Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Mes "nuits américaines": les incontournables du cinéma américain

33754a82eb74a9aa9bef6e197b83b6de.jpg

 En attendant d’en savoir davantage sur la programmation de ce 33ème Festival du Cinéma Américain que je vous détaillerai bien entendu ici, je vous propose la liste de mes 37 (tout simplement parce que je n’ai pas pu en choisir moins, tant pis pour la logique : je souhaitais initialement n’en prendre que 33 mais c’était rigoureusement impossible…) films américains incontournables …aussi divers soient-ils, en espérant que certains d’entre eux seront projetés lors des « Nuits américaines » du festival.  Certains sont des chefs d’œuvre, d’autres des films de pur  divertissement.

Evidemment une telle liste imposait des choix cornéliens. J’ai donc délibérément opté pour un film par réalisateur, certains méritant de voir toute leur filmographie figurer dans cette liste. Ainsi comment choisir entre Le Parrain et Apocalypse now ?  Entre Un tramway nommé désir,  A l’Est d’Eden et la Fièvre dans le sang ? Entre Le Dictateur, la Ruée vers l’or et les feux de la rampe ?  Entre Propriété interdite et Out of Africa ? Entre Manhattan et La Rose pourpre du Caire ? Mission impossible.

 J’ai également choisi comme critère la nationalité américaine des films et non celle des réalisateurs, certains étant ainsi de nationalités autres qu’américaines et notamment britannique. J’assume évidemment l’entière subjectivité d’un tel classement.

Les films sont classés par ordre chronologique et par décennies… avec une prédilection pour le cinéma américain des décennies 1940 et 1950.

Un grand nombre de réalisateurs de ces films comme W.Allen, S.Pollack, F.F Coppola ont d’ailleurs foulé les Planches deauvillaises... et, qui sait, peut-être les fouleront-ils de nouveau en 2007.

Vos commentaires, ajouts et réclamations sont les bienvenus !

Et vous, quels sont vos films américains incontournables?

                                                                            Années 1920

6c3d2b0ac00467ed639e32497169e62d.jpg

1. L’Aurore de Murnau-1927

2. Le Mécano de la « Général » de B.Keaton-1927

Années 1930

4b0b614f3e2ad265db619b407e67cfcf.jpg

                                                   3. Autant en emporte le vent de V.Fleming-1939

4. Elle et lui de L. McCarey- 1939

                                             5. La Chevauchée fantastique de J.Ford-1939                                                

Années 1940

aa3ab5c524f1cda7acc9111a12f08b80.jpg

6. Le Dictateur de C.Chaplin-1940

7. Citizen Kane de O.Welles-1941

8. Casablanca de M.Curtiz-1942

9. Laura d’Otto Preminger-1944

10. La vie est belle de F. Capra-1946

11. Gilda de C.Vidor-1946

Années 1950

09ba3eeefda82b7a99e712c276a240b0.jpg

12. Eve de Mankiewicz-1950

13. La flèche brisée de D.Daves-1950

14. Les Ensorcelés de V.Minnelli-1952

15. Le train sifflera trois fois de F. Zinnemann-1952

16. La fureur de vivre de N.Ray-1955

17. La nuit du chasseur de C.Laughton-1955

18. Sueurs froides de A.Hitchcock-1958

19. Ben Hur de W.Wyler-1959

20. Certains l’aiment chaud de B.Wilder-1959

21. Rio Bravo de H.Hawks-1959

                                                                          Années 1960

1676b4e79c4bac151f1a7f0cf28e603d.jpg

22. Les Désaxés de J.Huston-1960

23. La fièvre dans le sang de E.Kazan-1961

24. La poursuite impitoyable d’A.Penn-1966

25. Propriété interdite de S.Pollack-1966

                                                                         Années 1970

9e37e6119627294551e7be65cb3f53e8.jpg

26. Apocalypse now de F.F Coppola-1979

27. Manhattan de W.Allen-1979

                                                                        Années 1980

243c8afee2b7c193937385af49f7dc57.jpg

28. ET de Steven Spielberg-1982

                                                                         Années 1990

4b132d457d43a5cb81706dccfe4ab99f.jpg

29. Edward aux mains d’argent de T.Burton-1990

30. Retour à Howards end- de J. Ivory-1991

31. Le temps de l’innocence de M.Scorsese-1993

                                                       32. Looking for Richard-Al Pacino-1995

                                               33. Sur la route de Madison de C.Eastwood-1995

                                                                         Années 2000

1296ff16cb1d71e0fb1da2d7c679157a.jpg

34. Mulholland drive De David Lynch-2001

35. Elephant de G.Van Sant-2003

36. Babel de A.G Inarritu-2006

37. Casino Royale de  Martin Campbell-2006

Je vous propose ci-dessous deux critiques de films figurant dans ce palmarès que vous pourrez également trouver sur mon autre blog "In the mood for cinema": "Babel" de A.G Inarritu et "Sur la route de Madison" de Clint Eastwood.

