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  • L'hommage du Festival du Cinéma Américain de Deauville 2012 à Melvin van Peebles

    Depuis 1995 et sa compétition de films indépendants américains, Deauville n'est plus seulement la vitrine des grosses productions américaines mais surtout et avant tout le symbole du cinéma indépendant américain. Nombreux sont les films et cinéastes que j'ai (re)découverts dans le cadre du festival.  C'est dans cette optique que le festival rendra cette année hommage ) Melvin van Peebles. Je vous invite à découvrir le communiqué de presse du festival à ce sujet, ci-dessous.

    Le Festival du Cinéma Américain de Deauville continue son travail de redécouverte du patrimoine du cinéma américain en accueillant ce grand cinéaste. Melvin Van Peebles a pratiquement toujours travaillé en dehors du circuit traditionnel des studios américains. Et malgré cela, il est reconnu aujourd’hui comme l’un des cinéastes les plus importants de l’histoire du cinéma américain, ayant influencé et ouvert la voie pour toute une génération.

    Né à Chicago en 1932, Melvin Van Peebles s’engage, après de brillantes études, dans l’armée de l’Air. Après un passage par le Mexique et des activités de peintre, il réside à San Francisco où il réalise quelques courts-métrages et publie un livre de photos, inspiré par son emploi de conducteur de tramway.

    Voulant proposer ses talents à Hollywood, il frappe à la porte des studios, qui reste close…

    Nous sommes dans l’Amérique des années 60…

    L’industrie cinématographique se résume encore à des films pour les blancs, faits par des blancs, à de rares exceptions près (Sydney Poitier, Oscar du Meilleur Acteur en 1964, premier acteur noir à remporter ce prix). 5

    Melvin Van Peebles part en Europe, et finit par s’installer à Paris, où La Cinémathèque Française l’invite à présenter ses courts-métrages.

    Il collabore à la célèbre revue Hara Kiri, pour laquelle il rédige des articles et des interviews et y rencontre notamment Wolinski, avec lequel il adaptera, pour l’anecdote, l’oeuvre « La Reine des Pommes », du célèbre auteur de série noire Chester Himes.

    En France, il écrit cinq romans, dont « La Permission », qui lui permet de bénéficier d’une aide au financement de son premier long métrage : THE STORY OF A THREE-DAY PASS (1968), la subversive histoire d’amour d’un soldat Afro-Américain et d’une Française.

    Le succès critique du film conduit alors Van Peebles à retourner aux Etats-Unis où la Columbia Pictures lui offre sa seule réalisation hollywoodienne : WATERMELON MAN (1969), une comédie mettant en scène Godfrey Cambridge dans le rôle d’un bigot blanc qui se réveille un matin dans la peau d’un noir.

    Mais c’est surtout SWEET SWEETBACK’S BAADASSSSS SONG (1971)- un running movie prenant pour héros un petit gigolo qui tente d’échapper à la police en traversant des ghettos en proie à l’émeute raciale- qui marquera la carrière de Melvin Van Peebles et l’histoire du cinéma Américain.

    Ecrit, produit, réalisé, incarné et monté par Melvin Van Peebles lui-même, qui en a également composé la musique (avec le groupe Earth Wind and Fire, inconnu à l’époque), SWEET SWEETBACK’S BAADASSSSS SONG est considéré comme Le film à l’origine de la black exploitation, genre qui explosa dans les années 70 en rencontrant un succès phénoménal.

    Avec Charles Burnett (KILLER OF SHEEP, 1973) et dans un autre registre Gordon Park (LES NUITS ROUGES DE HARLEM, 1971 - LES NOUVEAUX EXPLOITS DE SHAFT, 1972) puis Michael Schultz (CAR WASH, 1976), Melvin Van Peebles allait définitivement donner une place au black power à Hollywood et ouvrir la voie à de nombreux réalisateurs, producteurs et comédiens (Spike Lee, Eddie Murphy, Morgan Freeman, Denzel Washington, Halle Berry, Samuel L. Jackson, Whoopi Goldberg, Forest Whitaker, Will Smith, etc…) qui feront la fortune de l’usine à rêves.

