numéros, leur interdisant un ultime geste de réconfort). D’ailleurs le crime qui a provoqué leur condamnation ne nous est révélé à chaque fois qu’à la fin de la séquence. Probablement pour créer une distance, la réalisatrice recourt à une musique parfois emphatique qui nuit au propos suffisamment fort pour se suffire à lui-même. La scène la plus parlante est indubitablement celle lors de laquelle la mère d’une victime et celle d’une condamnée se retrouvent côte-à-côte pour assister à l’exécution, hors champ, et s’excusent ensuite mutuellement de la peine causée à l’autre par leur faute. La démonstration implacable de l’absurdité de cet acte de « justice » qui, pour condamner l’auteur d’un meurtre, en commet un à son tour. Un vibrant plaidoyer contre la peine capitale. Eprouvant et inégal mais nécessaire.

    NANCY de Christina Choe et PUZZLE de Marc Turtletaub

    affiche de nancy de christina choe

    Synopsis de NANCY : Nancy, trente-cinq ans, est intérimaire et vit encore avec sa mère et son chat. Elle rêve de devenir écrivain mais ses manuscrits sont constamment rejetés par les maisons d'édition. Afin d'atténuer sa peine et d'exister aux yeux du monde, Nancy s'invente d'autres vies sur la toile en utilisant des pseudonymes. Un jour, en regardant la télévision, elle tombe par hasard sur l'histoire d'un couple dont leur fille, âgée de cinq ans au moment des faits, est portée disparue depuis trente ans. Réalité et fiction ne font bientôt plus qu'une dans l'esprit de Nancy qui finit par être persuadée que ces étrangers sont ses véritables parents…

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    Synopsis de PUZZLE : Agnès est une mère de famille rangée vivant dans la banlieue de New York, jusqu'au jour où elle se découvre une passion pour les puzzles. Ce nouvel univers fait prendre à sa vie un tournant qu'elle n'aurait jamais imaginé…

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    affiche de puzzle

    Projetés le même jour, Nancy de Christina Choe et Puzzle de Marc Turtletaub proposaient là aussi deux portraits de femmes. Le second a même valu à son réalisateur une standing ovation (méritée) lors de sa première projection à Deauville. Il a également reçu le prix du public de la ville de Deauville. Puzzle, remake d’un film argentin de Natalia Smirnoff, c’est ainsi l’histoire d’Agnès, 40 ans, silhouette d’adolescente et mère de famille vivant dans la banlieue de New York, jusqu'au jour où elle se découvre une passion pour les puzzles. Comme un puzzle, la vie d’Agnès est à reconstruire. Le premier plan la montre dans la pénombre, occupée à passer l’aspirateur. Enfermée dans le cadre et dans son quotidien morose et répétitif. Le dernier en est l’exact contraire. Entre ces deux plans, grâce au puzzle et à la rencontre d’un homme aussi ouvert sur les vicissitudes du monde (et bien que ne quittant pas une grande maison vide !) qu’elle est enfermée dans le sien, Agnès va prendre en douceur le pouvoir sur son existence -parfaits Kelly MacDonald et la star du cinéma indien Irrfan Khan dans ces rôles respectifs- . Et c’est absolument jubilatoire du début à la fin. Plutôt que d’en faire un personnage mièvre qui découvre naïvement la vie, une écriture sensible transforme la vertueuse épouse catholique pratiquante en femme combattive, rebelle et indépendante. Nancy, dans le film éponyme, quant à elle, trente-cinq ans, engluée dans un quotidien aussi sinistre, va se faire passer pour la fille de parents dont l’enfant a disparu trente ans plus tôt. L’une et l’autre, enfermées dans un rôle, vont redevenir elles-mêmes et s’émanciper grâce à des rencontres qui vont élargir leurs horizons mais surtout grâce à elles-mêmes. Ces femmes vont en effet prendre un nouveau départ, au sens propre comme au sens figuré. Les plans de début et de fin des deux films se répondent d’ailleurs. Il n’est pas surprenant de découvrir que Puzzle a été réalisé par le producteur de Little Miss Sunshine car, comme ce film récompensé du Grand Prix à Deauville en 2006, c’est un « feel good movie » intelligent et réjouissant. En plus de montrer des femmes qui n’ont plus tout à fait vingt ans mais encore l’âge de tous les possibles, ces deux films dressent les portraits de personnages féminins qui s’emparent de leurs destins sans l’aide de quiconque, nous enjoignant à faire de même. Mais aussi à savourer l’existence et à « contrôler le chaos » comme Agnès avec ses puzzles. La fin évite en plus brillamment l’écueil des comédies romantiques (je vous laisse découvrir lequel) et nous procure un immense souffle de liberté alors souhaitons à Puzzle le même destin qu’à Little miss sunshine, au box-office…

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    WE THE ANIMALS de Jeremiah Zagar

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    Le jury de la révélation a récompensé ce film « audacieux, poétique et inventif « selon son président Cédric Kahn. Audacieux, poétique, inventif, We the animals l’est indéniablement.

    we the animals

    Synopsis : Manny, Joel et Jonah s'extirpent de l'enfance, devant s'émanciper de l'amour volatile de leurs parents. Alors que Manny et Joel semblent suivre le chemin de leur père et que leur mère rêve d'aller vivre ailleurs, Jonah, le benjamin, préfère s'échapper dans un monde imaginaire qu'il a créé de toute pièce...

    « Nous sommes trois, nous sommes frères, nous sommes des rois » scande le jeune Jonah à travers le regard duquel nous est racontée l’histoire de We the animals. Jonah est le benjamin d’une famille américano-portoricaine composée de trois jeunes frères et de leurs parents. Ils vivent dans une maison perdue au milieu d’une nature chatoyante, au fond de la forêt, à la lisière du monde, dans leur monde, une maison qui pourrait être celle d’une fable. Les trois jeunes frères y ont construit leur royaume, sauvage. Seulement la vie des trois enfants n’a rien d’un conte de fée. Adapté du roman semi-autobiographique de Justin Torres, ce récit initiatique marie et manie les contrastes avec beaucoup de talent. Entre la musique, lyrique, les esquisses que dessine le jeune Jonah. Et la dureté de leur quotidien. Entre les scènes comme celle pleine de tendresse, où le père danse avec ses enfants au rythme entraînant et jovial de la musique. Et celle qui lui succède où le père pour apprendre à son fils à nager le jette brusquement dans l’eau, dans un silence fracassant. Le cinéma c’est la vitalité disait Truffaut. Ici, elle est présente dans chaque plan qui exhale le bouillonnement et le fracas de la vie. La caméra de Jeremiah Zagar se met à hauteur d’enfant et caresse de son œil attendri l’envol de l’innocence, s’attardant souvent sur leurs yeux pour mieux nous signifier que leur regard sur le monde change. La poésie et la douceur avec lesquelles ils sont filmés contrebalancent constamment la rudesse de leur quotidien. Et les dessins, mots et illustrations du jeune Jonah qui parsèment le film sont comme une invitation à l’évasion. C’est d’ailleurs par les mots qu’il s’échappera. We the animals est en effet une ode à la fraternité mais aussi et surtout au pouvoir salvateur de l’écriture qui permet au jeune Jonah d’accéder à la liberté et dans un sublime plan de s’envoler au-dessus de la forêt, de la réalité, et de se réapproprier son destin par le pouvoir magique et inestimable de l’imaginaire.

    LEAVE NO TRACE de DEBRA GRANIK

    leave no trace affiche

    Synopsis : Tom a 15 ans. Elle habite clandestinement avec son père dans la forêt qui borde Portland, Oregon. Limitant au maximum leurs contacts avec le monde moderne, ils forment une famille atypique et fusionnelle. Expulsés soudainement de leur refuge, les deux solitaires se voient offrir un toit, une scolarité et un travail. Alors que son père éprouve des difficultés à s'adapter, Tom découvre avec curiosité cette nouvelle vie. Le temps est-il venu pour elle de choisir entre l’amour filial et ce monde qui l'appelle ?

    Leave No Trace est inspiré d’une histoire vraie. A Portland, une fille et son père ont été découverts alors qu’ils vivaient depuis 4 ans dans la réserve naturelle à la lisière la banlieue de la ville. Cette histoire vraie avait elle-même inspiré le roman de Peter Rock, L’Abandon, qui, fasciné par ce fait divers, a écrit un roman inspiré de celui-ci. Evidemment, ce nouveau long-métrage n’est pas sans rappeler l’univers de Winter’s Bone (également présenté en compétition à Deauville, en 2010, et qui reçut même une nomination aux Oscars pour le scénario), quête (initiatique et d’un père) d’une jeune fille au cœur d’une forêt isolée. On pense aussi bien sûr au Captain Fantastic de Matt Ross, également primé à Deauville, même si à la fantaisie de ce dernier Debra Granik a préféré le réalisme. On y retrouve le même combat entre une vie contemporaine et une vie plus "ancestrale" au contact de la nature. La jeune fille est écartelée entre son amour pour son père (traumatisé par son passé de militaire et incapable de s’adapter à une vie plus citadine) et cette envie d’une vie moins marginale. Le film est baigné d’une splendide lumière et du regard bienveillant que la réalisatrice porte sur ses personnages incarnés par deux comédiens exceptionnels : Ben Foster et une jeune actrice australienne, Thomasin McKenzie. Et là encore, après ce parcours initiatique, le personnage féminin décide courageusement de prendre son destin en main lors d’un dénouement sublime et poignant. Trois magnifiques personnages : un père et sa fille qui, chacun à leur manière, exercent leur liberté de penser et la nature, sublimée, à la fois hostile et protectrice. Une magnifique histoire d’amour entre un père et sa fille.

    THUNDER ROAD de Jim Cummings

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    C’est à ce film atypique que le jury a choisi de décerner le grand prix, « un film insolite et si inventif, écrit, joué, produit et réalisé par un jeune homme à part », « quelle joie et quelle émotion d’assister à la naissance d’un artiste, à l’arrivée d’une comète qui suscite le rire et les pleurs avec une singularité qui nous bluffe, un film qui a le mérite de ne ressembler à aucun autre » a ainsi souligné la présidente du jury, Sandrine Kiberlain.

    thunder road

    Synopsis : L'histoire de Jimmy Arnaud, un policier texan qui essaie tant bien que mal d'élever sa fille. Le portrait tragi-comique d'une figure d'une Amérique vacillante.

    Thunder road est un film très différent des autres longs métrages de la compétition de ce 44ème Festival du Cinéma Américain de Deauville. Très différent en apparence seulement. Comme les autres, il dépeint en effet un personnage englué dans une quotidienneté étouffante. Comme les autres, il appelle à une nécessaire évasion. La comparaison s’arrête là car en effet, Jim Cummings est « une comète » qui a débarqué sur la planète cinéma et risque de ne pas en partir de sitôt tant son talent (de cinéaste, d’auteur et d’acteur) crève l’écran. Tout commence par un sidérant plan-séquence de plus de dix minutes qui était au départ le sujet d’un court-métrage de Jim Cummings qui lui valut une récompense à Sundance en 2016. La caméra passe fugacement sur l’assemblée d’un enterrement avant de s’attarder sur le fils de la défunte vêtu de son uniforme de policier. Il commence alors un long monologue tandis qu’un lent travelling avant nous rapproche doucement comme pour mieux débusquer les fêlures de plus en plus apparentes au fur et à mesure que le discours fantasque se déroule. Et comme tout le reste du film, autant dans son montage que dans les réactions de son personnage, Thunder road nous embarque toujours là où on ne l’attend pas. Ainsi, nous n’entendrons jamais la chanson de Bruce Springsteen qui donne son nom au film (le radio cassette enfantin qui aurait dû le diffuser pendant l’enterrement ne démarrera jamais). Ce discours d’ouverture totalement décalé, entre digressions, larmes, et pas de danse totalement improbables, nous place d’emblée en empathie avec le personnage principal, totalement démuni face à ce deuil. Tenter de danser devant un cercueil, quelle belle et déchirante métaphore de l'existence, non ? Il sera d’ailleurs de tous les plans. Et les réactions à ses fantaisies burlesques sont toujours ou presque hors champ. Il semble tenter en vain et seul contre tous de sortir de ce cadre (de cinéma et de vie) qui l’étouffe, ne lui laisse pas de répit, comme une distorsion de la réalité. Sa vie est en effet devenue un cauchemar. Dans ce cauchemar qui l’emprisonne, la folie n’est pas bien loin, qui guette. Son univers s’est écroulé avec la mort de sa mère et il ne sait plus comment gérer ses émotions dévastatrices que son éducation lui a probablement appris à masquer et qui le submergent. « On fait tous son deuil différemment on est tous uniques, il n'y a pas de bonne façon ou de mauvaise façon», entend-on dans la première partie du film qui est aussi la démonstration de cette impossibilité de faire face quand on est confronté à l’impensable. Thunder road, la chanson de Springsteen invite à découvrir le monde et à quitter la petite ville dont il est question comme un écho à ce « tu veux qu’on s’évade ? » de Jimmy Arnaud à sa fille. Certains spectateurs ou commentateurs y ont vu une farce tragi-comique. J’y ai surtout vu le bouleversant (et certes fantasque) portrait d’un homme désorienté et, au-delà, d’une Amérique déboussolée de laquelle une évasion semble possible, ou en tout cas un lendemain plus joyeux comme nous le dit cet ultime scène et ce regard final dans lequel passe une multitude d’émotions, nous étreignant nous aussi d’émotions. En plus de toutes les casquettes évoquées par Sandrine Kiberlain, Jim Cummings est aussi le musicien de son film…le tout pour un budget de 180000 euros. N’attendez pas pour découvrir ce film singulier (encore à l’affiche). Je vous le garantis, vous serez à votre tour charmé par ce personnage aussi excessif que fragile, dérouté que déroutant, interprété par un artiste plein d’énergie et de fantaisie dont, sans aucun doute, ce film signe la prometteuse éclosion.

    PRIX D’ORNANO-VALENTI : LES CHATOUILLES d’ Andrea Bescond et Antoine Metailler

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    Le prix d’Ornano-Valenti, chaque année, promet de belles découvertes et c’est une projection que je ne manque jamais tant ce prix est toujours gage de talent. Créé en 1991 par les compagnies membres de la Motion Picture Association (MPA) – association regroupant six studios de production et de distribution de films américains –, le Prix Michel d’Ornano – dédié à la mémoire de l’ancien ministre, maire de Deauville et cofondateur du Festival du Cinéma Américain – récompense un premier film français, dans le but d’aider à sa reconnaissance, sa promotion et son exportation. En 2015, le Prix est rebaptisé Prix d’Ornano-Valenti en hommage conjoint à Jack Valenti, initiateur du Prix, et à l’amitié qui unit en son temps les deux hommes et leurs familles, tous très attachés au Festival du Cinéma Américain de Deauville. Parmi les lauréats : Stéphane Brizé, Thomas Bidegain et Guillaume Gallienne…!

    affiche les chatouilles

    Synopsis : Odette a huit ans, elle aime danser et dessiner. Pourquoi se méfierait-elle d’un ami de ses parents qui lui propose de « jouer aux chatouilles » ? Adulte, Odette danse sa colère, libère sa parole et embrasse la vie…

    Ce film, à l’image de son titre qui illustre normalement un jeu enfantin, « joue » constamment avec le dispositif cinématographique recourant au théâtre et à la danse pour exprimer l’indicible. Les Chatouilles est l’adaptation cinématographique du spectacle de théâtre et de danse imaginé par la chorégraphe et comédienne Andréa Bescond avec le metteur en scène Eric Métayer, d’après sa propre histoire. Celle d’une petite fille de huit ans qui joue dans sa chambre, insouciante et tranquille, quand un ami de la famille, celui que tout le monde trouve si affable, lui demande si elle veut « des chatouilles ». Ainsi nomme-t-il ce qui sera le début de viols répétés et réguliers. Malgré la poésie et l’humour qui jalonnent ce film, le spectateur devient un témoin révolté et silencieux espérant qu’un jour un adulte découvrira l’horrible vérité. Mais la petite fille devra attendre d’être devenue une adulte pour que la vérité soit révélée, lorsqu’elle parviendra enfin à parler grâce à une psy avec laquelle elle rembobine le fil de sa vie, et de cette tragédie qui l’a brisée, de ce traumatisme enfoui, qu’elle tentera d’abord de noyer dans la drogue, l’alcool et les rencontres d’un soir. De belles idées de mise en scène permettent d’insuffler de la fantaisie dans la noirceur, le récit n’en est pas moins fort et bouleversant. Au contraire. Quand les mots rendent impossible l’expression de l’horreur, de l’impensable, reste la danse (dont elle fera son métier), salutaire, qui permet d’exprimer la détresse et la rage contenues, les soubresauts de ce corps meurtri. Autour d’elle, outre le violeur (incarné par Deladonchamps tétanisant avec sa fausse bonhomie), le père aimant et bienveillant (Clovis Cornillac), le seul qui demandera pardon, la mère cassante et glaçante ( incarnée par Karin Viard, toujours aussi remarquable, sur les épaules de laquelle on imagine aussi peser un lourd passé) qui, même une fois la vérité révélée, au lieu de se révolter contre l’agresseur et d’entourer sa fille d’amour préfèrera lui reprocher, obsédée par ce que « diront les gens », l’ami (Gringe), et l’amoureux Lenny (remarquable Grégory Montel). Ce film est aussi lumineux et solaire que la réalité de l’héroïne est sombre et brutale. La fin est bouleversante parce qu’elle montre que la lumière peut se trouver au bout du tunnel. Si cela a autant bouleversé les festivaliers qui ont réservé une retentissante standing ovation à l’équipe, c’est sans doute aussi parce que cette possibilité d’une résilience touche les victimes de toutes sortes de blessures intimes et de traumatismes.