Critique de "Sur la route de Madison" de Clint Eastwood (1995)

medium_route_1_bis.2.jpgL’éphémère peut avoir des accents d’éternité, quatre jours, quelques heures peuvent changer, illuminer et sublimer une vie. Du moins, Francesca Johnson (Meryl Streep)  et Robert Kincaid (Clint Eastwood) le croient-il et le spectateur aussi, forcément, inévitablement, après ce voyage bouleversant sur cette route de Madison qui nous emmène bien plus loin que sur ce chemin poussiéreux de l’Iowa. Caroline et son frère Michael Johnson  reviennent dans la maison où ils ont grandi pour régler la succession de leur mère, Francesca. Mais quelle idée saugrenue a-t-elle donc eu de vouloir être incinérée et d’exiger de faire jeter ses cendres du pont de Roseman, au lieu d’être enterrée auprès de son défunt mari ? Pour qu’ils sachent enfin qui elle était réellement, pour qu’ils comprennent, elle leur a laissé une longue lettre qui les ramène de nombreuses années en arrière, un été de 1965… un matin d’été de 1965, de ces matins où la chaleur engourdit les pensées, et réveille parfois les regrets. Francesca est seule. Ses enfants et son mari sont partis pour un concours agricole, pour quatre jours, quatre jours qui s’écouleront probablement au rythme hypnotique et routinier de la  vie de la ferme sauf qu’un photographe au National Geographic, Robert Kincaid, emprunte la route poussiéreuse pour venir demander son chemin. Sauf que, parfois, quatre jours peuvent devenir éternels.

Sur la route de Madison aurait alors pu être un mélodrame mièvre et sirupeux, à l’image du best-seller de Robert James Waller dont il est l’adaptation. Sur la route de Madison est tout sauf cela. Chaque plan, chaque mot, chaque geste suggèrent l’évidence de l’amour qui éclôt entre les deux personnages. Ils n’auraient pourtant jamais dû se rencontrer : elle a une quarantaine d’années et, des années auparavant, elle a quitté sa ville italienne de Bari et son métier de professeur pour se marier dans l’Iowa et y élever ses enfants. Elle n’a plus bougé depuis. A 50 ans, solitaire, il n’a jamais suivi que ses désirs, parcourant le monde au gré de ses photographies. Leurs chemins respectifs ne prendront pourtant réellement sens que sur cette route de Madison. Ce jour de 1965, ils n’ont plus d’âge, plus de passé, juste cette évidence qui s’impose à eux et à nous, transparaissant dans chaque seconde du film, par le talent du réalisateur Clint Eastwood. Francesca passe une main dans ses cheveux, jette un regard nostalgico-mélancolique vers la fenêtre alors que son mari et ses enfants mangent, sans lui parler, sans la regarder: on entrevoit déjà ses envies d’ailleurs, d’autre chose. Elle semble attendre Robert Kincaid avant même de savoir qu’il existe et qu’il viendra.

Chaque geste, simplement et magnifiquement filmé, est empreint de poésie, de langueur mélancolique, des prémisses de leur passion inéluctable : la touchante maladresse avec laquelle Francesca indique son chemin à Robert; la jambe de Francesca frôlée furtivement par le bras de Robert;  la main de Francesca caressant, d'un geste faussement machinal, le col de la chemise de Robert assis, de dos, tandis qu’elle répond au téléphone; la main de Robert qui, sans se retourner, se pose sur la sienne; Francesca qui observe Robert à la dérobée à travers les planches du pont de Roseman, puis quand il se rafraîchit à la fontaine de la cour; et c’est le glissement progressif vers le vertige irrésistible. Les esprits étriqués des habitants renforcent cette impression d’instants volés, sublimés.

