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Ouverture et hommage à Im Kwon-Taek : l’ivresse cinématographique et poétique

10 ans déjà. 10 ans que Deauville et le cinéma  ont ouvert une troisième page du livre de leur histoire : après « Un homme et femme » qui l’a à jamais immortalisée, après le Festival du Cinéma Américain dont ce sera cette année les 34 ans qui l’a auréolée d’un prestige hollywoodien, le Festival Asiatique créé il y a 10 ans nous embarque dans son ailleurs poétique, lyrique, lénifiant, exaltant aussi. Là et un peu ailleurs.  Dans un monde chatoyant et dépaysant. Grisée un peu déjà. Ne vous méprenez pas : grisée de l’air revigorant de Deauville qui exhale tant de souvenirs et en promet tant d’autres, grisée de cinéma, grisée de poésie, grisée de l’Asie fascinante et envoûtante. Ivre de cinéma et de poésie comme d’autres le sont de «  femmes et de peintures ». Im Kwon Taek justement qui, avec le film éponyme, « Ivre de femmes et de peintures » obtenait le prix du meilleur réalisateur au Festival de Cannes 2002, après avoir été, deux ans auparavant, le premier réalisateur coréen en compétition avec « Le chant de la fidèle  Chunhyang ». En 2005, il a reçu un ours d’or d’honneur au Festival de Berlin et l’année précédente, « La pègre » était sélectionnée au Festival de Venise. C’est donc tout naturellement que ce 10ème festival de Deauville placé sous le signe de l’enthousiasme et de l’exception a décidé de lui rendre hommage en projetant le 100ème film de ce réalisateur particulièrement prolifique (et ce n’est pas le seul cinéaste coréen à avoir cette particularité…). Après le discours du maire de Deauville Philippe Augier tout juste réélu, et après la remise de la médaille de la ville de Deauville puis de son trophée, Im  Kwon-taek nous a embarqués avec lui « beyond the years ».  D’abord il faut que l’ouïe et le regard s’habituent, constamment sollicités par les bruits stridents, les images frénétiques du « là », puis nous goûtons peu à peu à la musique douce, lente, poétique de l’ « ailleurs »,  de ce cinéma qui nous donne le sentiment du don d’ubiquité : là et ailleurs donc. Ailleurs avec Dong-ho,  le beau-fils de ce maître de chant traditionnel qui lui a appris le tambour. Il a été élevé avec la fille adoptive du maître de chant, Song-hwa qui a appris son art devenant  une « chanteuse de Pansori » (d’ailleurs titre d’un autre film d’Im Kwon Taek), chant accompagné au tambour qui ressemble à une complainte mélancolique. Las des exigences de son père adoptif, le fils décide de s’enfuir, laissant sa sœur  à laquelle il était lié par une très tendre complicité. Celle-ci va alors devenir aveugle suite à un « médicament » administré par son père. Pour la retenir et l’emprisonner dans sa dépendance et l’obscurité ? Parce qu’on dit que la voix des aveugles devient encore plus belle et ainsi pour la voir réaliser le rêve auquel lui-même n’a pu accéder ? Sans doute un peu des deux. En partant, Dong-ho a abandonné la musique, sa demi-sœur qu’il aime en secret et son père. Par-delà les années, grâce à un montage limpide et astucieux, à travers les récits judicieusement entremêlés de Dong-ho et d’un ami d’enfance également amoureux de Song-hwa, nous suivons l’histoire de Dong-ho, ses élans impulsifs et sa retenue,  sa réconciliation avec lui-même, la musique, son père. L’émotion n’est jamais forcée ou fracassante mais toujours sous-jacente, susurrée plutôt que proclamée (si ce n’est dans les chants passionnés de la jeune femme). Par la pureté et la majesté des paysages en écho à celle de Song-hwa, par la visite d’une maison qui en dit plus long qu’une lettre d’amour, par deux pieds d’enfant qui se frôlent à peine, par un pied dévoilé qui se couvre pudiquement, réminiscence de ce souvenir d’enfance, Im Kwon-taek a le don d’en montrer si peu et d’en dire tellement. Il a l’ivresse discrète et non moins communicative. Je suis ressortie de ce film, chancelante, éblouie par la lumière criarde du jour, de la réalité, encore dans cet ailleurs presque palpable où par la force d’un amour intemporel et insensé, des routes deviennent des océans qui réunissent au-delà des années, de la distance, où deux oiseaux blancs métaphoriques, épris de liberté, immortels s’envolent ensemble au son du tambour et d’une voix exaltée.  Et moi, un peu avec eux…

Commentaires

  • Oui, chère Sandra, notre opinion sur ce film est très proche. J'ai été, comme vous, séduite par sa poésie, sa beauté, la mélancolie des chants, sa tristesse magnifique. ARMELLE

  • Bonjour! Je réponds avec un peu de retard. J'avoue que, avec le recul, ce film est sans doute un des plus beaux de ce festival 2008... Dommage que le film de clôture ait été déprogrammé. D'après ce que vous m'avez dit et ce que j'en ai lu il était aussi très prometteur. J'espère que le retour à la réalité européenne, après ce voyage en terre asiatique, n'est pas trop difficile...et que le palmarès vous satisfait également. A très bientôt...sans doute pour le Festival du Cinéma Américain.

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