    La France a souvent porté chance à Melvin Van Peebles, qui après une carrière d’acteur prolifique en Amérique, revient y tourner un film : LE CONTE DU VENTRE PLEIN (2000) et y recevoir la Légion d’Honneur.

    Aujourd’hui le Festival du Cinéma Américain de Deauville est honoré d’accueillir un homme insaisissable, inclassable, et libre.

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  • L'hommage du Festival du Cinéma Américain de Deauville 2012 à William Friedkin

    Killer Joe : photo Emile Hirsch, William Friedkin

    Ci-dessus: photo de William Friedkin avec Emile Hirsch sur le tournage de "Killer Joe" ( © Pyramide Distribution )

    Les hommages deauvillais ont laissé beaucoup d'empreintes, sur les célèbres planches mais aussi dans les mémoires des festivaliers. Le plus mémorable restera sans doute pour moi celui décerné à Al Pacino. Que d'émotions et quel beau souvenir. Cette année, c'est d'abord à William Friedkin que le festival a décidé de rendre hommage. Ci-dessous, le communiqué de presse du festival à ce sujet. A noter que William Friedkin donnera également une master class.

    Pour sa 38è édition, le Festival du Cinéma Américain de Deauville rendra hommage, en sa présence, au cinéaste américain WILLIAM FRIEDKIN.

    Né en 1935 à Chicago, William Friedkin découvre son amour du cinéma grâce à « Citizen Kane » d’Orson Welles et débute sa carrière à la télévision. Il fait ses débuts de réalisateur pour le grand écran en 1967 avec la comédie musicale GOOD TIMES, puis avec L’ANNIVERSAIRE (The Birthday Party) d’après la pièce d’Harold Pinter.

    En 1971, FRENCH CONNECTION (The French Connection) consacre William Friedkin auprès de la critique et du public: ce polar inspiré de la véritable histoire de la French Connection, organisation criminelle qui importait depuis la France de l’héroïne jusqu’aux Etats-Unis, remporte 5 Oscars dont celui du Meilleur Film, du Meilleur Acteur pour Gene Hackman et du Meilleur Réalisateur pour William Friedkin. L’énergie de la mise en scène et les scènes anthologiques de courses-poursuites font du film une référence incontournable du film policier. En 1973, il réalise à nouveau un film qui marque durablement le cinéma américain ainsi que l’imaginaire des cinéphiles : avec L’EXORCISTE (The Exorcist) d’après le roman de William Peter Blatty, William Friedkin réalise ce qui reste encore pour beaucoup le film d’horreur absolu. Nommé 10 fois aux Oscars, le film remporte notamment celui du Meilleur Scénario. Ces deux immenses succès coup sur coup font de William Friedkin l’un des auteurs phares du Nouvel Hollywood. Les années suivantes, William Friedkin réalise LE CONVOI DE LA PEUR (Sorcerer), une version américaine du « Salaire de la Peur » d’Henri-Georges Clouzot, qu’il considère comme l’un de ses meilleurs films. Suivent la comédie criminelle TETES VIDES CHERCHENT COFFRES PLEINS (The Brink’s Job) avec Peter Falk en 1978, et LA CHASSE (Cruising) avec Al Pacino en 1980.

    Dans les années 1980 et 1990, William Friedkin réalise LE COUP DU SIECLE (Deal of the Century) avec Sigourney Weaver, le film d’action POLICE FEDERALE LOS ANGELES (To Live and Die in L.A.) avec Willem Defoe, qui lui permet de poursuivre son exploration des frontières entre le bien et le mal, ainsi que les thrillers LE SANG DU CHATIMENT (Rampage) et JADE avec Linda Fiorentino.