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    A noter : sur me même thème en compétition était projeté THE TALE de Jennifer Fox, un film là aussi très personnel sur un traumatisme subi par la réalisatrice pendant son adolescence. Jennifer Fox, elle-même documentariste comme son héroïne, réalise son premier long métrage en s’inspirant de sa propre histoire. Son personnage se nomme ainsi Jenny Fox. The Tale évoque là aussi les effets d’un viol, 35 ans après (tellement violent qu’il lui faudra toutes ces années pour comprendre que sa mémoire l’a transformé en conte pour édulcorer la terrible réalité).

    LES PREMIERES

    LE SECRET DES KENNEDY de John Curran (film d’ouverture) et hommage à Jason Clarke

    Le secret des kennedy

    C’est Le secret des Kennedy de Jason Clarke qui a ouvert le festival et le bal des premières.

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    Synopsis officiel : Le 18 juillet 1969, la jeune Mary Jo Kopechne, directrice de campagne du sénateur Ted Kennedy, meurt noyée après que ce dernier eut perdu le contrôle de sa voiture en tentant de traverser le tristement célèbre pont Dike, sur l’île de Chappaquiddick dans l’État du Massachusetts. Cet événement a non seulement coûté la vie à une future stratège politique proche des Kennedy, mais il a intrinsèquement changé le cours de l'histoire présidentielle, en mettant au grand jour les rouages intimes du pouvoir politique, l'influence de la plus célèbre famille des États-Unis, ainsi que la fragilité de Ted Kennedy, le fils cadet accusé d'avoir laissé mourir Mary Jo Kopechne, dans l'ombre de son héritage familial.

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    Chappaquiddick : derrière ce nom qui semble tout droit sorti d’une fable se cache un lieu qui lui-même dissimule une histoire tragique. 1969. Ted Kennedy est le dernier survivant, le dernier des célèbres frères Kennedy. Ce film, à la réalisation et au scénario malheureusement trop classiques, nous fait pourtant découvrir une histoire passionnante et qui l’est a fortiori à son dénouement. Comment Ted Kennedy va-t-il vivre avec son terrible secret, cette mort sur la conscience ? Il aurait été très intéressant de se pencher sur cette question. « Je ne serai jamais président », dit-il lorsqu’il revient au milieu de ses amis après l’accident. Cette phrase seule illustre le personnage prêt à tout par ambition, guidée avant tout par la volonté d’être estimé par son père, une volojnté qui balaie tout sur son passage, y compris sa propre personnalité et ses propres désirs. Seul cet objectif et sa lâcheté semblent déterminer sa conduite. Conditionné pour devenir président, pour remplacer les frères tous tragiquement disparus, il est le dernier espoir de son père, patriarche irascible en fauteuil roulant qui ne s’exprime plus que douloureusement en regards et formules foudroyants. Pour les conseillers convoqués par le père, la mort de la jeune femme est une simple crise de plus. Armstrong s’apprête à marcher sur la Lune et tout le monde espère que ce pas historique détournera l’attention de ce drame qui implique Ted. Jason Clarke, est impeccable dans le rôle de ce personnage dominé par la lâcheté qu’on peine à trouver sympathique. Il a été honoré par le festival d’un Deauville Talent Award.

    Critique de EVEREST de Baltasar Kormakur

    Dans le cadre du festival et de la rétrospective consacrée à Jason Clarke a également été projeté Everest de Baltasar Kormakur. Comme s’en enorgueillit son affiche, le film projeté en 3 D en ouverture du Festival du Cinéma Américain de Deauville 2015 a été écrit « d’après une histoire vraie », voilà qui récuse d’emblée toute accusation éventuelle d’invraisemblance. Le film de Baltasar Kormákur est en effet une adaptation du livre autobiographique Tragédie à l’Everest écrit par l’écrivain, journaliste et alpiniste Jon Krakauer. Le livre raconte, comment, en 1996, huit alpinistes réputés ont péri dans une redoutable tempête alors qu’ils effectuaient l’ascension de l’Everest. Krakauer avait ainsi été envoyé par le magazine Outside' pour participer à cette expédition. Inspiré d’une désastreuse tentative d’ascension de la plus haute montagne du monde, Everest suit deux expéditions distinctes confrontées aux plus violentes tempêtes de neige que l’homme ait connues. Luttant contre l’extrême sévérité des éléments, le courage des grimpeurs est mis à l’épreuve par des obstacles toujours plus difficiles à surmonter alors que leur rêve de toute une vie se transforme en un combat acharné pour leur salut. Si l’effet est indéniablement réussi au point de nous faire éprouver le vertige et une véritable sensation de peur et la conscience de notre petitesse face à la force redoutable, irréfragable, destructrice des éléments, si le film est incontestablement spectaculaire, il souffre en revanche d’un scénario conventionnel et convenu et/ou d’un montage qui sacrifie les personnages les plus intéressants et qui, surtout, en oublie certains en cours de route à commencer par Krakauer lui-même qui pose la question la plus intéressante aux alpinistes (pourquoi faites-vous cela?) à laquelle le film, ne voulant pas heurter la sensibilité des familles des victimes et des survivants, ne répond jamais vraiment. C’est pourtant l’aspect le plus intéressant du film: pourquoi ces hommes et ces femmes ont-ils besoin d’affronter et même de défier la mort? Eprouver leurs limites? Se sentir vivants? Il passe aussi à côté d’une réflexion sur l’exploitation de la nature par l’homme que laissait d’ailleurs présager ce choix symptomatique de la 3D (tout comme les alpinistes veulent éprouver toujours plus de sensation, le spectateur devient un consommateur à qui il en faut toujours plus pour ressentir des émotions que les mots et les images devraient suffire à susciter). Un bon divertissement qui passe néanmoins à côté de la passionnante réflexion à laquelle il aurait pu donner lieu, en raison d’une volonté délibérée d’absence de point de vue. Mais si vous voulez faire un voyage éprouvant et vertigineux sur le plus haut sommet du monde alors ce voyage est fait pour vous…

    LES FRERES SISTERS de Jacques Audiard – 4 septembre

    Le film le plus attendu, l’évènement de ce Festival du Cinéma Américain de Deauville 2018, était indéniablement Les Frères Sisters de Jacques Audiard.

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    Jacques Audiard, Joaquin Phoenix, John C.Reilly, Alexandre Desplat et Thomas Bidegain ont en effet reçu pour ce film le Prix du 44ème Festival du Cinéma Américain de Deauville, un prix décerné à ce film « pour les qualités de sa mise en scène, pour la force de l’interprétation de quatre acteurs majeurs du cinéma américain contemporain - John C. Reilly, Joaquin Phoenix, Jake Gyllenhaal, et Riz Ahmed - pour saluer les producteurs, grâce à qui un projet si noble a pu naître. Pour, enfin, célébrer une œuvre qui porte l’espoir d’un monde meilleur, d’une résipiscence possible. Pour toutes ces raisons, il nous a paru naturel qu’un tel travail soit récompensé d’une manière inhabituelle, originale et exceptionnelle » a déclaré Bruno Barde, le Directeur du Festival. Les Frères Sisters est le premier film tourné intégralement en langue anglaise (et avec des acteurs majoritairement américains) de Jacques Audiard. Ce sont John C. Reilly et Alison Dickey ( productrice et épouse du comédien) qui ont demandé au réalisateur de lire le roman de Patrick deWitt dont ils détenaient les droits.

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    Synopsis : Les Sisters, ce sont Charlie et Elie. Deux frères qui évoluent dans un monde sauvage et hostile, ils ont du sang sur les mains : celui de criminels, celui d'innocents... Ils n'éprouvent aucun état d'âme à tuer. C'est leur métier. Charlie, le cadet ( Joaquin Phoenix), est né pour ça. Elie (John C.Reilly), lui, ne rêve que d'une vie normale. Ils sont engagés par le Commodore pour rechercher et tuer un homme. De l'Oregon à la Californie, une traque implacable commence, un parcours initiatique qui va éprouver ce lien fou qui les unit. Un chemin vers leur humanité ?

    Après sa palme d'or à Cannes en 2015 pour Dheepan, le cinéaste français n’a pourtant pas «choisi » la Croisette pour présenter son nouveau film. Lui qui a déjà exploré différents genres avec talent s’attaque cette fois à un style de film auquel il ne s’était pas encore attelé: le western. Un western qui, fort probablement, aurait figuré au palmarès cannois s’il avait été en lice. Lors de la conférence de presse du film dans le cadre du festival, Jacques Audiard a expliqué qu’il n’avait pas forcément le fantasme du western mais qu’il avait surtout envie de travailler avec des acteurs américains car « ils ont constitué un savoir du jeu cinématographique et ils ont une très grande conscience d'eux-mêmes quand ils jouent » a-t-il précisé. Ce film l’a également intéressé en raison de son « thème de la fraternité » et « l’héritage de la sauvagerie » qu’il dépeint.

    Les ingrédients du western sont pourtant là, en apparence du moins : les grandes étendues, les chevauchées fantastiques, le Far West, les personnages aux physiques patibulaires, la violence fulgurante, la menace latente. Et pourtant Les frères Sisters, à l’image de ce titre, est un film constitué de contrastes et de dualités qui détournent les codes du western. « La nuit du chasseur a été une vraie référence pour ce film» a ainsi expliqué Thomas Bidegain lors de la conférence de presse. Alors, en effet, certes il y a ici les grandes étendues et le Far West mais le film a été tourné en Espagne et en Roumanie et l’atmosphère ne ressemble ainsi à celle d’aucun autre western. Certes, il y a là les personnages aux physiques patibulaires mais ici pas de héros qui chevauchent fièrement leurs montures mais des méchants qui vont évoluer après ce parcours initiatique parsemé de violence. Alors, certes la violence justement est là, parfois suffocante, mais elle laissera finalement place à une douceur et une paix inattendues.

    Les premières images nous éblouissent d’emblée par leur beauté macabre: des coups de feu et des flammes qui luisent dans la nuit. Des granges brûlées. Des innocents et criminels tués froidement et impitoyablement. L’œuvre de deux tueurs à gages. Les frères Sisters.

    Loin des héros ou antihéros mutiques des westerns, les deux frères Sisters (les si bien et malicieusement nommés) débattent de leurs rêves et de leurs états d’âme, comme deux grands enfants. «Ce sang, c'est grâce à lui qu'on est bons dans ce qu'on fait » selon l’un des deux frères. Ce sang, c’est celui de leur père, violent et alcoolique. Leur vie n’a jamais été constituée que de violence. Ce duo improbable est constitué d’un tireur fou, le cadet, et de l’aîné, plus sage, plus raisonnable, plus émotif et même sentimental, ce qui donne parfois lieu à des scènes humoristiques tant le contraste est saisissant entre les tueurs sanglants qu’ils sont aussi et l’émotion qui étreint parfois le cadet, qui par exemple pleure lorsqu'il perd son cheval.

    A ce duo improbable s’oppose un autre duo (que je vous laisse découvrir car il fait prendre une autre tournure à l’histoire qui ne cesse d’ailleurs de nous emmener là où on ne l’attend pas, là où le western ne nous a pas habitués à aller) notamment constitué d’ un prospecteur qui détient une mystérieuse formule chimique qui permet de trouver de l’or. Incarné par Riz Ahmed, cet homme rêve d’utopies socialistes, une société de justice dans lequel l’homme serait libre, vraiment libre. Audiard détourne aussi les codes du western en ce que son film présente plusieurs degrés de lecture. La violence héritée de leur père que manifestent les deux frères, c’est aussi celle de cette Amérique héritée des pères fondateurs. Pour trouver de l’or et donc s’enrichir, les compères vont polluer la rivière sans souci des conséquences sur l’environnement et sur leur propre vie. Des drames vont pourtant découler de cet acte métaphorique d’un capitalisme carnassier et impitoyable.

    Mais les frères Sisters est aussi un conte à la fois cruel et doux. Lr dénouement est ainsi aussi paisible que le début du film était brutal. Comme la plupart des films de cette sélection, il s’achève sur une note d’espoir. L’espoir d’une Amérique qui ouvre enfin les yeux, se montre apaisée et fraternelle. Si les frères Sisters, ces tueurs à gages sans états d’âme ont changé, qui ne le pourrait pas ? Tout est possible…Ajoutez à cela la photographie sublime de Benoît Debie, la musique d’Alexandre Desplat et vous obtiendrez un western à la fois sombre et flamboyant. Et d’une originalité incontestable.

    GALVESTON de Mélanie Laurent

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    Synopsis : 1988. Les temps sont durs pour Roy, petit gangster de la Nouvelle-Orléans. La maladie le ronge. Son boss lui tend un guet-apens auquel il échappe de justesse. Une seule issue : la fuite, en compagnie de Rocky, une jeune prostituée. Deux êtres que la vie n’a pas épargné. En cavale vers la ville de Galveston, ils n’ont plus rien à perdre…

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    Quatre cinéastes français avaient cette année leurs films (américains) projetés à Deauville parmi lesquels la talentueuse Mélanie Laurent. Mélanie Laurent fait partie de ceux que certains aiment détester parce qu’elle a « le malheur » d’être une jeune femme polyvalente, déterminée et talentueuse dans chacun des domaines auxquels elle s’attèle : elle chante, joue, réalise. Une artiste à part entière guidée par le désir de créer. Avec Respire, elle signait un film à la fois intemporel (Mélanie Laurent ne situe d’ailleurs pas vraiment l’intrigue dans une époque précise) et dans l’air du temps (mais qui ne cherche pas à l’être) qui peut-être en aidera certain(e)s à fuir et ne pas se laisser enfermer par ces « ami(e)s » toxiques qui, avancent masqué(e)s, séduisent tout le monde avec une habileté et une ingénuité fourbes, pour mieux exclure la proie choisie, se l’accaparer, puis la détruire. Un film dont la brillante construction met en lumière la noirceur et la détermination destructrices de ces êtres, nous plongeant avec la victime dans cet abyme mental en apparence inextricable. Un film d’une remarquable maîtrise et justesse, au parfum pernicieusement envoûtant, prenant, parfaitement maîtrisé du premier au dernier plan qui est d’une logique aussi violente qu’implacable. Le dénouement apparaît en effet finalement comme la seule respiration et la seule issue possibles. Un film qui m’a laissée à bout de souffle, longtemps après le générique de fin et dont les personnages continuaient à m’accompagner bien après celui-ci. Si je vous parle de Respire aujourd’hui, c’est d’une part pour vous inciter à voir ce film remarquable et d’autre part parce que ce fut avec Galveston comme avec Respire. Les personnages m’ont en effet accompagnée bien après le générique de fin. Mélanie Laurent est une directrice d’acteurs de grand talent. Avec ce premier film américain de sa carrière de réalisatrice, une adaptation du roman de Nick Pizzolatto (créateur de la série True detective), elle tire le meilleur de ses interprètes principaux Elle Fanning et Ben Foster. L’histoire se déroule en 1987, à la Nouvelle-Orléans. Ce film qui sortira le 10 octobre prochain en France, est un thriller sombre et ensorcelant. Les lieux, amoureusement filmés, évoquent la mythologie américaine et constituent un personnage à part entière, notamment cette Nouvelle Orléans écrasée de chaleur. Elle regarde ses personnages, ces deux âmes blessées, avec tant de bienveillance que la fin, aussi d’une effroyable cruauté, n’en est que plus bouleversante.

    ET EN BREF :

    LINE OF FIRE de Joseph Kosinski

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    Synopsis : Tous les hommes naissent égaux… Puis, quelques-uns deviennent pompiers. Inspiré de faits réels, voici l'histoire héroïque des pompiers de l'unité locale Granite Mountain Hotshots basée en Arizona. Une fraternité véritable développée entre eux, mais aussi l'espoir, la détermination, le sacrifice et la volonté de protéger les habitants de la région et leur pays leur ont permis de devenir une équipe d'élite dans la lutte contre les incendies aux États-Unis.

    Au-delà de son impressionnant casting (Josh Brolin, Miles Teller, Jeff Bridges, Jennifer Connelly, Andie McDowell ou encore Taylor Kitsch) ce film sorti en e-cinema vaut avant tout par le vibrant hommage qu’il rend aux soldats du feu qu’il met en scène et dont il raconte la poignante et tragique destinée. Une de ces histoires vraies qu’affectionne le cinéma américain qui sait si bien honorer ses héros et nous en émouvoir. Difficile de ne pas l’être même si la réalisation n’a rien d’exceptionnel, l’histoire et le drame qu’elle relate, incontestablement, le sont et nous cueillent par le brusque dénouement.

    A LA DERIVE de Baltasar Kormákur

    A la dérive

    Synopsis : Tami Oldham et Richard Sharp décident de convoyer un bateau à travers le Pacifique et se retrouvent pris au piège dans un terrible ouragan. Après le passage dévastateur de la tempête, Tami se réveille et découvre leur bateau complètement détruit et Richard gravement blessé. À la dérive, sans espoir d’être secouru, Tami ne pourra compter que sur elle-même pour survivre et sauver celui qu’elle aime.

    Projeté après la remise du prix du Nouvel Hollywood à Shailene Woodley qui incarne l’héroïne, et même si ce film n’a rien de commun avec le chef-d’œuvre du genre (All is lost de J.C Chandor, voir ma critique ici), les scènes en mer et en pleine tempête n’en sont pas moins réussies et surtout plus intéressantes que celles de la romance, plus convenue et à la frontière de la mièvrerie. Le twist final apporte un éclairage intéressant à l’ensemble de ce bon divertissement à condition de ne pas l’avoir vu venir…

    HERE AND NOW de Fabien Constant

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    C’était aussi un des évènements de cette édition : la venue de Sarah Jessica Parker et la remise à celle-ci d’un Deauville Talent awards. A cette occasion était projeté le film réalisé par le français Fabien Constant. En plus de jouer le rôle principal, l’actrice le produit également. Elle incarne ici, Vivienne, une chanteuse new-yorkaise, qui ne vit que pour son art et n'aime dépendre de personne. Les résultats d'un examen médical qui la condamnent vont remettre en question le fondement de son être. On pense évidemment au chef-d’œuvre de Varda, Cléo de 5 à 7. Ici le verdict a déjà été énoncé mais l’annonce de l’imminence de l’inéluctable donne là aussi plus de saveur et de gravité à chaque instant et chaque rencontre qui suspendent le vol du temps. Fabien Constant a bénéficié d’un infime budget et de 16 jours de tournage à peine. Le film est sorti en DVD en France le 22 août dernier. Cette errance poétique et mélancolique dans New York dans laquelle l’actrice (qui jamais ne quitte ses talons vertigineux) est de chaque plan nous donne envie d’étreindre furieusement le présent, et d'en étirer chaque seconde. N’est-ce pas là l’un des plus beaux pouvoirs du cinéma ?