Francesca, pourtant, choisira de rester avec son mari très « correct » à côté duquel son existence sommeillait, plutôt que de partir avec cet homme libre qui « préfère le mystère » qui l’a réveillée, révélée, pour ne pas ternir, souiller, ces 4 jours par le remord d’avoir laissé une famille en proie aux ragots. Aussi parce que « les vieux rêves sont de beaux rêves, même s’ils ne se sont pas réalisés ». 

 Et puis, ils se revoient une dernière fois, un jour de pluie, à travers la vitre embuée de leurs voitures respectives. Francesca attend son mari dans la voiture. Robert est dans la sienne. Il suffirait d’une seconde… Elle hésite. Trop tard, son mari revient dans la voiture et avec lui : la routine, la réalité, la raison.  Puis, la voiture de Francesca et de son mari suit celle de Robert. Quelques secondes encore, le temps suspend son vol à nouveau, instant sublimement douloureux. Puis, la voiture s’éloigne. A jamais. Les souvenirs se cristalliseront au son du blues qu’ils écoutaient ensemble, qu’ils continueront à écouter chacun de leur côté, souvenir de ces instants immortels, d’ailleurs immortalisés des années plus tard par un album de photographies intitulé « Four days ». Avant que leurs cendres ne soient réunies à jamais du pont de Roseman.  Avant que les enfants de Francesca ne réalisent son immense sacrifice. Et  leur passivité. Et la médiocrité de leurs existences. Et leur envie d'exister, à leur tour. Son sacrifice en valait-il la peine ? Son amour aurait-il survécu au remord et au temps ?...

Sans esbroufe, comme si les images s’étaient imposées à lui avec la même évidence que l’amour s’est imposé à ses protagonistes, Clint Eastwood filme simplement, majestueusement, la fugacité de cette évidence. Sans gros plan, sans insistance, avec simplicité, il nous fait croire aux« certitudes qui n’arrivent qu’une fois dans une vie » ou nous renforce dans notre croyance qu’elles peuvent exister, c'est selon. Peu importe quand. Un bel été de 1965 ou à un autre moment. Peu importe où. Dans un village perdu de l’Iowa ou ailleurs. Une sublime certitude. Une magnifique évidence. Celle d’une rencontre intemporelle et éphémère, fugace et éternelle. Un chef d’œuvre d’une poésie sensuelle et envoûtante. A voir absolument.

Remarque: La pièce de James Waller dont est tiré le film sera reprise au théâtre Marigny, à Paris, en janvier 2007, et les deux rôles principaux seront repris par Alain Delon et Mireille Darc.

Ce article est également publié sur Agoravox.

Vous pouvez également lire ma critique de la pièce de théâtre interprétée par Alain Delon et Mireille Darc en cliquant ici

Critique de "Babel" de A.G. Inarritu (2006)

medium_18680421.jpg

En plein désert marocain, des enfants jouent avec un fusil que leur père vient d’acheter. Un coup de feu retentit et blesse une touriste américaine dans un bus qui passait sur la route, en contrebas. Les destins de cette femme (Cate Blanchett) et de son mari (Brad Pitt) dont le couple battait de l’aile, les destins des deux enfants responsables du coup de feu, le destin de la nourrice mexicaine des enfants du couple d’Américains, le destin d’une jeune Japonaise, en l’occurrence la fille de l’homme qui a donné le fusil à un Marocain qui l’a revendu au père des deux enfants : ces destins vont tous avoir une influence les uns sur les autres, des destins socialement et géographiquement si éloignés, mais si proches dans l’isolement et dans la douleur.

Rares sont les films que je retourne voir, mais pour Babel vu au dernier festival de Cannes où il a obtenu le prix de la mise en scène et celui du jury œcuménique, c’était une vraie nécessité parce que Babel c’est plus qu’un film : une expérience.  Ce film choral qui clôt le triptyque du cinéaste après Amours chiennes et 21 grammes fait partie de ces films après lesquels toute parole devient inutile et impossible, de ces films qui expriment tant dans un silence, dans un geste, qu’aucune parole ne pourrait mieux les résumer. De ces films qui vous hypnotisent et vous réveillent. De ces films qui vous aveuglent et vous éclairent. Donc le même choc, la même claque, le même bouleversement, quelques mois après, l’effervescence, la déraison et les excès cannois en moins. Malgré cela.