    En 2000, alors qu’une version longue de L’EXORCISTE ressort en salles et rapporte 40 millions de dollars au box-office américain, L’ENFER DU DEVOIR (Rules of Engagement) avec Tommy Lee Jones et Samuel L. Jackson sort sur les écrans et est chaleureusement accueilli par le public.

    William Friedkin retrouve Tommy Lee Jones en 2003 grâce au thriller TRAQUÉ (The Hunted) avant de mettre en scène BUG, thriller paranoïaque et claustrophobe avec Ashley Judd et Michael Shannon, présenté à la Quinzaine des Réalisateurs du Festival de Cannes.

    L’hommage que lui rend le Festival cette année sera l’occasion de découvrir en avant-première son dernier film, KILLER JOE, thriller crépusculaire où Matthew McConaughey, Emile Hirsch et Juno Temple viennent agrandir la galerie de personnages complexes et amoraux de William Friedkin.

    Le Festival du Cinéma Américain de Deauville est heureux de rendre hommage à ce grand maître du film de genre, qui a su bouleverser les codes et investir tant d’univers cinématographiques différents.

    A l’occasion de son Hommage, William Friedkin donnera une MASTER CLASS ouverte aux festivaliers le dimanche 2 septembre.

     

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  • Critiques - "Two lovers" de James Gray et "La nuit nous appartient" de James Gray

    Pour patienter, en attendant la programmation complète du Festival du Cinéma Américain de Deauville 2012, le 25 juillet, je vous propose deux critiques de films d'un éminent cinéaste américain, James Gray. En bonus, ma critique de "I'm still here" de Casey Affleck avec Joaquin Phoenix.

     

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    Direction New York, ville fétiche du cinéma de James Gray, où, après avoir tenté de se suicider, un homme hésite entre suivre son destin et épouser la femme que ses parents ont choisie pour lui, ou se rebeller et écouter ses sentiments pour sa nouvelle voisine, belle, fragile et inconstante, dont il est tombé éperdument amoureux, un amour dévastateur et irrépressible.

    L’intérêt de « Two lovers » provient avant tout des personnages, de leurs contradictions, de leurs faiblesses. Si James Gray est avant tout associé au polar, il règne ici une atmosphère de film noir et une tension palpable liée au désir qui s’empare du personnage principal magistralement interprété par Joaquin Phoenix avec son regard mélancolique, fiévreux, enfiévré de passion, ses gestes maladroits, son corps même qui semble crouler sous le poids de son existence, sa gaucherie adolescente.

    Ce dernier interprète le personnage attachant et vulnérable de Leonard Kraditor (à travers le regard duquel nous suivons l’histoire : il ne quitte jamais l’écran), un homme, atteint d'un trouble bipolaire (mais ce n'est pas là le sujet du film, juste là pour témoigner de sa fragilité) qui, après une traumatisante déception sentimentale, revient vivre dans sa famille et fait la rencontre de deux femmes : Michelle, sa nouvelle voisine incarnée par Gwyneth Paltrow, et Sandra, la fille d’amis de ses parents campée par l’actrice Vinessa Shaw. Entre ces deux femmes, le cœur de Leonard va balancer…

    Il éprouve ainsi un amour obsessionnel, irrationnel, passionnel pour Michelle. Ces « Two lovers » comme le titre nous l’annonce et le revendique d’emblée ausculte la complexité du sentiment amoureux, la difficulté d’aimer et de l’être en retour, mais il ausculte aussi les fragilités de trois êtres qui s’accrochent les uns aux autres, comme des enfants égarés dans un monde d’adultes qui n’acceptent pas les écorchés vifs. Michelle et Leonard ont, parfois, « l’impression d’être morts », de vivre sans se sentir exister, de ne pas trouver « la mélodie du bonheur ».