    OPERATION FINALE de Chris Weitz (film de clôture)

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    Synopsis : Quinze ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, les agences de renseignement et de sécurité intérieure israéliennes, le Mossad et le Shin Bet, dirigées par le courageux et déterminé agent Peter Malkin, échafaudent une mission secrète afin de capturer le tristement célèbre Adolph Eichmann. Déclaré mort lors du chaos qui a suivi la chute de l'Allemagne nazie, il vit et travaille désormais sous une nouvelle identité dans la banlieue de Buenos Aires en Argentine avec sa femme et ses deux fils…

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    C’est Ben Kingsley à qui incombe la douloureuse responsabilité d’incarner Adolf Eichmann. Si à l’image du film d’ouverture, le sujet de ce film de clôture est passionnant, ce qui aurait pu être un thriller historique palpitant ne parvient jamais à nous captiver entièrement malgré son excellent casting. Le rappel des atrocités commises par le régime nazi et en particulier celles dont Eichmann fut responsable justifie pourtant à lui seul la nécessité d’un tel film, d’autant plus ces derniers temps où les ignominies du passé s’évanouissent dans les méandres du temps ou, au contraire, inspirent de sinistres individus. Ce film sera disponible sur Netflix le mercredi 3 octobre 2018.

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    OPHELIA de Claire Mccarthy

    En bref, je termine avec Ophelia de Claire Mccarthy, un film à l’image de cette sélection de cette 44ème édition : réalisé par une femme et consacré au destin d’une femme forte et courageuse ici incarnée par Daisy Ridley.

    Synopsis : Ophelia devient la dame d'honneur de confiance de la reine Gertrude. À la fois belle et intelligente, elle attire rapidement l'attention du jeune prince Hamlet et un amour réciproque prend racine malgré les interdits de la cour. Alors qu'une guerre se prépare, les alliances se font et se défont au sein du royaume et les trahisons guettent au château d'Elsinore. Ophelia doit également faire des choix : préserver son grand amour ou protéger sa vie afin que son lourd secret ne soit dévoilé…

    Cette romance historique a pour premier mérite de vulgariser Shakespeare et, je l’espère, de donner une irrésistible envie de le (re)lire tant elle démontre à quel point ses personnages, leurs forces et faiblesses, sont intemporels. Les décors grandioses, la dimension tragique et épique de l’histoire emporteront les plus sceptiques dans cette épopée palpitante qui mêle influences de contes et œuvre shakespearienne.

    HOMMAGE A MORGAN FREEMAN

    Un mot à transmettre à Donald Trump ? La réaction de l’acteur.

    Ce que fait Morgan Freeman lorsqu'il ne tourne pas.

    Les réalisateurs français selon Morgan Freeman.

    Morgan Freeman évoque son amour de la France.

    Les films préférés de Morgan Freeman.

    Ce qu'a ressenti Morgan Freeman en allant sur les plages du débarquement et au cimetière militaire.

    Les films dont Morgan Freeman est le plus fier.

    Un Deauville Talent Awards a également été attribué à Kate Beckinsale.

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    DEDICACE

    Quelques photos souvenirs de ma rencontre dédicace autour de mon premier roman L’amor dans l’âme et de mon recueil de 16 nouvelles sur les festivals de cinéma (qui comprend deux nouvelles qui se déroulent dans le cadre du Festival du Cinéma Américain de Deauville), Les illusions parallèles. Pour en savoir plus : la page de L’amor dans l’âme et celle du recueil Les illusions parallèles sur le site de mon éditeur Les Editions du 38. Un grand merci à Caroline de la librairie Jusqu’aux lueurs de l’aube pour avoir proposé cette dédicace et pour son chaleureux accueil (si vous ne connaissez pas sa librairie, je vous invite vraiment à la découvrir, vous y trouverez toujours de bons conseils de lectures). Merci aussi à ceux qui sont venus, amis ou inconnus, et un merci particulier à Camille et à Julie. Merci aussi à Julien Sartkis (auteur des splendides Parasols de Deauville qui ont notamment orné le CID, cf photo ci-dessous) et Véronique Maurey (ne manquez pas son exposition Le livre à deux places à Pont-l'Evêque, vous pouvez encore la découvrir jusqu'au 29 septembre, infos ici) pour leur présence. Et merci au photographe Dominique Saint pour le reportage photos (vous en trouverez d'autres de cette série sur mon compte instagram @sandra_meziere). Les livres sont bien sûr toujours disponibles à la librairie au 88 rue Eugène Colas à Deauville.

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    avis critique Les illusions parallèles de Sandra Mézière Editions du 38

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    REMERCIEMENTS

    Merci à Radio Sensations pour cette interview au Yacht club de Deauville.

    Merci à Bleu Normandie pour l’interview en direct du Normandy.

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    Merci au CID et en particulier à Marie-Anne pour les invitations et pass pour les gagnants (et pour la bonne humeur).

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    Merci au photographe Dominique Saint -en photo avec moi ci-dessous- pour les photos sur le tapis rouge et le reportage photos lors de la dédicace (je vous recommande également de suivre Dominique sur instagram @dominique.saint, il est aussi l'auteur des photos sur les quatrièmes de couverture de mes livres.)

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    Merci à  Alice Garmond et au groupe Barrière pour l'invitation au dîner de clôture. (Retrouvez, ici, mon article de l'an passé consacré au Royal Barrière).

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    Merci à ma « cantine » et à sa joyeuse équipe. Mon article complet sur ce restaurant de Deauville (La Cantine de Deauville) à lire ici.

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    …et merci à Deauville d’avoir changé ma vie (article ci-dessous publié par Paris Normandie avant le festival, merci au passage à ceux qui ont suivi mes articles quotidiens dans ce journal pendant le festival).

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    PALMARES

    Le Jury de la 44e édition du Festival du Cinéma Américain de Deauville, présidé par Sandrine Kiberlain, entourée de Sabine Azéma, Alex Beaupain, Leïla Bekhti, Stéphane Brizé, Sara Giraudeau, Xavier Legrand, Pierre Salvadori et Leïla Slimani a décerné les prix suivants :

    Grand Prix

    THUNDER ROAD de Jim Cummings

    Deux PRIX DU JURY ont été attribués

    Prix du Jury

    AMERICAN ANIMALS de Bart Layton

    Prix du Jury

    NIGHT COMES ON deJordana Spiro

    Le Jury de la Révélation de la 44e édition du Festival du Cinéma Américain de Deauville, présidé par Cédric Kahn, entouré de Hubert Charuel, François Civil, Karim Leklou et Kate Moran a décerné son Prix Fondation Louis Roederer de la Révélation :

    WE THE ANIMALS de Jeremiah Zagar

    Le Jury de la Critique, composé de 5 journalistes, a décerné le prix suivant :

    Prix de la Critique

    BLINDSPOTTING de Carlos López Estrada

    Le Prix du Public de la ville de Deauville a été remis au film suivant :

    Prix du Public de la Ville de Deauville

    PUZZLE de Marc Turtletaub

    Prix Littéraire Lucien Barrière

    John Grisham pour son roman Le Cas Fitzgerald

    Prix d’Ornano-Valenti

    LES CHATOUILLES de/by Andréa Bescond & Eric Métayer

    Le 45ème Festival du Cinéma Américain de Deauville aura lieu du 6 au 15 septembre 2019. L'édition 2018 a attiré plus de 60000 spectateurs.

    Les photos ci-dessous sont extraites de mon compte instagram @Sandra_Meziere (vous en trouverez de nombreuses autres sur le festival sur celui-ci ) comme toutes celles de cet article à l'exception de celles sur lesquelles je figure prises par le photographe Dominique Saint.

    44ème Festival du Cinéma Américain de Deauville 34 44ème Festival du Cinéma Américain de Deauville 70 44ème Festival du Cinéma Américain de Deauville 2018 14 44ème Festival du Cinéma Américain de Deauville 3 IMG_0317 IMG_0175 Ci-dessus, photo de la boutique Lollipop's Deauville magnifiquement décorée aux couleurs du festival par la charmante Sandrine que vous pouvez suivre sur ses réseaux sociaux notamment sur son excellent compte instagram @mybagmyshoesanddeauville. Allez-y de ma part ! IMG_0168 IMG_0003 IMG_9997 IMG_9539 IMG_9383 IMG_9473 IMG_9429 Prochain festival, en attendant le Festival du Cinéma Américain de Deauville 2019, le Dinard British Film Festival en direct duquel je vous donne rendez-vous dès ce jeudi !

  • Festival du Cinéma Américain de Deauville 2017 : compte rendu complet

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    Un moment unique pour tous les amoureux de cinéma. Telle est la judicieuse devise du Festival du Cinéma Américain de Deauville qui figure chaque année sur son affiche. La sublime affiche 2017 rendait ainsi magnifiquement hommage à un des succès cinématographiques de cette année, « La La Land », et à son réalisateur Damien Chazelle qui prit son envol et fut couronné à Deauville en 2014 avec « Whiplash », une affiche  qui cette année nous invitait à la danse, à l’évasion, à faire valser les mouettes et les étoiles, qui invitait le 7ème art à être un pont entre deux pays séparés par l’Atlantique. Séparés aussi par des différences dont les films projetés dans le cadre de la compétition du festival savent, chaque année, si bien éclairer les ombres et les nuances. Le succès de « La La Land » s’explique pour moi par  la nostalgie d’une époque insouciante, l’utopie de revivre une période révolue où les spectateurs allaient au cinéma pour voir des "vedettes" synonymes de glamour interprétant des personnages sans aspérités (dont les noms sur l’affiche suffisaient à inciter les spectateurs à découvrir le film en salles), évoluant dans un monde enchanté et enchanteur à la Demy (sans les nuances de ses personnages), sans doute le besoin de légèreté (dans les deux sens du terme), sans doute la rencontre entre une époque troublée, sombre, cynique, et un mélo coloré, léger, lumineux. Comme un feu d'artifice qui nous éblouirait et, un temps, occulterait la réalité. C’est aussi ce qu’est un festival de cinéma. Ce qu’est CE festival de cinéma. Même si les films projetés nous ramenaient bien souvent à une âpre réalité, le festival, lui, est toujours une savoureuse bulle d’irréalité. Quoi de mieux que de voir ses journées rythmées par des séances de cinéma, a fortiori dans un cadre idyllique comme l’est Deauville ?

     

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    Un moment unique, ce festival l’a pour moi toujours été depuis mon véritable coup de foudre pour celui-ci, pour la ville qui l’accueille, il y a 25 ans de cela. Un coup de foudre pour Deauville et son Festival du Cinéma Américain qui a changé le cours de mon existence. Cette année n’a pas dérogé à la règle. Bien au contraire : cette édition a été particulièrement singulière pour moi. Chaque année, le plaisir est même décuplé de retrouver : la somptueuse et vertigineuse salle du CID au son incomparable (je vous mets au défi de ne pas sursauter lorsqu'y est projeté un thriller ou de ne pas être ému aux larmes en y entendant une musique mélodramatique dont la force est ainsi transcendée), la mélancolie des planches qui toujours me met paradoxalement en joie, cette sensation exquise de voir cinéma et réalité se confondre. Même 25 ans après, c’est toujours cette même réminiscence joyeuse de mon premier festival de cinéma à Deauville.

     

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    Cette édition 2017 avait aussi une saveur toute particulière pour moi puisque j’ai eu le plaisir d’y dédicacer mon premier roman « L’amor dans l’âme » (dont un chapitre se déroule d’ailleurs dans le cadre du Festival du Cinéma Américain de Deauville) et mon recueil de 16 nouvelles sur les festivals de cinéma « Les illusions parallèles » (dont deux nouvelles se déroulent d’ailleurs dans le cadre du festival en question), une dédicace qui a eu lieu à l’hôtel Barrière Le Normandy, là où furent tourner de mémorables scènes du chef-d’œuvre de Claude Lelouch « Un homme et une femme », un lieu et un film dont je parle d’ailleurs aussi dans les livres en question. La mise en abyme était donc parfaite. Etrange, déroutante, réjouissante aussi. L’occasion de belles rencontres (au premier rang desquelles Caroline la libraire de l’incontournable librairie deauvillaise Jusqu’aux lueurs de l’aube que je remercie à nouveau pour son soutien, vous pouvez d’ailleurs toujours y trouver les livres en question). L’occasion de joyeuses retrouvailles et surprises aussi.

    Retrouvez le bilan en images de cette séance de dédicaces en cliquant ici.

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    En préambule de ce compte rendu, je tiens donc à adresser quelques remerciements : aux équipes du CID en particulier Marie-Anne Blossier, Anne-Sophie Vivier et Jacques Belin pour l’accueil chaleureux et si professionnel, aux équipes de l’hôtel Barrière Le Royal au premier rang desquelles son directeur M.Casabo pour l’accueil princier, à la ville de Deauville pour l’écho donné à la dédicace, au groupe Barrière pour l’organisation, et aux médias qui ont donné une belle visibilité à la dédicace : France 3, le Pays d’Auge, Ouest-France, Paris Normandie, Passion Normandie, Radio Cristal, France Bleu Normandie. Je remercie aussi tous ceux qui se sont déplacés (parfois de loin) pour ce moment singulier et dont la présence m’a particulièrement touchée. Je n’oublierai pas non plus le restaurant La Cantine de Deauville -suivez leur page Facebook, ici, et retrouvez mon article au sujet du restaurant, là -, définitivement mon restaurant préféré (accueil et qualité irréprochables et rares) qui, cette année encore, a servi de camp de base et de décor à des débats enflammés et des dégustations toujours exquises et inventives.

     

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    ©Dominique Saint ( Un grand merci au talentueux photographe Dominique Saint pour cette séance photos. Suivez également Dominique sur Instagram @dominique.saint).

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    Au programme  du festival cette année, 60 films dont  14 films en compétition, 15 films en avant-première et  7 Docs de l'Oncle Sam mais aussi le prix d’Ornano-Valenti (qui récompense un scénario de film français), un prix littéraire, des séries, des conférences de presse… La diversité fait le sel de ce festival. Du cinéphile le plus exigeant au « simple » amateur de cinéma, tout le monde peut y trouver son bonheur. Là non plus, cette sélection 2017 n’a pas dérogé à la règle.

     

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    J’espère rattraper  les deux films en compétition que ma dédicace m’a contrainte à manquer mais aussi les documentaires de la section « Docs de l’oncle Sam » aux sujets passionnants et notamment la suite de « Une vérité qui dérange » (« Une suite qui dérange : le temps de l’action » de Bonni Cohen et Jon Shenk) mais aussi celui sur Cary Grant (« Cary Grant : de l’autre côté du miroir » de Mark Kidel). Comme chaque année, le festival nous a proposé une subtile alchimie entre les blockbusters, les films indépendants en compétition, les hommages et un prestigieux générique : Robert Pattinson, Antonio Banderas, Laura Dern, Woody Harrelson, Michelle Rodriguez, Darren Aronofsky, Jeff Goldblum...

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    Comme chaque année également la compétition (14 films étaient en lice cette année) nous permettait de dresser un état des lieux de l’Amérique contemporaine. L’an passé, le festival avait récompensé du Grand Prix « Brooklyn Village », huitième film d’Ira Sachs. En VO le film s’intitule Little Men, et s’il désigne les enfants, ces « petits hommes » désignent aussi les adultes du film, tels qu’ils sont dans le regard de leurs enfants, ou tels que chaque adulte reste finalement à jamais, portant simplement le masque de l’adulte mais demeurant aussi perdu, écartelé, et parfois démuni devant les difficultés de l’existence. Un film pudique, délicat, sensible avec des personnages humains, pas des super-héros mais des êtres faillibles et attachants écrits avec une extrême délicatesse, nuancés comme la vie. Je pourrais en dire tout autant du magnifique « The Rider » de Chloé Zhao couronné du Grand Prix 2017 qui illustrait une des thématiques récurrentes de cette édition : la difficulté de remonter en selle après un drame. La plupart des personnages des films en compétition de cette année étaient en effet hantés par un drame ou la mort, au propre comme au figuré, et en quête : de leur identité, d’un ailleurs, d’un sursaut. Des personnages en quête de repères.  Ce sont d’ailleurs davantage les personnages qui nous restent en mémoire que les scénarii des films, des personnages qui semblent  reliés par le fil invisible d’une douleur et d’une perte indicibles : l’inconsolable fantôme C (« A ghost story »), les pères et fils Bill et Wes Palet (« The Bachelors ») et leur deuil difficilement surmontable, le jeune Frankie (Beach Rats) en quête d’identité alors que son père est à l’agonie, Jerod (« Blueprint ») lui aussi en quête d’identité après le décès de son meilleur ami, la naïve et bienveillante Katie (« Katie says goodbye »), la jeune orpheline « Mary » de Marc Webb, «Dayveon dans « Stupid things » de Amman Abbasi, sans oublier les deux frères de « Gook » Eli et Daniel eux aussi rudement éprouvé… Des personnages attachants broyés par la vie qui, au dénouement des films, bien souvent partiront pour prendre un nouveau départ. Comme si la solution était ailleurs. Loin de cette Amérique blessée portant les plaies béantes de la violence, de l’intolérance, du racisme. Plus que des fictions, les films en lice étaient souvent le témoignage d’une réalité âpre. Ainsi, lors de la présentation de "Blueprint", le réalisateur nous a expliqué que le film était dédié à Curtis Posey, un des acteurs présent dans le film et décédé il y a quelques mois lors d’un règlement de compte entre gangs. «Nous avons tourné ce film dans le South Side de Chicago qui fait aujourd’hui les gros titres à cause du nombre de meurtres. On compte aujourd’hui soixante meurtres par mois. Nous avons tourné dans le ventre de la bête. Et pour vous donner une idée de la situation tragique dans laquelle nous sommes actuellement, depuis que le film a été tourné, nous avons perdu un des acteurs du film», a-t-il ainsi déclaré.

