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Avant-première- Festival de Deauville 2011 - Critique de "Drive" de Nicolas Winding Refn

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« Drive » de Nicolas Winding Refn avait créé l’évènement lors du dernier Festival de Cannes duquel il était d’ailleurs reparti avec un prix de la mise en scène. L’ayant alors manqué, je l’a finalement vu à Deauville où il était présenté en avant-première après la remise des trophées du Nouvel Hollywood (nouveauté de ce festival 2011) à Jessica Chastain et Ryan Gosling… en leur absence (mais ne manquez pas le discours de ce dernier lu par Nicolas Winding Refn, petit bijou de lucidité et d’humour).

Drive est l'adaptation du livre éponyme écrit par James Sallis ; c’est  le scénariste Hossein Amini qui a  transformé le roman en scénario.

 C’est l’histoire d’un jeune homme solitaire, "The Driver" (Ryan Gosling),  qui conduit le jour à Hollywood pour le cinéma en tant que cascadeur et la nuit pour des truands. Il a pour « principe » de ne participer aux crimes de ses employeurs qu’en conduisant et de n’être jamais armé. Sa  route croise celle d’Irene (Carey Mulligan) et de son jeune fils, ses voisins, et il succombe rapidement au charme de l’un et l’autre, et réciproquement. Lorsque le mari d’Irene sort de prison et se retrouve enrôlé de force dans un braquage pour s’acquitter d’une dette, il décide pourtant de lui venir en aide. L’expédition tourne mal… Doublé par ses commanditaires, et obsédé par les risques qui pèsent sur Irene, il n’a dès lors pas d’autre alternative que de les traquer un à un…

Cela commence sur les chapeaux de roue : une mise en scène époustouflante, flamboyante et crépusculaire, qui nous fait ressentir les sensations trépidantes, périlleuses et vertigineuses de ce chauffeur hors pair et  mutique, au sourire retenu, dans une ville de Los Angeles tentaculaire, éblouissante et menaçante. Mais « The Driver » porte un masque, au propre comme au figuré (symbolisme un peu simpliste pour nous dire de nous méfier des apparences qui ne reflètent pas la réalité et pour symboliser la fragile frontière entre cinéma et réalité) et derrière ce chauffeur mutique d’allure plutôt sympathique va se révéler un vengeur impitoyable, sournois et trompeur comme le scorpion qu'il arbore sur sa veste, prêt à tous les excès pour protéger ceux qu’il « aime ».

 La violence psychologique s’annonce palpitante : pris dans un étau, il n’a d’autre solution que de commettre un méfait pour le mari d’Irène, pour sauver celle-ci … malheureusement ce qui dans la première partie s’annonçait comme un film à suspense se transforme en règlement de compte sanguinolent dans lequel l’intrigue devient inexistante et simple prétexte à une suite de scènes sanglantes, invraisemblables et vaines sans parler du personnage féminin totalement velléitaire.

 Là où un cinéaste comme James Gray -même si la mise en scène de Nicolas Winding Refn lorgne plus du côté de celle de Michael Mann- sublime une ville, en l’occurrence New York, et traite lui aussi de vengeance et d’amour, mais sans jamais mettre le scénario de côté, ou sans qu’un de ces aspects prennent le pas sur les autres, Nicolas Winding Refn se laisse entraîner par une sorte de fascination pour la violence (me rappelant ainsi la phrase de Coppola lors de sa master class deauvillaise « Montrer la guerre c’est déjà faire l’éloge de la guerre »), montrant pourtant le temps d’un meurtre sur la plage qu’il savait très bien filmer la mort, avec une force prenante, sans que cela tourne à la boucherie ridicule.

Ryan Gosling est certes époustouflant (et il a confirmé dans "Crazy, stupid love," la large palette de son jeu et sa capacité à tourner son image en dérision, au passage comédie romantique qui détourne puis respecte habilement les codes du genre) et derrière sa gueule d’ange dissimule une violence froide, se transformant en un vengeur impitoyable qu’il est pourtant difficile de prendre en sympathie ou même en empathie alors que tout au début s'y prêtait pourtant.

