Je vous l’écrivais dès dimanche soir en direct de Deauville : c’est le film coréen « With a girl of black soil » qui a remporté le grand prix (Lotus d’or) ainsi que le prix de la critique internationale (Lotus Air France). Un film sombre dans sa mise en scène comme dans son sujet, poignant, qui économise les dialogues, un film tout en retenue, réaliste dans sa forme (avec un style quasi documentaire), un film qui reflète la réalité sociale de son pays. Ces caractéristiques se retrouvent ainsi dans la quasi-totalité des films en compétition, de surcroît des premiers films pour 8 d’entre eux. Elles se retrouvent d’ailleurs également dans les deux autres films lauréats : « Wonderful town » et « Flower in the pocket », récompensés du prix du jury ex aequo.
« Flower in the pocket » met ainsi en scène deux jeunes frères, en Malaisie, dont le père, anéanti par la mort (ou le départ, rien n’est dit à ce sujet) de son épouse, ne s’occupe plus, bien qu’habitant avec eux. Ils sont livrés à eux-mêmes et la première partie du film se déroule d’ailleurs en l’absence du père nous laissant ignorer son existence. Les rôles sont inversés : les enfants préparent à manger à leur père, adoptent un chiot abandonné, allégorie de leur propre solitude et abandon. Le père et les enfants ne font que se croiser sans échanger un mot (le père parle d’ailleurs très peu, enfermé dans sa douleur et son mutisme). Là encore, comme dans la plupart des films en compétition de cette édition 2008, le cinéaste recourt à une économie de dialogues. Malgré la rudesse de leurs conditions de vie, malgré le sujet pesant, ce film est empreint d’une légèreté paradoxalement profonde, jalonné de scènes attendrissantes entre les deux enfants qui ne semblent d’ailleurs pas souffrir de la situation. La souffrance est surtout celle du père, aveuglé par celle-ci, dévoré par son passé comme lui-même en dévorera la photo qui en est le témoignage. Et puis, en silence, doucement, en réalisant que ses fils ont su faire ce à quoi lui n’est pas parvenu (faire abstraction de leur manque pour s’occuper de « quelqu’un d’autre », en l’occurrence un animal, mais aussi en s’occupant l’un de l’autre), en les découvrant malades, il va enfin devenir présent. Le dernier plan nous les montre ensemble dans un véhicule avançant, allant symboliquement vers l’avant, regardant dans la même direction, et cette fois le père n’est plus enfermé dans sa douleur mais enfermé avec ses enfants, s’ouvrant ainsi à eux et au monde. Ensemble, vraiment, enfin. Un film drôle (les deux enfants sont d'une malice et d'une ingénuité particulièrement touchantes), attendrissant, réaliste. En espérant que ce film sortira en salles, je vous laisse découvrir l’explication du titre qui résume toute sa drôlerie tendre. Un film qui, à l’image de la plupart de ceux de cette compétition 2008, s’inspire à la fois du cinéma britannique (pour son aspect social)et du néoréalisme italien tout en conservant la lenteur propre au cinéma asiatique.
Il est particulièrement frappant de voir que 7 films en compétition sur 11 mettent en scène des enfants livrés à eux-mêmes, ou en tout cas des enfants dont on souligne la grande solitude, voire l’opposition à l’autorité parentale. Des films ancrés dans la réalité, moins langoureux ou poétiques que ce à quoi le cinéma asiatique nous a habitués et quand ils le sont encore (comme dans le très beau « Keeping watch »), l’issue n’en est pas moins fatale et la réalité pas moins âpre. Cette solitude, cet égarement sont peut-être le symbole d’une Asie écartelée entre tradition (paternité) et modernité (apport du monde extérieur), une Asie qui cherche son identité dans la mondialisation, alors aliénante. Espérons vraiment qu’elle ne la perdra pas, que le cinéma asiatique conservera (et je pense surtout au cinéma coréen vers lequel va ma préférence) la poésie savoureuse, la lenteur languissante, la beauté formelle allégorique, les sublimes silences qui le caractérisent et l’enrichissent, tout comme ce festival, cette traversée sombre et éclairante d’un continent encore pour moi mystérieux et non moins fascinant, m’a enrichie. Malgré le temps exécrable qui a raréfié les promenades, le dépaysement et le voyage étaient donc au rendez-vous, et même si l’affluence semblait moins importante que les années passées, la programmation n’en était pas moins de très bonne qualité, prouvant la modernité et l’inventivité du cinéma asiatique.
J’en profite également pour vous recommander deux excellents blogs de passionnées, que j’ai le plaisir de connaître, consacrés à ce Festival du Film Asiatique 2008 : La Plume et l’Image et Cinemaniac à Deauville.
Je vous donne d’ores et déjà rendez-vous sur « In the mood for Deauville » pour le prochain Festival du Cinéma Américain de Deauville qui se déroulera du 5 au 14 septembre 2008 et où je serai bien entendu, comme chaque année, pour vous en faire un compte-rendu aussi exhaustif que possible, à l’image de celui de l’an passé dont vous pouvez retrouvez tous les articles sur ce blog. Tout au long de l’année, jusqu’en septembre, retrouvez également sur ce blog toutes les informations concernant ce 34ème Festival du Cinéma Américain que je ne manquerai pas de vous livrer. En attendant, je vous invite à faire part de vos attentes et vos questions concernant ce Festival du Cinéma Américain de Deauville 2008, dans les commentaires ci-dessous.
Pour suivre le reste de l’actualité cinématographique, je vous donne rendez-vous sur mon blog « In the mood for cinema », et sur « In the mood for Cannes », pour toute l’actualité du Festival de Cannes 2008.
Sandra.M
Commentaires
Bonjour,
je ne suis qu'un modeste blogueur,
mais je tiens à vous féliciter pour celui-ci, particulièrement informatif et exhaustif !
c'est un beau travail que vous faites là !
amicalement
Bonjour,
J'espère être une blogueuse modeste, à défaut de modeste blogueuse, et vous remercie de votre commentaire! C'est toujours encourageant...
Bonjour!
Tout d'abord félicitation pour ce blog archicomplet!! Et si bien présenté! ^^
J'ai une question à laquelle vous pourriez peut être répondre vu votre expérience des festivals: j'ai entendu à la radio que l'on recherchait des "gardes-rangs" pour le festival du film américain de Deauville, cependant je ne sais pas à qui m'adresser pour me proposer (si il n'est pas trop tard; ce que je crainds! ^^). Auriez-vous une idée?
Un grand merci d'avance pour votre attention et encore bravo!!!
Aude.
Bonjour Aude,
D'abord merci pour les commentaires élogieux.
Ensuite concernant les garde-rangs, il s'agit d'être hôtesse (essentiellement pour les séances du soir je pense), votre travail se limiterait à quelques minutes (tout au plus une heure) avec possibilité, je pense, d'assister ensuite aux projections. Pour vous proposer, il faut vous adresser au CID (Centre International de Deauville ) dont vous trouverez les coordonnées sur ce blog. (colonne de gauche). Bonne chance et faîtes-moi signe si vous êtes prise.