     

     

    Ce Festival du Cinéma Américain de Deauville 2017 nous dressait ainsi le portrait d’une Amérique déboussolée, sans doute a fortiori après l’élection à sa tête d’un personnage déroutant (euphémisme). Au programme cette année, la violence subie par les différentes communautés ou entre communautés qui se replient sur elles-mêmes. Une Amérique communautaire en proie à la violence. Le Festival de Deauville plus que jamais se revendique et se différencie comme le révélateur et l’éclaireur du cinéma indépendant et des jeunes artistes, nous donnant à voir une autre Amérique, moins flamboyante que ce que laissaient autrefois voir les blockbusters qui y étaient projetés, avec la bannière étoilée flottant fièrement dans l’air au dénouement. Plus que jamais cette année, le cinéma nous dévoilait l’envers du décor de l’American dream, et même son échec. Une Amérique qui n’est pas un Eldorado mais au contraire une prison de violence dont les personnages (souvent attachants mais broyés par l’existence) ne rêvent que de s’échapper. Une Amérique pétrie de contrastes et contradictions dont les enfants doivent bien souvent renoncer à leurs rêves pour continuer à avancer. Des enfants confrontés très tôt à des responsabilités d’adultes, délaissés par des parents immatures, à l’image de cette Amérique qui abandonne ceux qu’elle a enfantés, ces rêveurs d’hier confrontés à la rude réalité, à leurs châteaux de verre qui ne sont que mirages ou qui s’écroulent pour reprendre le titre du splendide film de clôture. Si les films présentés en avant-première se distinguaient cette année par leur diversité (de thèmes, de décors, d’époques), ils mettaient souvent en avant le courage face à l’adversité, des destins hors du commun.

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    Ce festival 2017 a débuté par un divertissement réjouissant « Barry Seal : American traffic » de Doug Liman et s’est achevé par le plus beau film de cette 43ème édition : « Le château de verre » de Destin Daniel Cretton.  

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    Revenons d’abord en images sur les hommages et les conférences de presse de cette 43ème édition.

     
    LAURA DERN

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    Le 43ème Festival du Cinéma Américain de Deauville s’est ainsi ouvert avec un hommage à l’actrice Laura Dern qui a précédé la projection en avant-première  de « Barry Seal : American Traffic de Doug Liman . « Je suis très honorée d’être ici. C’est incroyable. La France est mon pays préféré », a déclaré cette dernière que vous avez bien sûr vue dans « Sailor et Lula » de David Lynch, dans « Jurassic Park », "Un monde parfait", "99 homes" (projeté et primé à Deauville) ou encore dans la troisième saison de "Twin Peaks" et  que vous verrez également dans le prochain "Star Wars".

    MICHELLE RODRIGUEZ

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    « Président à vie du festival » (ceux qui ont suivi les précédentes éditions comprendront), pour le plus grand plaisir des festivaliers, Vincent Lindon est revenu cette année rendre hommage à l’actrice Michelle Rodriguez qui, elle aussi, a pris son envol à Deauville. Comment oublier le percutant « Girlfight », Grand Prix de l’édition 1999

     «Je veux particulièrement remercier celle grâce à qui je suis ici. Elle a vu un monde très dur et violent, dirigé par les hommes et, plutôt que de se soumettre, elle a décidé de rejoindre le chaos, pleine d’entrain. Elle a saisi sa chance et affronté toutes ses peurs, avec la tête haute, en n’écoutant qu’elle-même. Cette jeune femme est mon guerrier intérieur - et elle est masculine. Mais elle a désormais décidé de poser les armes. Elle en a fini de combattre - du moins, physiquement. Il est temps d’explorer la profondeur de l’océan de la féminité. C’est quelque chose que j’ai ignorée pendant de nombreuses années mais c’est mon prochain voyage. Et j’espère que tous ceux qui m’appréciaient jusqu’à maintenant, resteront avec moi pour voir où cela nous emmène.»

     

    JEFF GOLBLUM

     

    ROBERT PATTINSON

     

     

    DARREN ARONOKFSY

     

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    WOODY HARRELSON

     

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    Photo ci-dessus ©Dominique Saint

    PRIX D’ORNANO-VALENTI

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     Comme chaque année, le prix d’Ornano-Valenti couronnait un premier film français. Ce prix est souvent l’occasion de découvrir des pépites du cinéma français parmi lesquelles « Le Bleu des villes » de Stéphane Brizé et Florence Vignon en 1999, « La petite Jérusalem » de Karin Albou en 2005, « Angèle et Tony » d’Alix Delaporte en 2010, « Les Garçons et Guillaume, à table ! » de Guillaume Galienne en 2013. Cette année le prix D’Ornano-Valenti a couronné JEUNE FEMME de Léonor Serraille

    Résumé : Un chat sous le bras, des portes closes, rien dans les poches, voici Paula, de retour à Paris après une longue absence. Au fil des rencontres, la jeune femme est bien décidée à prendre un nouveau départ. Avec panache.

    Ce premier long-métrage déjà lauréat de la Caméra d’or du Festival de Cannes 2017 est à l’image de son personnage principal, tantôt attendrissant, tantôt agaçant et en tout cas mené par une énergie folle et communicative (formidable Laetitia Dosch toujours à la frontière qui incarne cette fantasque et décalée Paula).  A l’image de sa première scène, cette jeune femme  hurle sa solitude. Paris sera le décor de son parcours initiatique pour s’y adapter et pour grandir. Un premier film attachant. Et finalement comme un écho aux films américains en compétition dans lesquels les personnages se débattent pour échapper à l’âpreté du quotidien.

     COMPETITION : retour sur les films les plus marquants de la compétition

    A GHOST STORY  de David Lower

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    Un homme décède et son esprit, recouvert d'un drap blanc, revient hanter le pavillon de banlieue de son épouse éplorée, afin de tenter de la consoler. Mais il se rend vite compte qu’il n’a plus aucune emprise sur le monde qui l’entoure, qu’il ne peut être désormais que le témoin passif du temps qui passe, comme passe la vie de celle qu’il a tant aimée. Fantôme errant confronté aux questions profondes et ineffables du sens de la vie, il entreprend alors un voyage cosmique à travers la mémoire et à travers l’histoire.

    INTERPRÉTATION |  Casey Affleck (C), Rooney Mara (M), Will Oldham (le pronostiqueur/the prognosticator)

    Tout festival qui se respecte possède son film qui divise les festivaliers. Certains ont crié au chef-d’œuvre, d’autres au film prétentieux et indigeste. Cette année à Deauville le film qui divise fut « A ghost story ». Ce film illustrait au propre comme au figuré la thématique récurrente de la compétition, celle de personnages hantés par un drame ou un deuil. Il est C. Elle est M. C meurt dans un accident de voiture et devient un fantôme. Le temps passe. Les sentiments persistent. La douleur du manque aussi. Il ne s’agit pas ici d’un film fantastique ou d’un film d’horreur comme pourrait nous le laisser croire le pitch mais d’un conte poétique et philosophique sur le deuil, l’absence, l’éphémère et l’éternel. L’impression d’étirement du temps est renforcée par le format 4/3, par de longs plans fixe, par une utilisation malicieuse des ellipses et de la profondeur de champ comme dans ce plan séquence lorsque M est filmée non pas au centre, mais sur le côté, assise par terre, mangeant une tarte entière, plantant avec virulence sa fourchette dans son assiette, et engloutissant la tarte jusqu’à l’écœurement. M est devenue aussi comme un fantôme d’elle-même, désincarnée, frappée par l’absurdité ineffable du deuil. Les réactions de rejet des festivaliers (certains) illustraient finalement parfaitement ce besoin de zapper, d’oublier, de passer rapidement à autre chose dont le film reflétait la crainte, celle du personnage principal. La photographie d’Andrew Droz Palermo, et la musique signée Daniel Hart procurent une beauté évanescente et envoûtante à certaines scènes et un supplément d’âme à ce film inclassable qui remuera les entrailles de quiconque aura été hanté par un deuil et la violence indicible de l’absence. Quasiment sans dialogue à l’exception d’un long monologue, ce film à défaut de vous séduire « vous hante » comme l’a résumé Danièle Heymann, présidente du jury de la critique.

    Lauréat ex-aequo du Prix du jury de Michel Hazanavicius, du prix de la critique et du prix du jury de la révélation présidé par Emmanuelle Bercot, si « A Ghost story » a divisé les festivaliers, il a emporté l’adhésion des différents jurys. En salles en France le 20 décembre 2017.

    BROOKLYN YIDDISH un film de Joshua Z. Weinstein (1er film)

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    À Borough Park, le quartier juif ultraorthodoxe de Brooklyn. Suite au décès de son épouse, Menashé, un modeste employé d’une épicerie de quartier, tente difficilement de joindre les deux bouts et de se battre pour obtenir la garde de leur jeune fils, Ruben. La tradition hassidique lui interdit de l’élever seul. Quand le grand rabbin lui accorde de passer une semaine avec son fils, Menashé saisit cette occasion pour prouver qu’il peut être un bon père tout en respectant les règles religieuses de sa communauté.    INTERPRÉTATION  Menashe Lustig (Menashé), Ruben Niborski (Ruben), Yoel Weisshaus (Eizik), Meyer Schwartz (le rabbin/the rabbi)

    «Il y a un dicton yiddish qui dit qu’on ne peut pas tuer un cochon de façon casher. Et cela s’applique tellement au film que j’ai fait, d’abord parce que j’ai fait un film sur la foi sans être un homme de foi, ensuite parce que le film parle d’une communauté qui ne veut pas être filmée et, enfin, parce que j’ai fait ce film dans une langue, le Yiddish, que je ne parle pas. Alors il est vrai qu’on ne peut pas tuer un cochon de façon casher mais ce film est ma façon d’essayer» a ainsi déclaré son réalisateur pour présenter le film avant la projection.  Tout comme « A ghost story », « Brooklyn Yiddish » était hanté par une absence, celle de l’épouse de Menashe, la mère de Ruben. Au contraire du théorique et lyrique « A ghost story », « A brooklyn Yidish », avec une rigueur presque documentaire, nous ancre dans une réalité, celle d’une communauté très méconnue et refermée sur elle-même avec ses codes, ses lois, sa hiérarchie. C’est ainsi selon ces codes que Menashe se voit retirer la garde de son fils. Ainsi l’a décidée l’autorité religieuse qui estime qu’une femme doit participer à l’éducation de son fils. Pas de surenchère, pas d’effets, pas de climax ni même de dénouement dans ce film qui est avant tout la chronique d’un homme attachant éprouvé par le deuil et qui doit faire face à un conflit intérieur après le décès de sa femme. Le film a ainsi été tourné dans la langue yiddish alors que le réalisateur n’en connaissait pas un seul mot avec des comédiens non professionnels n’ayant « pas demandé l’autorisation à leurs rabbins pour tourner ».

    GOOK de Justin Chon (2ème film)

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    Eli et Daniel, deux frères d’origine coréenne, gèrent un petit magasin de chaussures pour femmes situé dans un quartier majoritairement afro-américain de Los Angeles. Ils se lient d’une amitié profonde et improbable avec Kamilla, une jeune fille âgée de seulement onze ans. Un jour, les tensions raciales entre communautés atteignent leur paroxysme et des rixes – les tristement célèbres émeutes de 1992 – éclatent dans la ville. En cherchant à protéger le magasin, ce sont les notions mêmes de famille, de rêves et d’avenir que le trio va devoir être amené à reconsidérer.    INTERPRÉTATION  Justin Chon (Eli), Simone Baker (Kamilla), David So (Daniel), Curtiss Cook Jr (Keith), Sang Chon (Mr. Kim), Ben Munoz (Jesus)

    Là aussi, avec une précision quasi documentaire, « Gook » nous immerge dans une autre communauté, cette fois le quartier de Paramount à L.A en avril 1992, le jour où de violentes émeutes éclatent suite à la décision de justice de déclarer les policiers non-coupables d’une agression sur un jeune noir, Rodney King. Ce sont deux frères d’origine coréenne, Eli et Daniel, sur lequel le réalisateur braque sa caméra ainsi qu’une jeune fille noire de onze ans, Kamilla, qui préfère les aider à la boutique plutôt que d’aller à l’école. « Gook » est un film de contrastes. Pas seulement entre le noir et le blanc pour lequel le cinéaste a opté. Contraste entre la candeur, la naïveté des scènes entre Kamilla et les deux frères qui se chamaillent tels des enfants. Et la violence qui les environne. Contrastes entre la gaieté de leurs danses et les agressions verbales. Contrastes entre les rêves (Daniel rêve se rêve en chanteur de RnB) et la réalité (il finira par jeter sa démo car en toile de fond figurent des aboiements de chien). C’est finalement là aussi un deuil du passé qui a divisé ces deux communautés. Un autre les réunira. Entre les deux une tranche de vie et des personnages bouleversants brillamment interprétés.

    KATIE SAYS GOODBYE un film de Wayne Roberts (1er film)

     

    Katie, une jeune serveuse au cœur d’or, habite dans le Sud-Ouest américain et rêve d'une nouvelle vie à San Francisco. Elle vit ses premières amours et se révèle d’une honnêteté désarmante. Son empathie compulsive envers les autres fait d’elle une proie facile, et ce sont ceux qu'elle aime le plus au monde qui mettront à rude épreuve la ténacité et l’innocence qui la caractérisent.    INTERPRÉTATION  Olivia Cooke (Katie), Christopher Abbott (Bruno), Mireille Enos (Tracey), Mary Steenburgen (Maybelle), Jim Belushi (Bear), Chris Lowell (Dirk), Nate Corddry (Mr. Daniels), Natasha Bassett (Sara), Keir Gilchrist (Matty)

    Katie, avec ses boucles blondes juvéniles, son visage souriant, ses grands yeux brillants et naïfs, sa panoplie rose,  elle aussi rêve d’un ailleurs plus coloré malgré l’âpreté de l’univers dans lequel elle évolue. Katie elle aussi continue à croire en l’ « American dream » même si elle en symbolise l’échec. Oui, elle croit  Katie. Elle croit dur comme fer qu’elle va s’en sortir. Que les lendemains seront meilleurs. Elle croit en la bonté de l’être humain, aussi.  La réussite tient avant tout dans ce personnage atypique, attachant (encore), bienveillant, généreux, optimiste envers et contre tout et tous. Katie aussi est un contraste vivant. Elle vit dans un mobile home avec une mère qui passe son temps à boire et à batifoler avec le mari de la voisine. Katie vend son corps. Elle rêve pourtant du coup de foudre et est persuadée de de trouver le grand amour en la personne de celui qu’elle considère comme « le plus bel homme qu’elle ait jamais vu » (Christopher Abbott également en compétition dans « Sweet Virginia », sorte d’armoire à glace impassible qui dissimule un sombre passé et qui a pour seul objectif dans la vie d’ « éviter les ennuis »). Elle vit au milieu de nulle part, dans un lieu anachronique et sans espoir, baignée d’une lumière d’été, d’une douceur mensongère. Elle rêve de refaire sa vie à San Francisco. Olivia Cooke incarne brillamment (elle EST même) cette candide jeune femme au visage enfantin et donne corps et âme à la saisissante dichotomie entre ses rêves et la réalité, sa vie sordide et la bienveillante naïveté avec laquelle elle la regarde, et avec laquelle elle regarde ceux qui l’entourent, allant jusqu’à se sacrifier pour eux. Le dénouement est d’une émotion et d’une force saisissantes et étourdissantes. Celles du fracas entre le rêve et la réalité. Choc brutal et vertigineux. Avant l’au revoir salutaire. Un personnage qui vous « hante » longtemps après le générique de fin.

    SWEET VIRGINIA de Jamie M. Dagg ( 2ème film)

     

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    Sam, un ancien champion de rodéo, mène une vie rangée dans une petite ville de l’Alaska. Il se lie d’amitié avec un nouveau venu, sans savoir que le jeune homme est responsable des récents actes de violence survenus dans la bourgade. L’entourage de Sam, ses proches comme ses employeurs, contribuent à briser l’équilibre qui était celui de cette communauté. Le héros fatigué va alors devoir affronter ses démons d’hier et d’aujourd’hui afin de mettre hors d’état de nuire cet imprévisible prédateur.      INTERPRÉTATION  Jon Bernthal (Sam Rossi), Christopher Abbott (Elwood), Imogen Poots (Lila McCabe), Rosemarie DeWitt (Bernadette Barrett), Odessa Young (Maggie Russell)

    Dans « Sweet Virginia » dans lequel on retrouve aussi Christopher Abbott (là encore dans un rôle pour le moins inquiétant) et la violence latente que son personnage charrie avec lui, certains sont prêts à tout pour échapper à un quotidien étouffant d’une petite ville (filmée comme un cadre oppressant dans lequel chacun joue un rôle et dissimule de sombres secrets. Un film qui vaut avant tout pour son ambiance (une indéniable « gueule d’atmosphère »), sa tension constante, son portrait de l’Amérique profonde où errent des âmes blessées et esseulées, et la première scène impressionnante de maîtrise davantage que pour le dénouement pas forcément à la hauteur de ce film prenant à la frontière des genres entre drame, chronique sociale, western moderne et film noir.