Si la construction n’avait été qu’un vain exercice de style, qu’un prétexte à une démonstration stylistique ostentatoire, l’exercice  aurait été alors particulièrement agaçant mais son intérêt provient justement du fait que cette construction ciselée illustre le propos du cinéaste, qu’elle traduit les vies fragmentées, l’incommunicabilité universelle.

Le montage alterné ne cherche pas à surprendre mais à appuyer le propos, à refléter un monde chaotique, brusque et impatient, des vies désorientées, des destins morcelés. En résulte un film riche, puissant où le spectateur est tenu en haleine du début à la fin, retenant son souffle, un souffle coupé par le basculement probable, soudain, du sublime dans la violence. Du sublime d’une danse à la violence d’un coup de feu. Du sublime d’une main sur une autre, de la blancheur d’un visage à la violence d’une balle perdue et d’une blessure rouge sang. Du sublime  du silence et du calme à la violence du basculement dans le bruit, dans la fureur, dans la déraison.

medium_P80601087315038.jpgUn film qui nous emmène sur trois continents sans jamais que notre attention ne soit relâchée, qui nous confronte à l’égoïsme, à notre égoïsme, qui nous jette notre aveuglement et notre surdité en pleine figure, ces figures et ces visages qu’il scrute et sublime d’ailleurs, qui nous jette notre indolence en pleine figure, aussi. Un instantané troublant et désorientant de notre époque troublée et désorientée.  La scène de la discothèque est ainsi une des plus significatives, qui participe de cette expérience. La jeuneJaponaise sourde et muette est aveuglée. Elle noie son désarroi dans ces lumières scintillantes, fascinantes et angoissantes.  Des lumières aveuglantes: le paradoxe du monde, encore. Lumières qui nous englobent. Soudain aveuglés et sourds au monde qui nous entoure nous aussi.

Le point de départ du film est donc le retentissement d'un coup de feu au Maroc, coup de feu déclenchant une série d'évènements, qui ont des conséquences désastreuses ou salvatrices, selon les protagonistes impliqués. Peu à peu le puzzle se reconstitue brillamment, certaines vies se reconstruisent, d’autres sont détruites à jamais. Jamais il n’a été aussi matériellement facile de communiquer. Jamais la communication n’a été aussi compliquée, Jamais nous n’avons reçu autant d’informations et avons si mal su les décrypter. Jamais un film ne l’a aussi bien traduit. Chaque minute du film illustre cette incompréhension, parfois par un simple arrière plan, par une simple image qui se glisse dans une autre, par un regard qui répond à un autre, par une danse qui en rappelle une autre, du Japon au Mexique, l’une éloignant et l’autre rapprochant.

Virtuosité des raccords aussi : un silence de la Japonaise muette qui répond à un cri de douleur de l’américaine, un ballon de volley qui rappelle une balle de fusil. Un monde qui se fait écho, qui crie, qui vocifère sa peur et sa violence et sa fébrilité, qui appelle à l’aide et qui ne s’entend pas comme la Japonaise n’entend plus, comme nous n’entendons plus à force que notre écoute soit tellement sollicitée, comme nous ne voyons plus à force que tant d’images nous soit transmises, sur un mode analogue, alors qu’elles sont si différentes. Des douleurs, des sons, des solitudes qui se font écho, d’un continent à l’autre, d’une vie à l’autre. Et les cordes de cette guitare qui résonnent comme un cri de douleur et de solitude. 

 Véritable film gigogne, Babel nous montre un monde paranoïaque,  paradoxalement plus ouvert sur l’extérieur fictivement si accessible et finalement plus égocentrique que jamais,  monde paradoxalement mondialisé et individualiste. Le montage traduit magistralement cette angoisse, ces tremblements convulsifs d’un monde qui étouffe et balbutie, qui n’a jamais eu autant de moyens de s’exprimer et pour qui les mots deviennent vains. D’ailleurs chaque histoire s’achève par des gestes, des corps enlacés, touchés, touchés enfin. Touchés comme nous le sommes. Les mots n’ont plus aucun sens, les mots de ces langues différentes. Selon la Bible, Babel fut  ainsi une célèbre tour construite par une humanité unie pour atteindre le paradis. Cette entreprise provoqua la colère de Dieu, qui pour les séparer, fit parler à chacun des hommes impliqués une langue différente, mettant ainsi fin au projet et répandant sur la Terre un peuple désorienté et incapable de communiquer.