    Par des gestes, des regards, des paroles esquissés ou éludés, James Gray dépeint de manière subtile la maladresse touchante d’un amour vain mais surtout la cruauté cinglante de l’amour sans retour qui emprisonne ( plan de Michelle derrière des barreaux de son appartement, les appartements de Leonard et Michelle donnant sur la même cour rappelant ainsi « Fenêtre sur cour » d’Hitchcock de même que la blondeur toute hitchcockienne de Michelle), et qui exalte et détruit.

    James Gray a délibérément choisi une réalisation élégamment discrète et maîtrisée et un scénario pudique et la magnifique photographie crépusculaire de Joaquin Baca-Asay qui procurent des accents lyriques à cette histoire qui aurait pu être banale, mais dont il met ainsi en valeur les personnages d’une complexité, d’une richesse, d’une humanité bouleversantes. James Gray n’a pas non plus délaissé son sujet fétiche, à savoir la famille qui symbolise la force et la fragilité de chacun des personnages (Leonard cherche à s’émanciper, Michelle est victime de la folie de son père etc).

    Un film d’une tendre cruauté, d’une amère beauté, et parfois même d'une drôlerie désenchantée, un thriller intime d’une vertigineuse sensibilité à l’image des sentiments qui s’emparent des personnages principaux, et de l’émotion qui s’empare du spectateur. Irrépressiblement. Ajoutez à cela la bo entre jazz et opéra ( même influence du jazz et même extrait de l’opéra de Donizetti, L’elisir d’amore, « Una furtiva lagrima » que dans le chef d’œuvre de Woody Allen « Match point » dans lequel on retrouve la même élégance dans la mise en scène et la même "opposition" entre la femme brune et la femme blonde sans oublier également la référence commune à Dostoïevski… : les ressemblances entre les deux films sont trop nombreuses pour être le fruit du hasard ), et James Gray parvient à faire d’une histoire a priori simple un très grand film d’une mélancolie d’une beauté déchirante qui nous étreint longtemps encore après le générique de fin. Trois ans après sa sortie : d’ores et déjà un classique du cinéma romantique.

     

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    La nuit nous appartient. Voilà un titre très à-propos pour un film projeté en compétition officielle au  Festival de Cannes. Cannes : là où les nuits semblent ne jamais vouloir finir, là où les nuits sont aussi belles et plus tonitruantes que les jours et là où les nuits s’égarent, délicieusement ou douloureusement, dans une profusion de bruits assourdissants, de lumières éblouissantes, de rumeurs incessantes. Parmi ces rumeurs certaines devaient bien concerner ce film de James Gray et lui attribuer virtuellement plusieurs récompenses qu’il aurait amplement méritées (scénario, interprétation, mise en scène...) au même titre que « My blueberry nights », mon grand favori, ou plutôt un autre de mes grands favoris du festival, l’un et l’autre sont pourtant repartis sans obtenir la moindre récompense…

    Ce titre poétique (« We own the night » en vo, ça sonne encore mieux en Anglais non ?) a pourtant une source plus prosaïque qu’il ne le laisserait entendre puisque c’est la devise de l’unité criminelle de la police de New York chargée des crimes sur la voie publique. Ce n’est pas un hasard puisque, dans ce troisième film de James Gray ( « The Yards » son précèdent film avait déjà été projeté en compétition au Festival de Cannes 2000) qui se déroule à New York, à la fin des années 80, la police en est un personnage à part entière. C’est le lien qui désunit puis réunit trois membres d’une même famille : Bobby Green (Joaquin Phoenix), patron d’une boîte de nuit appartenant à des Russes, à qui la nuit appartient aussi, surtout, et qui représentent pour lui une deuxième et vraie famille qui ignore tout de la première, celle du sang, celle de la police puisque son père Burt (Robert Duvall) et son frère Joseph (Mark Walhberg) en sont tous deux des membres respectés et même exemplaires. Seule sa petite amie Amada (Eva Mendes), une sud américaine d’une force fragile, vulgaire et touchante, est au courant. Un trafic de drogue oriente la police vers la boîte détenue par Bob, lequel va devoir faire un choix cornélien : sa famille d’adoption ou sa famille de sang, trahir la première en les dénonçant et espionnant ou trahir la seconde en se taisant ou en consentant tacitement à leurs trafics. Mais lorsque son frère Joseph échappe de justesse à une tentative d’assassinat orchestrée par les Russes, le choix s’impose comme une évidence, une nécessité, la voie de la rédemption pour Bobby alors rongé par la culpabilité.