    THE BACHELORS de Kurt Voelker (2ème film)

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    Suite au décès prématuré de son épouse, Bill accepte un poste d’enseignant dans un lycée privé à l’autre bout du pays où il déménage avec son fils de dix-sept ans. Ils vont chacun faire la rencontre d’une femme singulière qui va les aider à reprendre goût à la vie et à l’amour.    INTERPRÉTATION J. K. Simmons (Bill Palet), Josh Wiggins (Wes Palet), Julie Delpy (Carine Roussel), Odeya Rush (Lacy Westman), Kevin Dunn (Paul Abernac

    Là aussi comme dans de nombreux films de cette compétition, la mort rode et hante, en l’espèce Bill et son fils Wes éprouvés par la perte de leur épouse et mère. Aux antipodes de son rôle dans « Whiplash », J.K. Simmons incarne à la perfection ce professeur qui peine de plus en plus à donner le change face à la douleur indicible de la perte de son épouse. Baigné d’une douce lumière, de bienveillance,  et de bons sentiments « the Bachelors » nous saisit par la justesse de l’interprétation et le regard tendre porté sur ceux qui tentent d’avancer malgré les blessures insurmontables de la vie.

    THE RIDER de Chloé Zhao ( 2ème film)

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    Brady, un jeune cow-boy, entraîneur de chevaux et étoile montante du rodéo, voit sa vie basculer après un tragique accident de rodéo. On lui annonce alors qu’il ne pourra plus jamais faire d’équitation. De retour chez lui, il est confronté au vide qu’est devenue sa vie : celle d’un cow-boy qui ne peut désormais ni faire de rodéo ni même monter à cheval. Pour reprendre son destin en mains, Brady se lance alors dans une quête identitaire en cherchant à comprendre ce que c’est vraiment qu’être un homme au cœur même de l’Amérique.     INTERPRÉTATION Brady Jandreau (Brady Blackburn), Tim Jandreau (Wayne Blackburn), Lilly Jandreau (Lilly Blackburn), Lane Scott (Lane Scott), Cat Clifford (Cat Clifford

    Brady lui aussi vit avec une blessure à vif, physique et morale. Lui aussi a vu ses rêves, son « American dream », se briser.  Brady Jandreau, qui joue son propre rôle aux côtés de sa famille et de ses amis est vraiment une jeune star du rodéo qui a vu sa vie basculer suite à un accident et cette véracité renforce bien sûr l’émotion qui émane de chacun des plans.

    Ici pas de super héros, pas de grandiloquence, pas de chevauchées fantastiques aux sanglots longs des violons, mais un homme à terre qui essaie de trouver la voie à emprunter pour se relever et continuer à avancer. Comme il le dit lui-même, là où un animal aurait été abattu lui est « obligé de vivre ». Meurtri mais combattif.  Les scènes d’une beauté et simplicité bouleversantes s’enchainent pour dresser le portrait d’un homme que la réalisatrice regarde avec beaucoup d’humilité et de bienveillance aussi éloignée soit-elle (à l'origine du moins) du Dakota du Sud où le film est tourné.

    Après s’être immergée durant quatre ans dans une réserve amérindienne du Dakota du Sud pour réaliser « Les chansons que mes frères m’ont apprises », la réalisatrice pose ainsi à nouveau sa caméra dans cet Etat, à nouveau dans la réserve indienne de Pine Ridge. Après s’être intéressée aux Indiens, elle se penche cette fois sur ces Cowboys d’une autre Amérique, sans éclat, sans flamboyance, sans rutilance, qui combattent pour survivre. Chloé Zhao elle aussi revisite le western faisant du décor un personnage à part entière. Sa caméra caresse et sublime les corps de ces cowboys qui « chevauchent la douleur », qui bravent la nature.

    A l’image du personnage de Katie dans « Katie says goodbye », Brady doit faire face à un avenir sans espoir, à un parent immature, et lui aussi incarne de nombreux contrastes à l’image de cette Amérique pétrie de contradictions. La violence de l’arène dans laquelle il évolue contraste avec la tendresse dont il fait preuve avec sa jeune sœur handicapée ou son ami victime d’un accident de rodéo (ces scènes ne sont jamais voyeuristes ou larmoyantes mais pleines de sensibilité). Les immenses plaines évocatrices de liberté contrastent avec la blessure et l’arène qui l’enferment. Et c’est en renonçant au rodéo que le cowboy va devenir un homme…

    Chloé Zhao réussit un film plein de délicatesse et de subtilité sur un univers a priori rude et rugueux. Entre documentaire et drame intimiste, son film  dresse le portrait poignant d’un personnage qui apprend à renoncer dont la force vous accompagne bien après le générique de fin et qui vous donnera envie de continuer à avancer et rêver envers et contre tout.

    Le jury qui lui a attribué le grand prix a salué sa poésie et son humanité. Mon coup de cœur de cette compétition 2017.

    LES PREMIERES

    GOOD TIME de Josh & Benny Safdie

     

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    Un braquage qui tourne mal, Connie réussit à s’enfuir mais son frère Nick est arrêté. Alors que Connie tente de réunir la caution pour sortir son frère de prison, une autre option s’offre à lui : le faire évader. Dans les bas-fonds de New York, commence alors une longue nuit sous adrénaline.    INTERPRÉTATION | CAST Robert Pattinson (Connie), Benny Safdie (Nick), Jennifer Jason Leigh (Corey), Buddy Duress (Ray), Barkhad Abdi (Dash), Taliah Webster (Crystal)  

    Suite à l’hommage à Robert Pattinson (cf vidéos en haut de cet article), était projeté en avant-première ce film des frères Safdie, également en compétition du dernier Festival de Cannes où j’avais eu le plaisir de le découvrir. Ce fut d’ailleurs jubilatoire de le revoir à Deauville dans la salle du CID dans laquelle le son est enveloppant et exceptionnel, celui-ci étant finalement l’acteur principal du film. A ceux qui n’auraient pas vu « Cosmopolis » (d'ailleurs projeté à Deauville) et «Maps to the stars » et qui douteraient encore du talent de Robert Pattinson (l’autre acteur principal donc), je leur recommanderais de voir ce film dans lequel, méconnaissable, il crève littéralement l’écran

    Le film démarre fort en nous captivant et en capturant même notre attention. Un jeune déficient mental est ainsi interrogé par un psychiatre, enfermé : dans le cadre, dans son bureau, par les questions que le psychiatre lui assène et qui ne lui laissent pas le temps de respirer. Mais soudain son frère, Connie, débarque et lui ordonne de partir. On les retrouve ensuite lors d’un braquage qui va mal tourner. Connie lui aussi aspire à une vie meilleure, à défaut de vivre un American dream. Et à partir de cette seconde, une fois sortis du cadre du bureau, vous non plus, vous n’aurez plus vraiment le loisir de respirer, embarqués dans cette course contre la montre enivrante.

    Ce film truffé d’influences vaut avant tout le déplacement pour la prestation impressionnante de Pattinson qui incarne ce jeune voyou hâbleur et altruiste, pour une bande sonore et musicale (signée Daniel Lopatin alias Oneohtrix Point Never) omniprésente, obsédante et envoûtante qui accompagne la course folle et effrénée du malfrat, qui exacerbe cette tension constante et ce sentiment d’urgence, pour les personnages cabossés qu’il croise dans sa fuite finalement plus importants que l’enjeu que nous oublierions finalement en chemin.

     Un divertissement vrombissant, un film tragico-comique à voir pour la prestation de son acteur principal, pour se laisser envahir par cette bande son sans répit, et pour cette errance nocturne, ce cauchemar bleuté dans un New York qui devient un labyrinthe inextricable et qui vous hypnotise et scotche à votre siège jusqu’à la respiration finale et un nouvel élan de liberté. Un film de sensations grisantes, une expérience à vivre…

    LA FEMME DU GARDIEN DE ZOO de Niki Caro  | Jeff Abberley

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    Jan et Antonina Zabinski dirigent le zoo de Varsovie quand éclate la Seconde Guerre mondiale. Les animaux sont tués sous les bombardements, envoyés à Berlin ou servent de gibier aux officiers allemands. Jan et Antonina se mettent alors à élever des porcs – officiellement pour les troupes, officieusement pour nourrir les habitants du ghetto. Ils profitent surtout d’un réseau de souterrains reliant les cages entre elles pour y cacher des juifs et les aider à quitter le pays.    INTERPRÉTATION | CAST Jessica Chastain (Antonina Zabinski), Daniel Brühl (Lutz Heck), Johan Heldenbergh (Jan Zabinski), Michael McElhatton (Jerzyk), Iddo Goldberg (Maurycy Fraenkel), Efrat Dor (Magda Gross), Shira Haas (Urszula)

    Dommage que ce film historique poignant et passionnant projeté en avant-première n’ait pas de sortie prévue en salles.  Il est inspiré du livre de Diane Ackerman qui lui-même s’appuie sur les mémoires d'Antonina Zabinska (Jessica Chastain dans le film) et qui raconte comment ce couple de Polonais sauva trois cents juifs de la pendant la Deuxième Guerre mondiale, en les cachant dans un zoo. Le mémorial de la Shoah Yad Vashem à Jérusalem a d’ailleurs honoré le couple Zabinski du titre de Justes parmi les nations.

    Sans doute certains ironiseront-ils sur le classicisme de ce beau film à la mise en scène discrète et élégante. Certaines histoires nécessitent juste d’être racontées sans effets de style parce qu’il est important qu’elles existent, qu’elles soient immortalises, qu’elles échappent  à l’écoulement vorace du temps. D’autres lui ont reproché que la violence et la barbarie restent la plupart du temps hors champ. Mais elle l’est aussi pour Antonina à travers le regard de laquelle nous vivons la majeure partie de cette histoire. Elle n’en est d’ailleurs pas moins forte. Le danger est en effet toujours présent puisque les Allemands sont déployés sur le zoo, au-dessus même du lieu où sont dissimulées les familles juives persécutées.  Lutz Heck incarné par Daniel Brühl, zoologiste allemand qui devient rapidement soumis au régime nazi accepte que le zoo soit converti en ferme porcine pour le charme d’Antonina auquel il est particulièrement sensible. Ce personnage apporte, par sa complexité, de l’épaisseur et de l’ambivalence au film et à chacune de ses scènes avec Antonina nous retenons notre souffle.

    Très éloignés de films beaucoup plus âpres sur l’holocauste comme « Le fils de Saul » ( même si là aussi l’utilisation du son, de la mise en scène étouffante, du hors champ, du flou suggéraient plus l’horreur ineffable –en l’occurrence celle des camps- qu’elle ne la montrait, ce qui nous la faisait d’ailleurs appréhender avec plus de force encore que si elle avait été montrée), « La femme du gardien de zoo » est une belle ode au courage face à la barbarie qu’il est toujours bon de ne pas oublier quand l’amnésie de l’Histoire en menace certains. Et un plan des cendres du ghetto ou un plan d’une petite fille terrorisée sont parfois plus parlants que n’importe quelle violence montrée frontalement. Jessica Chastain est parfaite pour incarner cette femme courageuse et bienveillante pour laquelle : « C’est sans doute pour cela que j’aime autant les animaux. En les regardant dans les yeux on sait exactement ce qu’il y a dans leur cœur ».

    LA PROMESSE de Terry George

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    Alors que la Première Guerre mondiale se profile à l’horizon, le puissant empire ottoman est en plein effondrement. Constantinople, la capitale autrefois prospère et rayonnante des rives du Bosphore, est sur le point d’être anéantie. Michael Boghosian arrive dans cette cité cosmopolite afin d’y suivre des études de médecine et de retourner ensuite dans son village natal de Siroun, au sud de la Turquie. Le reporter Chris Myers est également en ville pour couvrir l’actualité politique, mais aussi pour veiller sur Ana, une artiste arménienne qu’il accompagne depuis Paris et dont il est tombé amoureux. Le jour où Michael rencontre Ana, dont il partage les mêmes origines, l’attirance réciproque est immédiate, créant une rivalité entre les deux hommes. Alors que les Turcs s’allient aux Allemands et que l’empire se retourne violemment contre ses propres minorités ethniques, tous les trois se voient forcés de mettre leurs amours contrariées entre parenthèses afin de pouvoir rester en vie.  INTERPRÉTATION Oscar Isaac (Michael Boghosian), Charlotte Le Bon (Ana), Christian Bale (Chris Myers), Daniel Gimenez Cacho (le père/Father Andreasian), Shoreh Aghdashloo (Marta), Abel Folk (Harut), Andrew Tarbet (le pasteur/Pastor Merril), Angela Sarafyan (Maral), Jean Reno (l’amiral/Admiral Fournet)

    A nouveau ici il est question de guerre, de bravoure et de trio amoureux. Moins que de la rancœur et de la jalousie, il est aussi question du comportement de chacun face à la barbarie. Témoigner ? Fuir ? Rester ? Aider ? Ce film au souffle épique et romanesque indéniable, plus qu’une histoire d’amour, nous raconte la fin d’une époque, d’un monde, un génocide rarement montré à l’écran, a fortiori dans une grosse production hollywoodienne. Et même s’il ne possède pas le génie et la subtilité des épopées romanesques de David Lean, ce drame historique a au moins le mérite de relater ce génocide abominable. Après « Hôtel Rwanda » le réalisateur braque donc à nouveau sa caméra sur un drame historique passé sous silence avec pour objectif de divertir tout en faisant passer un message politique. Le film est parcouru de nombreuses maladresses (dans l’interprétation, dans l’écriture) et même si ce mélo historique, épique et romanesque manque un peu de sel et de nuances pour emporter complètement notre adhésion, il possède tous les ingrédients qui lors du dénouement suscitent notre émotion, au-delà de la raison et de la lucidité sur ses failles et défauts : l’histoire d’amour contrariée par la monstruosité humaine, les faits historiques réels et effroyables, les héros partagés entre amour, intégrité et devoir, la courageuse héroïne, la musique emphatique, les décors grandioses.

    THE MUSIC OF SILENCE de Michael Radford

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    Amos Bardi a reçu un don à la naissance – une voix divine qui lui permet de chanter à merveille – mais il a aussi de très graves problèmes de vue qui le rendent presque aveugle. Malgré de nombreuses opérations, il est contraint de quitter très jeune sa famille pour un institut spécialisé où il va apprendre le braille. Il perd totalement la vue après un coup violent reçu à la tête. Bien que le mauvais sort semble alors s’acharner sur lui, Amos ne renonce jamais. Devenu jeune homme, il se met au piano et commence même à chanter dans un club. Quand Amos se fait remarquer après qu’un grand ténor a accepté de lui donner des cours, les portes du succès semblent enfin lui être grandes ouvertes.  INTERPRÉTATION  Toby Sebastian (Amos Bardi), Antonio Banderas (le maestro), Luisa Ranieri (Mama Edi), Jordi Mollà (Sandro Bardi), Ennio Fantastichini (l’oncle/the uncle Giovanni), Nadir Caselli (Elena), Alessandro Sperduti (Adriano), Francesco Salvi (Ettore)

    The Music of Silence est l’adaptation cinématographique de l’autobiographie du chanteur d’opéra, Andrea Bocelli. Après la Pologne et la Turquie, direction l’Italie.   Changement de décor et d’univers avec ce biopic du ténor Italien. Courage et ténacité sont aussi à l’honneur dans ce film à la réalisation là aussi élégante et sans fioritures. Bocelli est incarné par Toby Sebastian, très convaincant. Ce film possède tous les ingrédients d’un récit initiatique et du mélo bouleversant et universel : la combattivité face à l’injustice du handicap (il devient complètement aveugle à l'âge de 12 ans), son don et son amour salutaires pour la musique, les sacrifices consentis et les multiples obstacles surmontés pour connaître enfin le succès, un destin hors du commun.  S’il vendra plus 80 millions de disques, le film ne se penche pas sur sa carrière mais sur l’avant jusqu’à son envol et devient passionnant à son dénouement mélancolique quand l’artiste pour vivre sa passion doit aussi accepter de renoncer à une part de sa liberté et quand des images d’archives nous montrent le résultat, et que l’homme attachant dont il nous a dressé le portrait cède la place à l’artiste, presque dépossédé de lui-même et de son destin. A voir aussi pour retrouver Antonio Banderas en mentor exigeant et bienveillant. Et pour la musique qui à la fin nous cueille. Là encore le CID était l’écrin idéal pour voir ce film, sans doute en partie responsable de cette émotion qui m’a ravagée au dénouement lorsque la musique emplit la salle et nous déchire l’âme et le cœur.

    LE CHÂTEAU DE VERRE de Destin Daniel Cretton (film de clôture)

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    Jeannette Walls, chroniqueuse mondaine à New York, a tout pour réussir et personne ne peut imaginer quelle fut son enfance. Élevée par un père charismatique, inventeur loufoque qui promet à ses enfants de leur construire un château de verre mais qui reste hanté par ses propres démons, et une mère artiste fantasque et irresponsable, elle a dû, depuis son plus jeune âge, prendre en charge ses frères et sœurs pour permettre à sa famille dysfonctionnelle de ne pas se perdre totalement. Sillonnant le pays, poursuivis par les créanciers, et refusant de scolariser leurs enfants, les Walls ont tout de même vécu une vie empreinte de poésie et de rêve, qui a laissé des marques indélébiles mais qui a su créer des liens impossibles à renier.  INTERPRÉTATION  Brie Larson (Jeannette Walls), Woody Harrelson (Rex Walls), Naomi Watts (Rose Mary Walls), Max Greenfield (David), Sarah Snook (Lori), Robin Bartlett (Erma), Ella Anderson (la jeune/young Jeannette Walls), Josh Caras (Brian Walls), Brigette Lundy-Paine (Maureen Walls), Charlie Shotwell (le jeune/young Brian Walls), Shree Grace Crooks (la jeune/young Maureen Walls)

    Le Château de Verre est l’adaptation cinématographique du livre éponyme de la journaliste américaine Jeannette Walls. Ce film a souvent été comparé à « Captain Fantastic » de Matt Ross présenté en compétition officielle à Deauville l’an passé. Ces deux films ont en effet en commun de brosser le portrait d’un père qui choisit pour ses enfants une autre voie que celle tracée par le système capitaliste avec lequel il est en désaccord et rupture. Le père du « Château de verre » est cependant plus complexe, guidé par des raisons en partie moins nobles, comme échapper à ses propres démons qui ressurgissent sur ses propres enfants. Là où le père de Captain Fantastic campé par Viggo Mortensen prêche les vertus de la communication et de la remise en question, celui du « Château de verre » tait au contraire une véritable meurtrissure qui explique la complexité de son comportement, la violence qui parfois s’empare de lui et se substitue justement à la communication. Pour lui on « apprend en vivant » et la société de consommation est un univers carcéral auquel il faut échapper à tout prix, préférant par exemple acheter et offrir virtuellement des étoiles à ses enfants.