Dommage car la première partie était jubilatoire, réellement, de par la mise en scène qui nous fait éprouver ses sensations de vitesse et de mélancolie vertigineuses (sombre et belle alliance) mais aussi de par les contradictions du personnage principal et des conflits que cela annonçait. Dommage encore car la première partie était particulièrement prometteuse  avec des scènes plus calmes d’une beauté saisissante  comme ce face-à-face entre Irène et The Driver, dans l’appartement d’Irène, scène dans laquelle le temps est suspendu et dans laquelle les échanges évasifs de regards et les silences d’une douce sensualité en disent tellement. Sans parler évidemment d’une bo remarquable qui contribue fortement au caractère jubilatoire de la première partie.

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Nicolas Winding Refn a ravi le prix de la mise en scène à Pedro Almodovar à Cannes qui, à mon avis, l’aurait davantage mérité (pour « La Piel que habito »), ne serait-ce que  parce qu’il a brillamment raconté une histoire cruelle, terrible, effroyable où toute la finesse de la mise en scène réside justement dans ce qui n’est pas montré et qui n’en a que plus de force…

A voir néanmoins pour les amateurs de séries B auxquelles le film rend hommage, pour ceux pour qui la virtuosité de la mise en scène prédomine sur un scénario bancal, voire vide (dans la deuxième partie), ce qui n’enlève certes rien à la force de l’univers visuel de Nicolas Winding Refn mais ce qui pour moi a gâché tout le plaisir engendré par la première partie. La violence absurde et les excès du personnage principal (qui promettait là aussi d'être d'une complexité passionnante), sans parler des réactions invraisemblablement vélléitaires du personnage féminin, le manichéisme des méchants du film, l’ont emporté ainsi sur une première partie prometteuse comme rarement avec des images et une musique qui, encore maintenant, me restent en tête. Un magnifique clip, à défaut du grand film que la première partie annonçait pourtant. Surtout, un beau gâchis.

 

Commentaires

  • Bonjour !!!
    Reprise mouvementée, que peu de temps pour flaner par ici, mais je reviens avec plaisir lire les nouveaux messages :)
    Drive...., que j'ai pu voir également, mais le dernier jour... et donc je n'avais pas entendu ce discours jubilatoire !!
    Concernant le film je suis en partie d'accord. Sans révéler les scènes (il n'y aurait plus de surprise pour ceux qui iront le voir), je dirai tout de même que la seconde partie tourne parfois au ridicule, à l'éxagération, et c'est bien dommage. J'étais scotché après les 1ères minutes de par les images mais aussi la bande son (magnifique !), et je reste un peu sur ma faim ensuite. Ceci dit, je le conseillerai malgré tout, car le talent de Ryan Gosling et la 1ère partie valent vraiment la peine !

    Mais même si je n'ai pas tout vu (difficile malgré tout), mes préférés sont:
    - la couleur des sentiments
    - the artist
    - trust (si un prix d'interprétation existait je le donnerai d'ailleurs volontiers à la jeune Liana Liberato, qui vole la vedette à Clive Owen !)
    - restless
    - detachment
    - crazy stupid love

    Viennent ensuite :
    - another earth (original)
    - on the ice
    - without (belle interprétation là aussi)
    - the conspirator

    En revanche, j'ai pour ma part été extrèmement déçu du dernier Abel Ferrara !!

    Mais il y aurait bcp à dire, je ne veux pas que ce commentaire deviennent plus long que l'article :p

    Au plaisir de vous recroiser en tout cas, ce fut trop bref, faute de temps (timing) et de temps (soleil)...!

  • @Stéphane: Oui, je conseillerais aussi "Drive" pour le jeu de Gosling et la qualité de la mise en scène, c'est vraiment dommage que la seconde partie ne soit pas à la hauteur... Je n'ai pas vu le dernier Abel Ferrara mais vue l'heure à laquelle il a été projeté, je me suis doutée que ce n'était pas un chef d'oeuvre si les organisateurs ne le mettaient pas davantage en avant. Mon "palmarès" du festival est sensiblement le même que le vôtre... A un prochain festival! (oui, le temps manquait cette année, aussi bien météorologique qu'en minutes).

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