    Le film commence vraiment dans la boîte de nuit de Bobby, là où il est filmé comme un dieu, dominant et regardant l’assemblée en plongée, colorée, bruyante, gesticulante, là où il est un dieu, un dieu de la nuit. Un peu plus tard, il se rend à la remise de médaille à son père, au milieu de la police de New York, là où ce dernier et son frère sont des dieux à leur tour, là où il est méprisé, considéré comme la honte de la famille, là où son frère en est la fierté, laquelle fierté se reflète dans le regard de leur père alors que Bobby n’y lit que du mépris à son égard. C’est avec cette même fierté que le « parrain » (les similitudes sont nombreuses avec le film éponyme ou en tout cas entre les deux mafias et notamment dans le rapport à la famille) de la mafia russe, son père d’adoption, regarde et s’adresse à Bobby. Le décor est planté : celui d’un New York dichotomique, mais plongé dans la même nuit opaque et pluvieuse, qu’elle soit grisâtre ou colorée. Les bases de la tragédie grecque et shakespearienne, rien que ça, sont aussi plantées et même assumées voire revendiquées par le cinéaste, de même que son aspect mélodramatique (le seul bémol serait d’ailleurs les mots que les deux frères s’adressent lors de la dernière scène, là où des regards auraient pu suffire...)

    Les bons et les méchants. L’ordre et le désordre. La loi et l’illégalité. C’est très manichéen me direz-vous. Oui et non. Oui, parce que ce manichéisme participe de la structure du film et du plaisir du spectateur. Non, parce que Bobby va être écartelé, va évoluer, va passer de l’ombre à la lumière, ou plutôt d’un univers obscur où régnait la lumière à un univers normalement plus lumineux dominé par des couleurs sombres. Il va passer d’un univers où la nuit lui appartenait à un autre où il aura tout à prouver. Une nuit où la tension est constante, du début et la fin, une nuit où nous sommes entraînés, immergés dans cette noirceur à la fois terrifiante et sublime, oubliant à notre tour que la lumière reviendra un jour, encerclés par cette nuit insoluble et palpitante, guidés par le regard lunatique (fier puis désarçonné, puis déterminé puis dévasté de Joaquin Phoenix, magistral écorché vif, dont le jeu est d’ailleurs un élément essentiel de l’atmosphère claustrophobique du film). James Gray a signé là un film d’une intensité dramatique rare qui culmine lors d’une course poursuite d’anthologie, sous une pluie anxiogène qui tombe impitoyablement, menace divine et symbolique d’un film qui raconte aussi l’histoire d’une faute et d’une rédemption et donc non dénué de références bibliques. La scène du laboratoire (que je vous laisse découvrir) où notre souffle est suspendu à la respiration haletante et au regard de Bob est aussi d’une intensité dramatique remarquable.

    « La nuit nous appartient », davantage qu’un film manichéen est donc un film poignant constitué de parallèles et de contrastes (entre les deux familles, entre l’austérité de la police et l’opulence des Russes,-le personnage d’Amada aussi écartelé est d’ailleurs une sorte d’être hybride, entre les deux univers, dont les formes voluptueuses rappellent l’un, dont la mélancolie rappelle l’autre- entre la scène du début et celle de la fin dont le contraste témoigne de la quête identitaire et de l’évolution, pour ne pas dire du changement radical mais intelligemment argumenté tout au long du film, de Bob) savamment dosés, même si la nuit brouille les repères, donne des reflets changeants aux attitudes et aux visages. Un film noir sur lequel plane la fatalité : fatalité du destin, femme fatale, ambiance pluvieuse. James Gray dissèque aussi les liens familiaux, plus forts que tout : la mort, la morale, le destin, la loi.