    A l’âge adulte, Jeannette a choisi une vie, une allure, un mari (analyste financier), des dîners mondains, un appartement monotone et grisâtre,  en opposition totale avec cette vie de bohème et de liberté apparente. Loin du manichéisme auquel nous habituent de nombreux films américains, ce film vaut surtout par la subtilité et les nuances avec lesquelles sont racontés les rapports entre ce père et cette fille, écartelée entre son admiration pour ce père hors normes et son rejet de l’éducation qu’il lui a donnée, écartelée entre son admiration et sa peur. Le film est riche des contrastes qui reflètent les sentiments complexes et nuancés de l’héroïne à l’égard de son père vu à travers le regard de l’enfant naïve et admirative qu’elle était puis de l’adulte en colère qu’elle est devenue. De la légèreté avec laquelle sont vues des scènes terribles du début (interrogeant ainsi notre propre regard), le film s’enfonce petit à petit dans la noirceur, révélant la profondeur des cicatrices (au propre et au figuré) de l’enfant qu’elle était et ses répercussions sur l’adulte qu’elle est devenue.

    Woody Harrelson  parvient à être à la fois odieux et fascinant, tendre et cruel, poétique et rude. Il est révoltant et attendrissant dans le rôle de ce colosse blessé, blessant, charismatique et il fait évoluer  son personnage au fur et à mesure que le regard de sa fille s’éclaire sur ses ombres.

    A la fois chronique sociale, familiale et road-movie ce film est surtout un magnifique film sur le pardon, sur l’acceptation de la réalité, le renoncement aux rêves et aux illusions de l’enfance. Le « Château de verre » est cette maison que le père imaginera toue sa vie,  cette maison transparente dont l’objectif sera de laisser entrer le bonheur et la lumière. Cette maison qui ne verra jamais le jour. A l’image de tous ces rêves forgés dans l’enfance de chacun qui, à la lueur de l'écoulement du temps et de la lucidité des adultes que nous devenons, se transforment en cruelles blessures à l’âme. Un film bouleversant. Un grand huit émotionnel. A voir absolument.

    A L'ANNEE PROCHAINE...

    Pour terminer, je vous remercie d’avoir été aussi nombreux à participer aux concours mis  en ligne sur mes différents blogs pour remporter vos pass pour le festival, en partenariat avec le CID. Les réponses seront mises en ligne demain. Je vous rendez-vous pour l’édition 2018 et, en attendant, continuez à suivre mes publications concernant Deauville sur Inthemoodfordeauville.com, twitter (@moodfdeauville et @Sandra_Meziere), Instagram (@Sandra_Meziere) et sur la page Facebook d'Inthemoodfordeauville.com http://facebook.com/inthemoodfordeauville.

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  • Festival du Cinéma Américain de Deauville 2016 : compte rendu détaillé et palmarès

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    1518 Ci-dessous et ci-dessus, vue sur Deauville depuis l’Hôtel Royal Barrière.

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    « Cette année, plus que jamais, nous avons besoin du cinéma pour découvrir et comprendre d’autres cultures » a déclaré le Maire de Deauville, Philippe Augier, lors de l’ouverture de cette 42ème édition du Festival du Cinéma Américain.  Le lendemain, le comédien Stanley Tucci, à qui le festival rendait hommage ce soir-là a, à son tour, évoqué ces « temps difficiles pour la France » et le pouvoir du cinéma de nous « rassembler de manière positive ».

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     A Deauville, cette année, bien sûr, comme toujours, il y avait la beauté incendiaire et ravageuse du lever et du coucher de soleil sur les planches et cette luminosité si particulière et changeante qui contribue à ce que, bien que 23 années se soient écoulées depuis mon premier festival du cinéma américain et mon véritable coup de foudre pour Deauville et ce festival,  chaque promenade y demeure pour moi un moment de quiétude salutaire, bien sûr il y avait la délectation de parler de cinéma à toute heure de la journée (et de la nuit) et de retrouver les amis et habitués du festival, bien sûr il y avait la joie de se lover dans l’incomparable salle du CID et de savourer des films dans cet écrin majestueux, bien sûr il y avait le plaisir de découvrir le meilleur du cinéma indépendant américain à travers la compétition, comme chaque année, bien sûr, il y avait les soirées joyeuses, chics et conviviales au club Kiehl’s, bien sûr…mais les blessures infligées à notre pays au cours de l’année écoulée avaient forcément et subrepticement changé quelque chose dans l’air et dans les esprits. En raison notamment de la sécurité aux abords du CID (indispensable bien entendu) et la circulation bloquée autour de la salle, un silence légèrement inquiet avait remplacé le joyeux brouhaha qui régnait habituellement à la sortie des projections, renforçant aussi notre conscience du plaisir de vivre cette belle parenthèse cinématographique. En 23 ans et malgré les vicissitudes de l’existence, jamais je n’ai dérogé à ce rendez-vous immuable, qui me donne l’impression de reprendre un film qui s’écrit d’années en années et que je peux le reprendre l’année suivante là où je l’avais laissé, comme une existence parallèle, un conte enchanteur, un doux mensonge qui endort les blessures de l’âme et de la réalité. Alors laissez-moi vous conter mon Festival du Cinéma Américain de Deauville 2016. Once upon a time…

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    Ce 42ème Festival du Cinéma Américain de Deauville n’en a pas moins réservé de beaux moments de cinéma et d’émotion notamment grâce au président du jury de ce Festival 2016, Frédéric Mitterrand, qui, de sa si célèbre voix grave et lyrique, a partagé son enthousiasme pour son rôle et les films…et a même rangé la moquette à la fin de la cérémonie de clôture mais aussi grâce à la bonne humeur communicative d’un autre membre du jury Radu Mihaileanu qui a également présenté son nouveau film en avant-première, le sublime et bouleversant « L’Histoire de l’amour ».

    Et il est plutôt rassurant que, parmi les 14 films en lice, Frédéric Mitterrand et son jury aient choisi de couronner du Grand Prix le film le plus bienveillant et le plus délicat de cette sélection, le sensible « Brooklyn village » (actuellement en salles et à voir absolument) réalisé par un habitué de Deauville et de sa compétition, Ira Sachs. Ainsi le président du jury a-t-il justifié ce choix : « Parce qu’il analyse les fractures de l’Amérique avec un regard sans concession mais plein d’humanité, parce qu’il décrit une amitié merveilleuse entre deux adolescents confrontés aux rigueurs de l’existence, parce que sa mise en scène, toute de douceur et d’efficacité, est une formidable leçon de cinéma.»

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    Cette année, mes coups de cœur furent « Born to be blue », « In dubious Battle », « L’Histoire de l’amour », « Mean dreams », « Captain Fantastic » et bien sûr « Brooklyn village ». L’émotion fut aussi au rendez-vous lors des hommages, principalement ceux rendus à Stanley Tucci, Chloe Grace Moretz -prix du Nouvel Hollywood-, James Franco qui a également donné une passionnante conférence de presse, et Daniel Radcliffe qui a également reçu le prix du Nouvel Hollywood permettant à Deauville, le temps de sa venue, de retrouver sa joyeuse effervescence et qui a charmé les festivaliers par sa modestie et son plaisir ostensible d’être là comme lors de sa conférence de presse (cf ma vidéo extraite de celle-ci ci-dessous).

    Le Festival de Deauville plus que jamais se revendique et se différencie comme le révélateur et l’éclaireur du cinéma indépendant et des jeunes artistes, nous donnant à voir une autre Amérique, moins flamboyante que ce que laissaient autrefois voir les blockbusters qui y étaient projetés, avec la bannière étoilée flottant fièrement dans l’air au dénouement. Elle fut cette fois souvent écornée…

    Les Premières n’en étaient ainsi cette année pas moins critiques que les films en compétition se penchant sur les pages sombres et les ombres de l’Amérique contemporaine et de son Histoire, sur ses luttes sociales, aussi, interrogeant souvent les compromis et les concessions à la morale, nécessaires parfois, pour accéder à la liberté.

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    Quant à la compétition, comme chaque année, elle mettait en exergue et peut-être plus que jamais les fêlures de l’Amérique dont les citoyens peinent à communiquer, souvent à propos de leurs souffrances, et qui bien souvent essaient d’exorciser cette incommunicabilité dans la violence…ou le cynisme (« Le Teckel »). Une Amérique, à nouveau et plus que jamais, en manque de (re)pères. Les films en lice mettaient ainsi souvent en scène des enfants ou des adolescents (et parfois des adultes) esseulés, livrés à eux-mêmes et  confrontés aux responsabilités et difficultés qui sont normalement celles dévolues aux adultes, des enfants confrontés à la dureté du monde. Ces films soulignaient le hiatus entre leurs rêves d’enfant et la réalité qui souvent les heurtaient de plein fouet, comme le revers de l’American dream. Pour faire face, certains préféraient prendre la tangente, s’inventaient un personnage ou même  décidaient de renoncer à la vie.  La musique était aussi à l’honneur cette année notamment avec le feel good movie signé John Carney « Sing street ». Et si des valeurs sûres confirmaient leur talent (de James Franco à Matthew McConaughey  en passant par Viggo Mortensen), ce sont souvent de jeunes acteurs inconnus dont le talent crevait l’écran qui ont enchanté les festivaliers, que ce soient les jeunes interprètes de « Captain Fantastic » ou ceux de « Brooklyn village » ou encore de « Mean dreams. »

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    Quatre films parmi les 14 en compétition ont récolté tous les prix. « Tous ces films nous ont fait aimer l’Amérique qui se regarde sans complaisance, ce qui fait qu’elle est grande. Je ne suis pas capable de faire un discours aussi passionné que celui de la présidente du jury Révélation, donc je vais être bref. Nous avons décidé de remettre deux Prix : l’un au « Teckel » pour son extrême originalité, son humour, la proposition de cinéma remarquable, l’autre au « Captain fantastic », pour son souffle formidable, pour son originalité profonde, pour la qualité de son interprétation, pour son lyrisme et ce qu’il nous dit sur l’Amérique d’aujourd’hui » a ainsi déclaré le Président du jury, Frédéric Mitterrand.

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    Ce festival a été aussi pour moi l’occasion d’évoquer mon recueil de nouvelles « Les illusions parallèles » (publié fin août 2016 aux Editions du 38, pour en savoir plus ou le commander, c’est ici) et de faire se rejoindre la réalité et la fiction dans une sorte de mise en abyme puisque ce recueil comprend deux nouvelles qui se déroulent dans le cadre du Festival du Cinéma Américain de Deauville et évoque lui-même les relations entre la réalité et la fiction…

    Avant de revenir sur cette sélection 2016, en préambule quelques remerciements:

    -Un grand merci à la librairie de Deauville « Jusqu’aux lueurs de l’aube » pour avoir mis mon recueil de nouvelles sur les festivals de cinéma « Les illusions parallèles » à l’honneur avec les livres de ce festival (ll y est toujours disponible),

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    -un immense merci à France Bleu Basse-Normandie pour m’avoir permis d’évoquer ma passion pour ce festival et la sortie du recueil,

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    -un gigantesque merci à  la charmante Hélène pour avoir consacré une page enthousiaste au recueil sur un coup de cœur et à la dernière minute dans son très beau magazine « Normandie Passion » ,

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    -à Michèle Laroque (pour cet échange passionnant, pour m’avoir mise en avant sur Périscope ainsi que le recueil et mon roman « L’amor dans l’âme » dont une scène clef se déroule également à Deauville, toutes les infos ici)  et merci à Renault pour notre collaboration et pour m’avoir fait confiance pour partager ma passion pour ce festival auprès de ses gagnants,  merci également à Marie Astrid Jamois pour les photos de la rencontre (ci-dessous),

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    -un merci renouvelé à Dominique Saint pour sa séance photos ( c’est toujours un plaisir de poser pour lui  qui arrive à me décrisper- et c’est un défi-, quelques extraits de la séance ci-dessous, je vous parlerai aussi prochainement du très beau livre de photos auquel il a participé ),

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    -merci également à toute l’équipe de Kiehl’s pour l’accueil chaleureux, à Laurent Guyot, Philippine, Thomas et les autres (demain, retrouvez mon article complet sur la marque Kiehl’s sur mon site http://inthemoodforhotelsdeluxe.com), et pour ces soirées qui toujours faisaient rimer classe et convivialité et sans lesquelles le festival n’aurait pas été ce qu’il a été et où il était chaque soir si agréable de passer …et même d’y croiser l’immense Catherine Deneuve au cœur de la nuit, le dernier soir du festival. Définitivement « the place to be »,

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    -à l’hôtel Royal Barrière et toute son équipe et à son directeur M.Casabo pour l’accueil toujours aussi agréable et souriant (la semaine prochaine, retrouvez également mon nouvel article sur l’hôtel Royal Barrière de Deauville sur mon site http://inthemoodforhotelsdeluxe.com et sur mon blog deauvillais http://inthemoodfordeauville.com ),

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    -à Paris Normandie pour le bel article,

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    -et bien sûr à l’équipe du CID, Katia et Marie-Anne en tête, là aussi pour le professionnalisme et l’accueil chaleureux et pour ces 36 pass et invitations pour la clôture qui ont permis de faire des heureux parmi les lecteurs de mes blogs,

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    -sans oublier le restaurant La Cantine de Deauville -suivez leur page Facebook, ici, pour découvrir quotidiennement leurs menus du jour qui défient toute concurrence-, définitivement mon restaurant préféré (accueil et qualité irréprochables et rares) qui a servi de camp de base et de décor à des débats enflammés et des dégustations toujours exquises et inventives (pour mes bonnes adresses à Deauville version 2016, c’est ici, l’article sera également prochainement complété par mes nouvelles adresses testées),

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    et L.L pour cette photo ci-dessus et sa joyeuse présence et bienveillante amitié.

    Films en compétition

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    Mais revenons au cinéma…Vous l’aurez compris, mon coup de cœur de cette 42ème édition s’intitule « Brooklyn village » et a été réalisé par le cinéphile Ira Sach. Il est sorti en France le 21 septembre 2016 donc ne tardez pas trop si vous souhaitez le découvrir.

    Une famille de Manhattan y hérite d’une maison à Brooklyn, dont le rez-de-chaussée est occupé par la boutique de Leonor, une couturière latino-américaine. Les relations sont d’abord très cordiales entre les deux familles, notamment grâce à l’insouciante amitié qui se noue entre Tony et Jake, les enfants des deux foyers qui ont le même âge. Mais le loyer de la boutique (fixé par un arrangement amical par le grand-père de Jake, son père venant d’en hériter à la mort de celui-ci) s’avère bien inférieur aux besoins des nouveaux arrivants. Les discussions d’adultes vont bientôt perturber la complicité entre voisins.

    Alors que beaucoup de films cette année réglaient ou exorcisaient les conflits par la violence ou l’excès, Ira Sachs fait ici preuve d’une rare bienveillance envers ses personnages qui y  gagnent en profondeur, en intérêt, en crédibilité, en émotion. La seule violence est une grève de la parole que les deux enfants mettent en place pour protester contre les décisions d’adultes qu’ils réprouvent. Plutôt que d’opposer la pauvre couturière authentique aux voraces propriétaires qui ne cherchent qu’à s’enrichir et plutôt que de stigmatiser les seconds, Ira Sachs porte un regard plein d’humanité, de compréhension et d’indulgence sur chaque partie, les propriétaires ne vivant que sur un seul salaire, le père étant un comédien de théâtre désargenté.

    En vo le film s’intitule Little Men, et s’il désigne les enfants, ces « petits hommes » peuvent aussi désigner les adultes, tels qu’ils sont dans le regard de leurs enfants, ou tels que chaque adulte reste finalement à jamais, portant simplement le masque de l’adulte mais demeurant aussi perdu, écartelé, et parfois démuni devant les difficultés de l’existence. Sans doute s’agit-il des deux.

    Ajoutez à cela Theo Taplitz et Michael Barbieri, deux jeunes comédiens exceptionnels (magnifique scène ou l’un des deux s’exerce à la comédie pendant laquelle on retient son souffle) et vous obtiendrez un film pudique, délicat, sensible avec des personnages humains, pas des super-héros mais des êtres faillibles et attachants écrits avec une extrême délicatesse, nuancés comme la vie.

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    « Captain Fantastic » de Matt Ross qui, contrairement, à ce que son titre pourrait laisser entendre n’est pas non plus un film de super héros, couronné du prix du jury ex-aequo, du prix du public et d’une des deux standing ovations de ce festival ( sortie en salles en France le 12 octobre) confronte également des enfants à des réalités d’adultes.

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    Dans les forêts reculées du nord-ouest des Etats-Unis, vivant isolé de la société, un père dévoué a consacré sa vie toute entière à l’éducation de ses six jeunes enfants pour qu’ils deviennent des adultes hors du commun.
    Quand le destin les frappe, ils sont contraints d’abandonner le paradis que leur père avait créé pour eux. La découverte du monde extérieur va l’obliger à remettre en question ses méthodes d’éducation et tout ce qu’il avait choisi d’apprendre à ses enfants qui portent les prénoms iconoclastes à l’image de leur éducation : Bodevan, Nai, Rellian, Zaja, Kielyr et Vespyr.