medium_P80601161052655.jpgC’est aussi un film de contrastes. Contrastes entre douleur et grâce, ou plutôt la grâce puis si subitement la douleur, puis la grâce à nouveau, parfois. Un coup de feu retentit et tout bascule. Le coup de feu du début ou celui en pleine liesse du mariage.  Grâce si éphémère, si fragile, comme celle de l’innocence de ces enfants qu’ils soient japonais, américains, marocains, ou mexicains. Contrastes entre le rouge des vêtements de la femme mexicaine et les couleurs ocres du désert. Contrastes entres les lignes verticales de Tokyo et l’horizontalité du désert. Contrastes entre un jeu d’enfants et ses conséquences dramatiques. Contraste entre le corps dénudé et la ville habillée de lumière. Contraste entre le désert et la ville.   Contrastes de la solitude dans le désert et de la foule de Tokyo. Contrastes de la foule et de la solitude dans la foule. Contrastes entre « toutes les télévisions [qui] en parlent » et ces cris qui s’évanouissent dans le désert.  Contrastes d’un côté et de l’autre de la frontière.  Contrastes d’un monde qui s’ouvre à la communication et se ferme à l’autre. Contrastes d’un monde surinformé mais incompréhensible, contrastes d’un monde qui voit sans regarder, qui interprète sans savoir ou comment, par le prisme du regard d’un monde apeuré, un jeu d’enfants devient l’acte terroriste de fondamentalistes ou comment ils estiment savoir de là-bas ce qu’ils ne comprennent pas ici.

medium_P80601693016905.jpgMais toutes ces  dissociations et ces contrastes ne sont finalement là que pour mieux rapprocher.   Contrastes de ces hommes qui parlent des langues différentes mais se comprennent d’un geste, d’une photo échangée (même si un billet méprisant, méprisable les séparera, à nouveau). Contrastes de ces êtres soudainement plongés dans la solitude qui leur permet finalement de se retrouver. Mais surtout, surtout, malgré les langues : la même violence, la même solitude, la même incommunicabilité, la même fébrilité, le même rouge et la même blancheur, la même magnificence et menace de la nuit au-dessus des villes, la même innocence meurtrie, le même sentiment d’oppression dans la foule et dans le désert. 

 Loin d’être une démonstration stylistique, malgré sa virtuosité scénaristique et de mise en scène Babel est donc un édifice magistral tout entier au service d’un propos qui parvient à nous transmettre l’émotion que ses personnages réapprennent.  Notons que malgré la pluralité de lieux, de langues, d'acteurs (professionnels mais souvent aussi non professionnels), par le talent de son metteur en scène, Babel ne perd jamais sa cohérence qui surgit, flagrante, bouleversante, évidente, au dénouement.

La mise en scène est volontairement déstructurée pour refléter ce monde qu'il met en scène, un monde qui s'égare, medium_P80601398560603.jpget qui, au moindre geste , à la moindre seconde, au moindre soupçon, peut basculer dans la violence irraisonnée, un monde qui n'a jamais communiqué aussi vite et mal, un monde que l'on prend en pleine face, fascinés et horrifiés à la fois, un monde brillamment ausculté, décrit,  par des cris et des silences aussi ; un monde qui nous aveugle, nous assourdit, un monde de différences si semblables, un monde d’après 11 septembre. 

 Babel est un film douloureux et clairvoyant, intense, empreint de la fébrilité du monde qu’il parcourt et dépeint de sa lumière blafarde puis rougeoyante puis nocturne. Un film magnifique et éprouvant dont la mise en scène vertigineuse nous emporte dans sa frénésie d’images, de sons, de violences, de jugements hâtifs, et nous laisse avec ses silences, dans le silence d’un monde si bruyant. Le silence après le bruit, malgré le bruit, le silence de l’harmonie retrouvée, l’harmonie éphémère car il suffirait qu’un coup de feu retentisse pour que tout bascule, à nouveau. La beauté et la douleur pareillement indicibles. Babel, tour de beauté et de douleur. Le silence avant les applaudissements, retentissants, mérités. Si le propre de l’Art c’est de refléter son époque et de l’éclairer, aussi sombre soit-elle, alors Babel est un chef d’œuvre. Une expérience dont on ne peut ressortir indemne ! Mais silencieux, forcément.