    Un film lyrique et parfois poétique, aussi : lorsque Eva Mendes déambule nonchalamment dans les brumes de fumées de cigarette dans un ralenti langoureux, on se dit que Wong Kar-Wai n’est pas si loin... même si ici les nuits ne sont pas couleur myrtille mais bleutées et grisâtres. La brume d’une des scènes finales rappellera d’ailleurs cette brume artificielle comme un écho à la fois ironique et tragique du destin.

    C’est épuisés que nous ressortons de cette tragédie, heureux de retrouver la lumière du jour, sublimée par cette plongée nocturne. « La nuit nous appartient » ne fait pas partie de ces films que vous oubliez sitôt le générique de fin passé (comme celui que je viens de voir dont je tairai le nom) mais au contraire de ces films qui vous hantent, dont les lumières crépusculaires ne parviennent pas à être effacées par les lumières éblouissantes et incontestables, de la Croisette ou d’ailleurs…

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    C'est dans le cadre du Festival Paris Cinéma que j'avais découvert « I’m still here » de Casey Affleck (dont c’est le premier film en tant que réalisateur, acteur exceptionnel notamment dans « L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford » d’Andrew Dominik ou dans « Gone baby gone » de son frère Ben Affleck) et Tom Blomquist… quelques jours après avoir revu « Two lovers » de James Gray  dans le cadre de ce même festival. « I’m still here » avait déjà été présenté dans plusieurs festivals et non des moindres puisqu’il figurait en sélection officielle de la Mostra de Venise et du Festival International de Toronto.

    C’est justement après la fin du tournage de « Two lovers » que Joaquin Phoenix a (vraiment) annoncé qu’il voulait arrêter sa carrière pour… se consacrer à la musique. C’est son beau-frère Casey Affleck qui immortalise ces instants, pendant deux ans, de l’explication de ses motivations … à sa descente aux enfers…ou plutôt disons qu’il feint d’immortaliser ces instants puisque tout cela n’est que fiction même si pendant deux ans Joaquin Phoenix a tout fait pour (nous) laisser croire qu’il s’agissait de la réalité.

    Ce style hybride (apparent documentaire mais vraie fiction), ce jeu constant sur les frontières entre fiction et réalité ( il manipule la réalité comme les médias manipulent sa réalité) en font à la fois un film fascinant et agaçant, humble et présomptueux ; en tout cas un objet filmique singulier posant des questions passionnantes sur le statut de l’image (au double sens du terme d’ailleurs : image cinématographique et image de l’artiste).

    « I’m still here » est fascinant en ce qu’il dresse finalement bien moins le portrait d’un homme que celui de la société qui le regarde mais c’est en cela que c’est aussi effrayant d’ailleurs. Barbe, cheveux hirsutes, tenue vestimentaire improbable et hygiène aléatoire : sa métamorphose physique s’accompagne d’une descente aux enfers mais, plus que spectacle de sa propre déchéance, nous assistons finalement davantage au spectacle de ceux qui regardent et se délectent de cette déchéance avec mépris, cynisme, voracité. Voracité médiatique mais aussi voracité du public. Une scène en est particulièrement significative : tandis que sur scène il ânonne tant bien que mal un pseudo rap aux paroles aussi nombrilistes qu’insultantes envers le public, et dramatiquement drôles, une marée de téléphones portables immortalise l’instant sans vergogne... et sans broncher. Scène édifiante, cynique, dérangeante, et finalement insultante pour le spectateur, miroir du public carnassier qui assiste à cette scène et se glorifie d’y assister. Parce que ne nous y trompons pas : s’il feint de se ridiculiser, de caricaturer l’artiste en pleine décadence, c’est finalement lui, Joaquin Phoenix, qui en sort avec le beau rôle, paradoxalement le sien, celui de l’innocent broyé par un système face à notre inertie et notre délectation coupables.