    Là où  « Brooklyn village » confrontait deux réalités mais aussi l’utopie des enfants à la réalité des adultes, évitant aussi tout manichéisme, « Captain Fantastic » confronte l’utopie d’un adulte aux règles sociales et à la réalité du monde, celui de la consommation loin  de la forêt protectrice, sorte d’Eden coupé du monde, où  la famille vit. Le film de Matt Ross a fait souffler un vent d’utopie et d’intelligence salutaires sur cette compétition parfois bien pessimiste.

    Primé au dernier Festival de Cannes 2016 dans la section Un Certain Regard pour sa mise en scène, le film de Matt Ross aurait aussi pu l’être pour sa photographie (signée Stéphane Fontaine). Au lieu d’imposer un point de vue péremptoire sur l’éducation, à travers cette histoire et ses personnages à l’intelligence jubilatoire, Matt Ross questionne le mode d’éducation, montrant des enfants érudits (qui lisent Rousseau, Marx et Nabokov en opposition à leurs cousins, totalement incultes, d’ailleurs peut-être trop, moins de manichéisme en l’espèce aurait été moins efficace certes) et particulièrement résistants à l’effort, aptes à réfléchir mieux que la plupart des adultes mais en décalage avec le monde réel soudain bipolaire (ou du moins dichotomique) comme leur mère ( dont l’absence si présente éclaire le film d’une aura plus sombre) et les enfants de leur âge (ce qui donne lieu à des scènes irrésistibles). Le film est  un parcours initiatique autant pour les enfants que pour le Captain Fantastic dont l’adjectif fantastique désigne davantage sa capacité à se remettre en question que des pouvoirs extraordinaires dont il serait doté même si la fin peut aussi s’apparenter à un renoncement pour celui qui, en guise de père Noël, célèbre le linguiste, philosophe et anarchiste Noam Chomsky (Noël étant remplacé par le Noam Chomsky’s day) en offrant des armes blanches à ses enfants. Des dialogues savoureux (le film est finalement une ode à la communication), une BO jubilatoire, un Viggo Mortensen plus charismatique que jamais et éperdu d’amour pour ses enfants, font de ce « Captain Fantastic » un personnage aussi attachant que le fut une certaine « little Miss Sunshine » primée à Deauville il y a quelques années.

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    L’adolescent de « Transfiguration » de Michael O’Shea n’a lui, en revanche, pas eu la chance d’avoir un « Captain Fantastic » à ses côtés.  A 14 ans, il vit à New York, dans le Queens. Il est orphelin, ignoré par ses camarades de classe et malmené par les élèves plus âgés. Son seul refuge est l’appartement qu’il partage avec son grand frère. Solitaire, il passe son temps à regarder des films de vampire et cache un lourd secret. L’arrivée d’une nouvelle voisine, Sophie (aussi malmenée par la vie), fait naitre en lui des sentiments inédits.

    Premier long-métrage de son réalisateur, « Transfiguration » aurait pu être un une réflexion intéressante sur les ravages du chagrin, d’une douleur sourde si, pour exutoire à sa colère et son traumatisme d’enfance, le jeune Milo  qui préfère « les films de vampire réalistes » (et pour cause !) n’avait pour fâcheuse tendance à tuer et boire le sang de ses proies, se prenant pour un vampire, scènes qui ne sont pas toujours tournées avec subtilité. Reste l’excellente interprétation des jeunes comédiens Chloe Levine et Eric Ruffin et la volonté louable de détourner les codes à la fois du film social et du film de vampire  (« Nosferatu », « Twillight », « Dracula », « Morse » explicitement cités).

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    Les films en compétition cette année nous dépeignaient souvent des personnages confrontés à la solitude, des enfants et des adolescents mais aussi des adultes comme dans «  Certain women », septième long-métrage de Kelly Reichardt, dans lequel les destins de trois femmes se croisent dans une petite ville au cœur du Montana, celui d’une avocate qui intervient lors d’une prise d’otage orchestrée par l’un de ses clients, un homme mécontent persuadé d’avoir été lésé par une décision judiciaire, celui d’une femme qui s’installe avec son mari dans une nouvelle maison et prend conscience du différend qui les sépare quand ils cherchent à persuader un vieil homme de vendre son stock de pierres et enfin d’une ouvrière agricole qui se lie d’amitié avec une jeune avocate, laquelle se retrouve à devoir animer des ateliers d’aide juridique pour adultes, deux fois par semaine, à plus de quatre heures de son domicile.

    Là aussi, sans atteindre la perfection de « Brooklyn village », la réalisatrice regarde ses personnages, avec beaucoup de bienveillance et de délicatesse avec, au service de son histoire (en réalité l’adaptation de trois nouvelles du recueil «Both Ways is the Only Way I Want It» de Maile Meloy), un casting de choix : Laura Dern, Michelle Williams, Kristen Stewart. Elle bannit l’emphase et les effets, ce qui pourra éloigner certains spectateurs mais a le mérite de faire coïncider le fond (des personnages ordinaires que l’on ne remarque pas forcément, et prisonniers de leur solitude) et la forme : la beauté glaciale, presque aride, des paysages du Montana.

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    Autre femme confrontée à la solitude « Christine » dans le film éponyme de Antonio Campos. 1974, Sarasota, Floride. Christine est une journaliste ambitieuse, âgée de 29 ans, sûre de ses compétences et persuadée de réussir dans le métier. Mais le parcours d’une femme déterminée à faire carrière dans les années 1970 n’est pas sans obstacles. La concurrence pour obtenir une promotion est féroce et la crise identitaire n’est jamais loin, surtout si l’on nourrit, comme Christine, un amour non partagé pour un collègue de travail, et que l’on mène une vie familiale tumultueuse. Lorsque la chaîne de télévision WZRB change de ligne éditoriale en décidant de passer davantage de « sensationnel » à l’antenne – en rupture totale avec l’implication journalistique de la jeune femme dans des sujets plus « sérieux » – Christine réussit pourtant à ne pas perdre de vue les objectifs qui sont les siens, tout en surmontant ses doutes et en donnant à voir ce que les gens attendent…

     A l’image du film précédemment évoqué, « Christine » est un beau portrait de femme qui, si elle exerce un métier de l’image, et donc est moins « transparente » que les héroïnes de « Certain women » n’en dissimule pas moins ses blessures et sa solitude. A travers ce beau portrait de femme dans les années 70, en apparence combattante et sûre d’elle, et en réalité déprimée et pétrie de doutes,  c’est aussi une critique du sensationnalisme des médias qui éludent d’ailleurs le vrai sujet (le Watergate), sujet éminemment contemporain pour une actualité plus démagogique et moins brûlante. Rebecca Hall (Christine) aurait presque mérité que soit créé pour elle un prix d’interprétation à Deauville tant elle incarne brillamment ce personnage qui sombre peu à peu tout en étant dans la lumière.

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    Avec  « Complete unknown » de Joshua Marston (que les festivaliers deauvillais connaissent bien puisqu’il avait obtenu le grand prix et le prix de la critique en 2004 avec « Maria, pleine de grâce »), il s’agit à nouveau d’un portrait de femme confronté à la solitude et l’incompréhension et à nouveau, l’accent est mis sur la difficulté à communiquer. Chez lui, à Brooklyn (encore Brooklyn…), Tom (Michael Shannon) fête son anniversaire avec son épouse et ses plus proches amis. L’un d’entre eux vient accompagné d’une jeune femme prénommée Alice (Rachel Weisz), que Tom semble avoir connue par le passé. Alice nie le connaître, mais au cours de la soirée, elle va lui révéler un secret qui pourrait bien changer sa vie tranquille d’homme rangé.

    « Complete Unknown » a également été présenté à Sundance en 2016.  Un film, à l’image de ses deux personnages principaux, auréolés d’un séduisant (et parfois déroutant) mystère qui confère beaucoup de charme et d’élégance à ce film subtilement écrit et interprété. Le film interroge les choix auxquels nous confronte l’existence, les routes entre lesquelles il nous faut choisir. La protagoniste et ses vies multiples est aussi une belle métaphore du cinéma, mensonge sans cesse réitéré mettant en scène des identités multiples. Notamment lors d’une promenade nocturne, entre passé et présent, le temps suspend son vol dans ce joli film qui n’atteint pas la force émotionnelle de « Maria pleine de grâce » mais qui nous charme insidieusement.

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    Dans une sélection plutôt pessimiste, les membres des jurys (critique et révélation) ont été très sensibles à « The Fits » de Anna Rose Holmer, film onirique, abstrait, poétique et plein d’espoir.  Ce film relate l’histoire de Toni, âgée de onze ans, qui s’entraîne dans la salle de boxe de son grand frère. Elle découvre qu’à l’étage au-dessus, un groupe de filles apprend une variante très physique du hip hop, le drill. Attirée par leur énergie, leur force et leur assurance, Toni abandonne peu à peu la boxe pour la danse…

    A l’image des autres jeunes interprètes des films en lice, la jeune Royalty Hightower dont c’est ici le premier film, est remarquable.  C’est aussi le premier long-métrage de fiction d’Anna Rose Holmer qui fut également réalisatrice de documentaire, directrice de la photographie et productrice.   Aux frontières de l’abstraction et du fantastique, riche de symboles et à nouveau rite initiatique, « The Fits » a séduit le jury critique. Ainsi, la Présidente du jury de la Critique, Danielle Heymann en a-t-elle fait l’éloge  avant de lui décerner son prix avant que la présidente du jury Révélation, Audrey Pulvar, en fasse à son tour l’éloge  pour finalement remettre son prix à un autre film (vous suivez ?), “Le Teckel” : ”une plongée hypnotique au cœur et au corps de l’enfance. Le film allie la force et la grâce, la boxe et la danse, le silence et la transe, et capture magnifiquement les troubles de l’adolescence : la jeune Toni qui danse, Toni qui boxe, Toni qui tombe et qui s’élève. Et c’est beau. » « The Fits » sortira en France le 11 janvier 2017.

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    C’est à une a toute autre forme de rite initiatique que sont confrontés les personnages de l’éprouvant « Goat » de Andrew Neel. Après une terrible agression dont il a été victime pendant l’été, Brad Land, âgé de dix-neuf ans, entre à l’université dans l’espoir de reprendre une vie normale. Brett, son frère aîné, est déjà, depuis plusieurs années, sur ce même campus où il appartient à un groupe d’étudiants qui semble offrir aux membres de leur confrérie protection, popularité et amitiés indéfectibles. Brad veut à tout prix faire partie de cette communauté malgré les réserves émises par son frère. S’ensuivent des séances de bizutage de plus en plus cruelles et de plus en plus dégradantes, qui doivent permettre à Brad de devenir enfin un homme, un vrai. Mais ces jeux initiatiques brutaux ne seront pas sans conséquences pour lui et pour ses camarades…

    Le scénario brinquebalant fait une (trop) large place aux scènes du bizutage humiliantes dont on finit par avoir l’impression qu’elles sont filmées avec complaisance (malgré la morale finale qui dénote avec le reste du film et lui fait perdre toute crédibilité) et qui en suscitent un profond malaise. Documentariste, Andrew Neel  signe ici son deuxième long-métrage après avoir produit « Stand clear of the closing doors » de Sam Fleischner, prix du jury au Festival de Deauville 2013, l’histoire de  Ricky, un jeune autiste qui s’enfuyait dans le métro après avoir passé une journée particulièrement difficile à l’école. « Goat » est l’adaptation des mémoires écrites par un ancien étudiant américain, devenu souffre-douleur de sa fraternité. L’occasion aussi de voir James Franco dans un rôle aussi fort qu’antipathique, éloigné de ses idées humanistes, James Franco à qui le Festival du Cinéma Américain de Deauville rendait cette année hommage.

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    Dans « Mean dreams » de Nathan Morlando, à nouveau ce sont des enfants confrontés à des problèmes (et c’est un euphémisme !) d’adultes qui décident de prendre leur destin en mains.  Ce film sortira en salles en France le 4 janvier 2017. Sans doute le seul film dont je regrette qu’il ne figure pas au palmarès. Certes abracadabrantesque, il parvient malgré tout à nous captiver notamment grâce à une réalisation d’une rare précision et intelligence dont  nombreux sont les plans à me rester encore en mémoire.   Quand Jonas, le fils d’un fermier local âgé de quinze ans, rencontre Casey, sa nouvelle voisine du même âge, il en tombe immédiatement amoureux. Au fil de leur idylle, Jonas découvre les dangers et la violence du milieu familial dans lequel vit Casey. Il prend alors l’initiative de s’enfuir avec elle, après avoir volé un sac rempli de billets provenant du trafic de drogue orchestré par le père de Casey, un flic local corrompu. Quand celui-ci se lance à leur poursuite, les deux adolescents vont être confrontés à la dure réalité qui est désormais la leur : comment réussir à survivre et comment faire un choix qui, sans aucun retour en arrière possible, changera leur vie à jamais…

    « Mean Dreams » est à la frontière des genres : thriller, histoire d’amour, road movie, parcours initiatique. Le père (Bill Paxton) incarne le diable personnifié, et il faut y voir là non le signe d’un scénario manichéen et défaillant mais le choix délibérer de conter cette histoire comme une sombre fable, avec les bons et les méchants, le père alcoolique et violent et les enfants qui luttent pour leur survie : plongée brusque dans l’âge adulte signifiant la fin anticipée de l’innocence.

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     « Sing street » de John Carney, a également enthousiasmé les festivaliers qui l’ont couronné, comme « Captain Fantastic », d’une standing ovation, à défaut de lui attribuer le prix du public (décerné au premier). « Sing street »  sortira en salles le 26 octobre 2016, et nous dépeint aussi des adolescents qui prennent leur envol, cette fois par le biais de la musique. Dublin, années 80. La pop, le rock, le métal, la new wave passent en boucle sur les lecteurs K7, vibrent dans les écouteurs des walkmans et le rendez-vous hebdomadaire devant  « Top of the Pops » est incontournable.
    Conor, un lycéen dont les parents sont au bord du divorce, est obligé à contrecœur de rejoindre les bancs de l’école publique dont les règles d’éducation diffèrent de celles de l’école privée qu’il avait l’habitude de fréquenter.
    Il se retrouve au milieu d’élèves turbulents qui le malmènent et de professeurs exigeants qui lui font rapidement comprendre qu’en tant que petit nouveau, il va devoir filer doux. Afin de s’échapper de cet univers violent, il n’a qu’un objectif : impressionner la plus jolie fille du quartier, la mystérieuse Raphina. Il décide alors de monter un groupe et de se lancer dans la musique, univers dans lequel il ne connait rien ni personne, à part les vinyles de sa chambre d’adolescent. Afin de la conquérir,  il lui propose de jouer dans son futur clip.

    Après les ensorcelants « Once » en 2007 et « New York Melody » en 2014, John Carney s’oriente à nouveau vers le style qui lui sied le mieux : le film musical. « Je ne voulais pas tourner un film musical sans raison valable. Je voulais raconter un épisode de ma vie suffisamment intéressant pour que j’aie envie d’en parler. Et je souhaitais que cette histoire soit sincère et personnelle » a spécifié le cinéaste. Ferdia Walsh-Peel qui incarne le protagoniste impressionne par sa maitrise et sa justesse dans ce qui est son premier rôle. « Sing street » est indéniablement le feel good movie par excellence, le genre de film qui vous donne envie d’empoigner la vie, votre destin, et qui vous insuffle une bouffée d’optimisme vous faisant quitter la salle avec plein de  nouvelles résolutions et en fredonnant. Mais ce n’est pas uniquement cela. En toile de fond, l’Irlande des années 80 et ses problèmes sociaux (divorce encore interdit contraignant les parents qui ne s’aiment plus à vivre ensemble) et économiques donnent de l’épaisseur au film même si ses personnages secondaires en manquent justement parfois. Le mode de filmage (à l’épaule) contribue aussi à l’énergie communicative qui se dégage du film. La romance entre Conor et Raphina certes convenue suscite indéniablement l’émotion, Plus intéressant est le personnage du frère, mentor  passé à côté de sa vocation. Evidemment la bande originale et les références musicales sont remarquables et achèvent de nous séduire.

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     « Le Teckel » d’Ira Sachs se situe aux antipodes de la bienveillance joyeuse du film précité mais aussi du film qui a obtenu le grand prix, « Brooklyn village ». Frédéric Mitterrand a salué « son extraordinaire originalité, son humour et son inventivité » avant de lui attribuer le prix du jury ex-aequo (avec « Captain Fantastic »). Audrey Pulvar, présidente du jury Révélation, après avoir donc longuement fait l’éloge de « The Fits » d’Anna Rose Holmer, a elle aussi annoncé que le prix de la Révélation Kiehl’s était attribué au « Teckel » « pour la truculence, la pertinence du propos, le brio de sa mise en scène et la forme anticonformiste comme son metteur en scène sait l’être. » « Le Teckel » sortira en salles en France le 19 octobre 2016.

    « C’est une comédie triste avec du drame. Vous pouvez rire si vous voulez, ou ne pas rire», a expliqué le réalisateur avant la projection du film au CID.  A travers les personnes à qui le teckel appartient successivement, c’est, à nouveau un portrait de l’Amérique qui se dessine. Cela commençait plutôt pas mal avec des parents d’origine bourgeoise (la mère de famille incarnée par Julie Delpy) qui achètent un teckel pour distraire leur fils atteint d’un cancer. La mère, pour expliquer la mort à son jeune fils curieux d’en savoir plus alors que le chien va se faire piquer, fait un parallèle maladroit (pour le moins) avec sa maladie pour répondre à sa question. Le ton est donné. Celui de l’humour macabre. Pas toujours dans la subtilité. Entre le chien Mohammed qui viole les caniches, le travelling sur les crottes de chien sur du Debussy et le chien qui finalement sera nommé cancer par sa dernière propriétaire, Todd Solondz, par cette suite de saynètes qui manquent parfois de liens entre elles (alors que c’était LA bonne idée du film), semble s’évertuer à choquer et provoquer, oubliant le fil de son histoire et parfois son teckel en cours de route, si bien que cette volonté laborieuse et revendiquée de cynisme finit par être lassante alors que les scènes plus burlesques sont réussies comme celle, sorte d’interlude publicitaire, lors de laquelle le teckel marche devant des images d’arrière-plan grotesques. Cette « comédie du désespoir » met à nouveau en scène des personnages esseulés peu bavards auprès desquels l’animal devient un véhicule des espoirs et des attentes  mais il ne suffit pas de filmer des crottes en travelling sur du Debussy dans un caniveau, ni de porter un regard cynique (sinistre) sur les êtres et la vie pour devenir un génie ou un poète maudit ou pour défier la mortalité, l’absurdité et la vulnérabilité de la vie, et donc la mort, ni de faire preuve d’insolence et de vulgarité pour se transformer en philosophe. Ce qui est aussi excessif en devient insignifiant et vain. Dommage, l’idée était formidable, les dialogues sont parfois savoureusement caustiques, et la photographie d’Ed Lachman est remarquable sans oublier un casting de choix qui semble s’en donner à cœur joie. La forme est donc plus que respectable et nous rappelle le talent incontestable de metteur en scène de Todd Solondz (déjà primé à Deauville il y a quelques années).