Cet article a été repris sur Agoravox et sur Yahoo Actualités.

 Sandra.M

Commentaires

  • Je ne sais pas comment tu as fait pour trier...C 'est un vrai casse-tête !!!
    Je m'y suis mise aussi. C'est passionnnant de "replonger"... et un crève coeur d'en éliminer !
    Voilà ce que ça donne, je ne mets que le titre... Ils sont tellement connus que tout le monde connait les réalisateurs :
    1920 :
    The Kid.
    1930 :
    Le Dictateur
    Autant en emporte le Vent
    1940 :
    Citizen Cane
    Casablanca
    La vie est belle
    L'AVENTURE DE MRS MUIR
    Les hauts de Hurlevent
    Le 3ème homme
    1950 :
    Chantons sous la pluie
    Un tranway nommé désir
    Certains l'aiment chaud
    1960 :
    Psychose
    Laurence D'Arabie
    West Side Story
    Docteur Jivago
    2001 l'odyssée de l'Espace
    Butch Cassidy et le Kid
    1970 :
    Le Parrain
    Vol au dessus d'un nid de coucous
    Taxi Driver
    Voyage au bout de l'enfer
    Apocalypse now
    Manhattan
    Orange Mécanique
    1980 :
    Elephant Man
    Paris Texas
    Out of Africa
    Il était une fois en Amérique
    1990 :
    Casino
    Edward aux mains d'argent
    Un monde parfait
    SUR LA ROUTE DE MADISON
    2000 :
    Mulholland Drive
    Million Dollar Baby
    The Fountain
    Babel...

    Y'a des similitudes et des différencitudes... mais il en manque et non des moindres !!!

    Poulala... c'est bien un coup des américains de nous mettre dans cet état proche de l'Ohio !!!

  • Et pis j'ai oublié "Elle et Lui" ("An affair to remember") : incontournable !

  • T'as triché : t'as mis plein de fois les mêmes réalisateurs! Il fallait en choisir un par réalisateur, je sais: c'est un vrai casse-tête (américain)! Sinon, j'aurais mis tous les Chaplin, beaucoup de Wilder etc. J'aurais aussi mis "2001 Odyssée de l'espace" évidemment mais je l'ai volontairement exclu car c'est un film...britannique, et j'avais choisi comme critère la nationalité du film!

  • Aïe j'avais pas vu qu'il fallait n'en mettre qu'un...
    Je vais ressayer...
    Mais c'est une torture !

  • Je jette "les ponges" !!! C'est trop cruel !

  • C'est moins cruel que certains jeux sur un certain blog (t'as vraiment compté pour Titanic???) et puis j'aime bien torturer, cinématographiquement parlant, les lecteurs ou trices, "in the mood". Allez, je te laisse jusqu'à fin août pour faire ton devoir de vacances.

  • Bien m'dame je m'y remettrai.
    Faut être plus précise sur les consignes alors :
    - combien de films au total ?
    - combien par décennie ?
    - pas deux fois le même réalisateur ? (c'est ça l'horreur absolue...)

    Est-ce que franchement tu peux imaginer un instant que j'aie pu compter combien de fois Jack disait Rose dans Titanic ???
    C'est limite insultant !
    Internet est une mine de renseignements de ce style !

    Par contre, j'avoue, j'ai compté combien de fois Rose dit Jack... mais ça, je le garde pour moi ! ah ah ah !

    Et la question sur le nombre de marches de l'escalier, tu la trouvais cinématographiquement :
    - passionnante,
    - intelligente,
    - édifiante.*

    *Une seule réponse possible !

  • Allez, je répète pour les élèves pas attentifs, au fond, à côté du radiateur (j'adore les clichés): un film par réalisateur et c'est la nationalité du film et non du réalisateur qui compte. 37 films au maximum. Pour le reste il n'y a pas de règle... tu peux mettre "88 minutes" ou "3 friends" (un chef d'oeuvre pareil, les américains vont nous l'acheter) si ça te chante.
    Je savais que ma question te ferait réagir...:-) quoique avec toi je m'attends à tout!
    Euh...passionnante? J'ai bon?

  • N'essaie pas de m'influencer en citant des incontournables à moumoute !!!

    Je me remets au boulot.

    Il y avait un piège !!! La réponse est : mathématique ! et toc !

Les commentaires sont fermés.