    Certes, avant le spectateur, c’est le flux dévorant d’images médiatiques qui se nourrit sans recul de ses excès (drogue, sexe, humiliations : rien ne nous est épargné), qui absorbe sans s’interroger ou se remettre en questions, que stigmatise cette fiction aux airs trompeurs de documentaire mais c’est aussi le spectateur ou le citoyen lambda avec son téléphone portable qui en devient le complice ou l’instigateur. C’est alors faire preuve d’une certaine condescendance à l’égard du public : un public aveugle, crédule, manipulateur (d’images) manipulé et doublement manipulé. Manipulé dans le spectacle que Joaquin Phoenix lui a donné à voir pendant deux ans mais aussi manipulé dans celui qui se déroule sur l’écran. Seulement, si pour la première manipulation la supercherie a parfaitement fonctionné, la seconde (même pour un spectateur ignorant de l’histoire et du caractère fallacieux du documentaire) laisse trop souvent entrevoir son dispositif (rôle trop écrit de Puff Daddy et présence préalable de la caméra alors que celui-ci feint la surprise devant la présence de Joaquin Phoenix) pour que la manipulation fonctionne parfaitement puisque volonté de manipulation il y a bel et bien, le film étant qualifié de « documentaire ». Il fallait en tout cas beaucoup d’audace, de détermination, de folie (ou plutôt au contraire de raison) pour continuer à jouer le jeu même pendant la promotion d’un sublime film comme « Two lovers » dont on ne peut s’empêcher de penser que ce buzz médiatique lui a nui.

    N’en demeure pas moins un film très malin dont le début fait intelligemment écho à la fin mais aussi au dernier rôle Joaquin Phoenix (de Leonard dans « Two lovers » qui au début du film se jette à l’eau) qui se jette aussi à l’eau (là aussi dans les deux sens du terme), accentuant les résonances entre fiction et (semblant de) réalité. Et si dans la fiction « Two lovers » cela a fait revenir son personnage à la réalité, ici cela lui permet de tuer ce personnage qu’il a endossé pendant deux ans lors d’une très belle scène finale. D’ailleurs « I’m still here » contient plusieurs très beaux plans de cinéma qui signent la naissance d’un vrai cinéaste.

    Le scénario est finalement très habile, et même cyniquement drôle, parfois au détriment de ceux qui en sont les complices plus ou moins volontaires Malgré son narcissisme, sa condescendance, « I’m still here » est une œuvre passionnante, audacieuse, un saut dans le vide , une mascarade, une manipulation, une « performance artistique », un pied-de-nez à un afflux abêtissant d’images qu’il interroge intelligemment d’autant plus à une période où une affaire dont on ne sait plus très bien si elle est fiction ou réalité se déroule là aussi sur les yeux lunatiques, dévorants, carnassiers des médias et de citoyens devenus public. Un film aussi malin que le « Pater » d’Alain Cavalier (même si je préfère et de loin celui de Casey Affleck), l’un et l’autre mettant en scène la réalité, un simulacre de réalité dont le réalisateur est le manipulateur et le spectateur la marionnette, victime d’images dont il est d’habitude le coupable, vorace et impitoyable filmeur. Une brillante inversion des rôles. Une démonstration implacable. A voir.

    Sachez enfin que Joaquin Phoenix (est-il besoin de l’ajouter, ici, remarquable) sera prochainement à l’affiche des films de James Franco, Steven Shainberg, Paul Thomas Anderson.

    Sortie en salles : le 13 juillet.