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    Plus divertissant était « War dogs » judicieusement choisi pour la clôture.

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    Plutôt que de vous parler du film de clôture, « War dogs » (photos ci-dessus), je préfère évoquer  l’envoûtant et magnétique « Born to be blue », premier long-métrage de Robert Budreau sur la tragique histoire du trompettiste de jazz Chet Baker, depuis son comeback dans les années 70 jusqu’à sa disparition brutale…

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    Ethan Hawke et Robert Budreau, le réalisateur de ce biopic (qu’il serait d’ailleurs réducteur et même inexact de qualifier ainsi) ont en commun une véritable passion pour le trompettiste et chanteur de jazz Chet Baker. L’acteur américain avait en effet déjà travaillé sur le scénario d’une journée dans la vie de Chet Baker, le James Dean du jazz, un film qui qui n’a jamais été tourné. Le film alterne les temporalités, la couleur, souvent magnétique et crépusculaire, et le noir et blanc nostalgique, la fiction dans la fiction (Chet Baker devait tourner un film sur sa vie) et la fiction qui raconte la vie de Chet Baker. Une structure dichotomique à l’image de cet être écartelé entre sa passion viscérale et ses démons. Un être multiple qu’un flashback fait passer d’une cellule d’une prison italienne à ses débuts devant Miles Davis et Dizzy Gillespie à une scène du film dans le film (s’inspirant du projet du producteur Dino de Laurentiis de 1966) dans laquelle Baker, qui joue son propre rôle, prend de l’héroïne pour la première fois, incité par une admiratrice.

    Au-delà du portrait du grand artiste, « Born to Be Blue » est un film sur les affres de la création, sur les revers du succès et de la vie d’artiste, sur la versatilité du destin. Le portrait d’un homme, seul blanc trompettiste de l’époque, qui place l’amour de son art, vital, au-dessus de tout et prêt à tous les sacrifices et douleurs pour effectuer son retour, épaulé seulement par sa compagne Jane quand même son propre père ne croit plus en lui. Le titre se réfère d’ailleurs à une chanson que lui jouait son père. Ethan Hawke, à fleur de peau, EST Chet Baker et porte ce rôle, cette personnalité aussi séduisante que fragile, sur ses épaules et lorsque, lors d’une ultime chance,  cet écorché vif chante « My Funny Valentine » devant des professionnels, c’est poignant et nous retenons notre souffle à sa voix brisée. Ce film judicieusement construit et mis en abyme, enfiévré de la musique, de l’amour et des excès qui portaient et détruisaient l’artiste est une enivrante et bouleversante mélodie du malheur et finalement le plus beau des hommages que l’on pouvait consacrer à l’artiste, et aux artistes qui se consument pour leur art. Un film nimbé d’une mélancolie envoûtante et foudroyante de beauté…comme un air de jazz joué par Chet Baker. Comme les derniers soupirs d’un artiste. Les plus intenses et émouvants.

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    Changement d’époque avec « Free state of Jones » de Gary Ross (« Hunger games ») qui se déroule en pleine guerre de Sécession. Newton Knight, courageux fermier du Mississippi, prend la tête d’un groupe de modestes paysans blancs et d’esclaves en fuite pour se battre contre les États confédérés. Formant un régiment de rebelles indomptables, Knight et ses hommes ont l’avantage stratégique de connaître le terrain, même si leurs ennemis sont bien plus nombreux et beaucoup mieux armés… Résolument engagé contre l’injustice et l’exploitation humaine, l’intrépide fermier fonde le premier État d’hommes libres où Noirs et Blancs sont à égalité.

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    Le premier atout de ce film est de nous faire connaître et de réhabiliter son héros dont le souvenir a été broyé dans le galimatias de l’Histoire même si cette période a souvent inspiré les cinéastes à commencer par le « maître » Spielberg avec le formidable « Lincoln » ou encore des chefs-d’œuvre de l’Histoire du cinéma comme « Autant en emporte le vent ». Cette période de la Guerre de Sécession qui s’étend de 1861 à 1865 de par les conflits et les injustices qu’elle recèle est bien évidemment éminemment cinématographique, tout comme la période qui lui succède et qui est le cadre de ce film. L’approche du directeur de la photographie Benoît Delhomme qui consistait à utiliser au maximum les éclairages naturels donne aux marécages de Louisiane une véracité intemporelle et une sombre et menaçante beauté. Matthew McConaughey incarne à la perfection le vaillant héros humaniste, enfiévré d’absolu, porté par son juste combat contre une injustice barbare devenue la  révoltante norme.  Ce film possède un indéniable souffle épique au-delà de son intérêt historique.  Dommage qu’il souffre d’une construction appuyée et artificielle et que le flash-forward sur le combat d’un descendant de Newton dans le Mississippi ségrégationniste des années 50, destiné à montrer que le racisme n’a pas disparu avec le temps, manque de subtilité. Un simple plan métaphorique aurait suffi à nous faire comprendre ce que ces inutiles flash-forwards qui coupent le rythme du film nous explicitent de manière beaucoup trop démonstrative et factice.

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    « In dubious battle » de James Franco (à qui le festival rendait hommage cette année et qui a donné une passionnante conférence de presse) raconte aussi un combat humaniste contre l’injustice.

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    En Californie, dans la vallée de Salinas plantée de vergers, neuf cents ouvriers migrants se soulèvent « en un combat douteux » contre les propriétaires terriens. Tirant sa force de chacun des individus qui le composent, le groupe a pour meneur un certain Jim Nolan dont l’idéalisme tragique conduit les grévistes à avoir désormais le courage de « ne plus jamais se soumettre, de ne plus jamais céder ».

    « En un combat douteux » (« In Dubious Battle »), est une nouvelle adaptation littéraire pour James Franco (adepte du genre et amoureux fou de la littérature) une adaptation d’un roman de John Steinbeck paru en 1936, autant dire un véritable défi même si les romans de Steinbeck ont souvent donné lieu à des chefs d’œuvre (« Les raisins de la colère » de John Ford, « A l’Est d’Eden » d’Elia Kazan), la richesse et la complexité de son œuvre rendent son adaptation particulièrement périlleuse et ardue. Pour gravir cette montagne, James Franco (lui-même au casting) s’est entouré d’acteurs de premier plan : Robert Duvall, Ed Harris, Bryan Cranston, Sam Shepard…  Le film nous immerge à ses côtés dans ce combat. Sans concessions aux facilités hollywoodiennes, porté par les mots captivants et admirables de Steinbeck le film de Franco interroge les limites que doit franchir un combat aussi juste soit-il, interroge les mensonges qu’il faut proférer pour que l’humanité soit victorieuse, les sacrifices, compromis et compromissions qu’il faut accomplir pour qu’aboutisse un combat au risque même, pour  parvenir à ses fins aussi nobles soient-elles, de bafouer les principes défendus. La musique, l’interprétation, la photographie sombre et crépusculaire, les mots savoureux contribuent à faire de ce film un long et fascinant poème désenchanté si bien que les mots de Steinbeck semblent prendre forme sous nos yeux tant chaque plan en possède la richesse, la force, la profondeur, la fièvre. Un magnifique hommage au livre dont il est l’adaptation et à ces combattants sacrifiés.

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    Autre avant-première. Autre hommage. « Where to invade next », le documentaire présenté dans le cadre de l’hommage à Michael Moore (qui a annulé sa venue trois jours avant  la projection) était donc présenté en avant-première à Deauville après Toronto et Berlin.

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    Michael Moore n’avait pas tourné depuis « Capitalism: A Love Story ». Le voilà parti avec sa caméra pour envahir et voler le meilleur de notre continent au profit des Etats-Unis. Pour filmer facilement, sans autorisation, le réalisateur était accompagné d’une équipe restreinte et le voilà parti, caméra au poing et armé de sa bannière étoilée qu’il plante fièrement dans chacun de ses territoires envahis. Bien sûr, Michael Moore conserve son sens indéniable de la formule, de la mise en scène, (de sa propre mise en scène, aussi, surtout) avec musique emphatique et voix péremptoire et solennelle de rigueur, et incontestable sens de la provocation (dire à des policiers portugais dans un pays où a été dépénalisé l’usage de la drogue qu’il a de la cocaïne dans sa poche, pour démontrer les « vertus » de cette dépénalisation sur laquelle il ne tarit pas d’éloges). Sa mauvaise foi  et sa démagogie n’ont jamais été aussi flagrants que dans ce film qui présente l’Europe comme une sorte d’Eden si bien que, au lieu de servir son propos, ses outrances finissent par lui nuire et l’agacement l’emporte. Alors, « cueillir les fleurs, pas les mauvaises herbes », certes, mais les premières finissent à en perdre leur parfum et à exhaler l’odeur nauséabonde des secondes à force de mépris pour ces dernières.  Idylliques sont les cantines françaises (Moore a trouvé LA cantine normande où on mange des coquilles Saint-Jacques le midi, ce qui est montré comme une généralité), les prisons norvégiennes et le pardon qui semble être une religion nationale (témoignage et pardon du père d’une des victimes d’ Anders Behring Breivik à l’appui, là aussi présenté comme une généralité), les congés payés en Italie, les usines allemandes et leurs conditions de travail, s’extasiant parce qu’il y a des fenêtres, l’université gratuite en Slovénie, l’école finlandaise (sans devoirs pour faciliter l’épanouissement). Plutôt que de défendre un point de vue, Moore nous l’assène et manipule l’image à son service. Son film finit par ressembler à ces films manichéens américains contre lesquels il s’insurge probablement et à l’apparenter aux extrémistes du bord opposé. Naïf au mieux, malhonnête au pire et surtout caricatural recourant aux pires clichés, son film manque de contrepoids qui aurait donné davantage de force et de crédibilité à son propos. Si le film de Franco évoque la manipulation nécessaire pour servir un idéal, le film de Moore illustre parfaitement l’inverse, comment desservir un idéal, aussi noble soit-il, en manipulant les idées et l’image. Tout cela pour finir par déclarer son amour éperdu pour son pays.

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    Autre déception avec « Imperium » de Daniel Ragussis dans lequel Daniel Radcliffe incarne Nate Foster, un jeune agent de renseignements qui travaille pour le FBI. Surdiplômé et parlant couramment l’arabe après avoir servi en Irak pour le compte du ministère des Affaires étrangères, il a rejoint le Bureau afin d’éviter qu’un nouvel 11-Septembre ne se produise. Lorsque le FBI découvre une cargaison illégale de Cesium-137 – le principal composant servant à la fabrication d’une bombe –, le jeune homme se range à l’avis de l’agent en charge de cette affaire, Angela Zampino, elle-même persuadée que ce projet d’attentat n’est pas l’œuvre d’extrémistes musulmans mais de suprémacistes blancs. Nate Foster décide alors d’infiltrer ce groupe et d’assumer une nouvelle identité, pourtant contraire à ses principes…

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    Si Daniel Radcliffe a, à juste titre, séduit les festivaliers deauvillais par son humilité et son implication,  ce rôle n’est certainement pas celui qui lui convient le mieux, et sa bonne volonté ne parvient pas à combler le hiatus entre son physique et la fonction du personnage qui infiltre le groupe avec beaucoup trop de facilités sans compter des failles scénaristiques béantes qui font que le film perd notre intérêt et notre croyance en l’histoire en cours de route. Dommage, Daniel Radcliffe a au moins le mérite de ne pas aller vers des rôles attendus conforme à l’image de petit sorcier qui a forgé sa notoriété.

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    Dans le film d’ouverture, « Infiltrator », quatrième long-métrage de Brad Furman, beaucoup plus palpitant, il était aussi question d’infiltrer un groupe peu affable (c’est évidemment un euphémisme).  Au casting : Bryan Cranston, Diane Kruger, John Leguizamo, Benjamin Bratt, Yul Vasquez …  Ce film raconte l’histoire (vraie) de l’agent fédéral Bob Mazur (s’inspirant de son autobiographie) qui a pour mission d’infiltrer le cartel de drogue de Pablo Escobar sous la couverture de Bob Musella, homme d’affaires spécialisé dans le blanchiment d’argent à hauteur de millions. Son but : faire tomber 85 barons et une banque internationale. Son plan : s’inventer un passé, une identité, une fiancée.

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     Là aussi (décidément) la morale est confrontée au devoir, la mission à accomplir nécessitant de bafouer certains principes, la frontière devenant de plus en plus floue entre la légalité et l’illégalité, Bob Musella se rapprochant de l’ennemi au point de se lier d’amitié avec lui. Certaines scènes sont  d’une efficacité redoutable. Dommage que le personnage féminin ne serve que de faire-valoir et soit aussi peu crédible, malgré l’engagement de Diane Krüger (qui incarne ici la « fausse » fiancée, scène d’ailleurs très réussie quand l’infiltré est surpris au restaurant avec sa vraie femme). Certaines scènes clefs et notamment le dénouement qui recèlent pourtant tous les ingrédients du thriller haletant manquent d’ampleur.

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    Je termine, à dessein, par  l’histoire d’amour de cette 42ème édition, réalisée par un des membres du jury du festival, Radu Mihaileanu, un film immodestement appelé « L’Histoire de l’Amour » New York, de nos jours, Léo, un vieux juif polonais immigré, espiègle et drôle, vit dans le souvenir de « la femme la plus aimée au monde », le grand amour de sa vie. A l’autre bout de la ville, Alma, dans la fougue d’une adolescence pleine de passion, découvre l’amour pour la première fois. Rien ne semble lier Leo à Alma. Et pourtant… De la Pologne des années 30 à Central Park aujourd’hui, le manuscrit d’un livre, « L’Histoire de l’Amour », va voyager à travers le temps et les continents pour unir leurs destinées.

    Avant la projection, le cinéaste a prévenu les festivaliers : « J’espère que vous avez fait une bonne sieste car le début du film est difficile ». Il a eu bien tort de sous-estimer la limpidité de son travail (et l’état d’éveil du spectateur) car si la structure du film est labyrinthique son écriture brillante (un modèle de scénario) la rend aisément compréhensible.  Cette adaptation du roman desont à l’origine de ce projet d’adaptation auquel le cinéaste a adhéré avec enthousiasme.

    « Il me semble qu’aujourd’hui la plus grave et profonde crise que l’humanité traverse – qui engendre toutes les autres – est l’incapacité d’aimer l’autre. Nous vivons une époque où l’amour de soi triomphe sur le projet de vie d’avoir la joie et la satisfaction de faire du bien à l’autre, de croire en l’autre. Parfois l’amour semble désuet, dégradant, ringard, « conservateur ». J’ai adoré défendre ces dinosaures utopistes qui se battent pour le sentiment amoureux, pour l’amour qui aide à survivre à tout », a-t-il ainsi déclaré. Si le film peut sembler au début désuet, voire suranné, la force du propos, de la mise en scène, de l’interprétation, de l’Histoire nous emportent rapidement dans leur tourbillon d’émotions et dans cette histoire romanesque comme il en existe désormais si peu. La complexité de la narration au lieu de perdre le spectateur et de dissoudre son émotion et son attention ne contribuent qu’à l’accroître pour le bouleverser au dénouement lorsque toutes les pièces du puzzle se reconstituent. Avec ce film, Radu Mihaileanu milite d’une autre manière, pour la croyance dans le romanesque de l’existence, dans la capacité de l’amour à transcender la mort et les épreuves de la vie, et à réunir les êtres. La musique d’Armand Amar avec lequel le cinéaste travaille depuis « Va, vis et deviens » en 2005 exacerbe encore le souffle romantique du film entre  la clarinette, le violon et les cuivres qui nous fendent le cœur. Un film universel. Un conte d’une sensibilité rare qui est une déclaration d’amour aux pouvoirs des mots et de l’écrit qui transcendent la mort. (Je vous en parlerai plus longuement et comme il se doit lors de sa sortie en salles le 9 novembre 2016). Alors laissez-vous embarquer et terminons comme nous avons commencé : « once upon a time »…

    Palmarès du festival

    Grand Prix

    Brooklyn Village

    Brooklyn Village

    DE Ira Sachs
     

    Prix du jury

    CAPTAIN FANTASTIC

    CAPTAIN FANTASTIC

    DE Matt Ross
    LE TECKEL

    LE TECKEL

    DE Todd Solondz
     

    Prix de la critique

    THE FITS

    THE FITS

    DE Anna Rose Holmer
     

    PRIX DU PUBLIC DE LA VILLE DE DEAUVILLE

    CAPTAIN FANTASTIC

    CAPTAIN FANTASTIC

    DE Matt Ross
     

    PRIX D’ORNANO VALENTI

    WILLY 1er

    WILLY 1er

    DE
     
      Ludovic Boukherma, Zoran Boukherma, Marielle Gautier

                                                                      PRIX KIEHL’S DE LA RÉVÉLATION

    LE TECKEL

    LE TECKEL

    DE Todd Solondz
     
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