  • Cartier au 38ème Festival du Cinéma Américain de Deauville

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    Pour la 7ème année consécutive, Cartier (qui vient de sortir un nouveau modèle de montre Tank : Tank Anglaise, dont je vous parlais il y a peu, ici, sur Inthemoodforluxe.com )  sera partenaire du Festival du Cinéma Américain de Deauville. Comme chaque année, la Villa Cartier sera un des lieux incontournables du festival tandis que le jury Révélation Cartier sera cette année présidé par l'écrivain, journaliste, publicitaire, cinéaste Frédéric Beigbeder. Retrouvez ci-dessous le communiqué de presse de la marque au sujet de sa présence à Deauville pour le Festival du Cinéma Américain de Deauville 2012.

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    Cartier et le 7ème art, une histoire d’amour enflammée, immortalisée par les plus grandes stars du cinéma, qui rime aujourd’hui avec toujours …

     Une Love story que Cartier célèbre à nouveau cette année en tant que partenaire du Festival du Cinéma Américain de Deauville.

     Pour la 7ème année consécutive, le joaillier scelle son amour pour le grand écran en décernant le Prix de la Révélation Cartier lors de la cérémonie de clôture du Festival. Comme chaque année, le jury Cartier récompensera le film le plus novateur et créatif de la sélection officielle. La Maison mettra son savoir-faire joaillier au service de la réalisation de l’ensemble des trophées du palmarès.

      Cette année et pendant toute la durée du Festival, Cartier rend  hommage dans sa Villa à l’animal fétiche Maison : la Panthère  à travers l’Odyssée de Cartier , le récit d’un voyage à travers le monde , dont elle est l’emblématique héroïne.

     Une ambiance irrésistiblement féline et sauvage…

     Une « Villa Cartier » qui accueillera acteurs, producteurs, metteurs en scène, … et festivaliers ; mêlant tour à tour lounge « jungle » , bars au décor « Juste un Clou », salons  aux allures revival seventies…le tout ponctué de touches So Cartier.

    Une « féline attitude  » version 2012 pour un univers «  précieusement wild »que  signe le «  Joaillier des Rois ». Cette année encore, à travers cet évènement unique, la Maison Cartier réaffirme son engagement en faveur du rayonnement de la création et de la culture.

     

  • "Compliance" de Craig Zobel en compétition officielle du Festival du Cinéma Américain de Deauville 2012

    Compliance : affiche

    C'est tout simplement l'affiche du film (ci-dessus) qui nous apporte cette information "Compliance" qui a fait sensation au dernier Festival de Sundance sera ainsi en compétition du prochain Festival du Cinéma Américain de Deauville.

    Casting: Ann Dowd, Dreama Walker, Pat Healy...

    Synopsis: Lors d’une journée particulièrement chargée, Sandra, gérante d’un fast-food d’une banlieue de l’Ohio reçoit l’appel d’un policier accusant l’une de ses employés d’avoir volé un client. Le croyant sur parole, Sandra place Becky sous surveillance, entrant ainsi dans une situation qui va bientôt tous les dépasser.

  • Concours Vidéo Made in Deauville

    Je vous en ai parlé à plusieurs reprises ici: Deauville a pour thème le cinéma pour cette année 2012. Voilà un concours qui devrait intéresser tous les amoureux de Deauville.

    Le gagnant verra son film diffusé à une séance du festival 2012 :

     Faites votre cinéma, participez au concours "Vidéos Made in Deauville"

     Des centaines de vidéos amateurs sont tournées à Deauville. Par la rigueur esthétique ou technique, l'originalité des mises en scène, le talent des acteurs, ou les histoires qu'elles racontent, beaucoup méritent de s'échapper des écrans d'ordinateurs pour être montrées et partagées avec le public.

    Le 24 août prochain sera dédié à ces vidéos remarquables dans plusieurs lieux de la ville. Le public pourra voter toute la soirée. Le meilleur vidéaste aura alors gagné d'être projeté en séance publique au Festival du Film Américain et en avant-programme des projections cinéma organisées par la Ville de Deauville.

     Pour participer adressez votre vidéo au comité de sélection du Concours Vidéos Made in Deauville avant le 31 juillet prochain.

     + d'infos : www.deauville.fr

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